| action | | | N'est beau que ce qui cache son origine. Les traces des actes me les font mépriser. « Celui qui sait marcher ne laisse pas de traces » - Lao Tseu - savoir marcher signifierait - danser ! | | | | |
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| action | | | Agir est affaire de traductions successives : du désir en conviction, de la conviction en projet, du projet en moyens, des moyens en actes. Et cette chaîne est une suite de ruptures, aucune traduction n'étant fidèle entre les langages du désir, du discours, de la volonté, du geste, du sens. Si l'on suit le beau, on est infidèle au vrai ; si l'on suit le vrai, on s'éloigne du beau. « La traduction, comme la femme, est infidèle, quand elle est belle, et n'est pas belle, quand elle est fidèle » - Shaw - «  Translations are like women : the beautiful ones are not faithful and the faithful ones are not beautiful » (voir aussi Lao Tseu). | | | | |
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| action | | | La force enracine tes actes et minéralise tes rêves. « La faiblesse traduit la fraîcheur de la vie » - Lao Tseu. La fraîcheur est toujours près des naissances, des commencements - de ceux des rêves. L’acte vaut par ses fins, le rêve – par ses débuts. | | | | |
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| lao tseu | | | Plus on va loin, plus la connaissance baisse. | | | | |
| | action | | | … pour devenir peut-être d'autant plus profonde. Plus je retiens mes pas, plus mon regard m'échappe, pour devenir peut-être d'autant plus haut. Plus loin je vais, plus je me rapproche de mon soi connu, que me procure la vision de buts, au détriment de l'écoute des contraintes, que dicte mon âme. Le secret des grands voyages est de ne pas en connaître le but et se laisser guider par son étoile. | | | | |
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| lao tseu | | | Se retirer, à l'apogée de son mérite, est la voie même du ciel. | | | | |
| | action | | | Et s'afficher dans les affres de la honte, en bout de cette voie. N'empêche que ce sacrifice est l'un des deux seuls moyens de prouver sa liberté, le second étant de rester fidèle à sa faiblesse, dans la détresse. | | | | |
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| amour | | | La béatitude d’abandon, le recours à mes faiblesses heureuses – tels sont de bénéfiques effets d’un amour inexplicable, inexpliqué. Je ne comprendrai jamais les chinoiseries : « Être aimé profondément donne de la force, aimer profondément donne du courage » - Lao Tseu – d’autant moins, que je ne vis ni ne rêve l’amour qu’en hauteur. L’axiologie chinoise est déroutante. | | | | |
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| amour | | | Il y a de plus en plus d’ordre et de moins en moins – d’amour ; et ainsi ils veulent atteindre les sommets d’une civilisation en paix, protégées contre toute passion. « L’ordre sans amour conduit à la bassesse » - Lao Tseu. | | | | |
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| bien | | | La vraie pitié est indissociable du sentiment de sa propre honte ; sans celle-ci, celle-là n'est que de la sensiblerie. Dans l'action, la honte est de la juste pudeur, et dans la réflexion - de la justice pudique ; et puisque les deux seuls dons, que Zeus voulut répartir équitablement parmi les hommes, furent la justice et la pudeur, la honte est primordiale, pour que le feu humain de Prométhée ait une coloration divine. « La vertu supérieure n'est pas vertueuse, la vertu inférieure ne quitte pas la vertu »** - Lao Tseu. | | | | |
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| lao tseu | | | La bonté en pensée amène la profondeur. | | | | |
| | bien | | | La bonté en action amène l'étendue ; la bonté en rêve amène la hauteur. L'une des plus grandes noblesses – préserver en rêve la bonté, qui chuta en action et même en pensée. | | | | |
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| cité | | | La fin de l'Histoire : le jour, où les quatre sources de l'homme - jaillies au même moment : les présocratiques, Zarathoustra (et ses élèves, Moïse, Manès et Pythagore), le Bouddha, Lao Tseu - seront définitivement bouchées. Nous sommes à mi-chemin. | | | | |
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| cité | | | Malraux vit juste, en prédisant au XXI-ème siècle un mainstream religieux (avec les dieux réintégrés), mais il ne pouvait pas se douter de sa vraie raison – la désintégration des poètes, la sécularisation des penseurs, la perte de vocation des martyrs. Le rouge au front, on se jettera dans les bras du Pape, du Dalaï-Lama, de l'Ayatollah, en fuyant le seul occupant de la scène publique - le marchand. Ou, tout au contraire, on congédiera les héritiers de Sabaoth, du Bouddha et de Lao Tseu, pour adhérer, conscience en paix, au seul dieu qui ait réussi, à l'Hermès des marchands. La seconde issue est plus probable. | | | | |
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| cité | | | La tyrannie veut donner à la bassesse une majesté d’esclave ; la démocratie cherche à auréoler la noblesse d’une humilité d’homme libre. « Le but de la démocratie est de faire accéder chaque homme à la noblesse » - R.Gary. Toute humilité vient de la noblesse ; le contraire : « Toute noblesse vient de l'humilité » - Lao Tseu – est peu probable. | | | | |
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| lao tseu | | | La pauvreté, dans une cité bien gérée, est une honte ; dans une cité mal gérée, l'est la richesse. | | | | |
| | cité | | | Désormais, sur les forums et dans les têtes s'est installée la loi écrite, qui bénit la richesse et, donc, la pauvreté. C'est le droit sacralisé qui étouffa la honte, aussi bien dans la cité que dans l'homme. La bonne gestion, aujourd'hui, amène la conscience tranquille aux agneaux indigents et aux loups repus. | | | | |
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| doute | | | Pour sortir du temps, la négation est aussi stérile que l'acquiescement. La bonne voie est la hauteur de l'éternel retour, à rebours du progrès et du doute ; elle est la vie aux frontières et non pas leur franchissement. Même Lao Tseu se fait contaminer par la bougeotte : « Sortir, c'est vivre ; entrer, c'est mourir ». | | | | |
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| doute | | | Tant de mes lumières mesquines doivent être éteintes, pour que je puisse me livrer, ravi, aux ombres projetées par mon seul astre, mon anti-étoile. « Égaliser les lumières, unifier les ombres »*** - Lao Tseu - on s'approfondit dans l'Un, on se rehausse dans l'unification d'arbres. | | | | |
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| doute | | | Il y a en moi ce que je crois et connais, et ce dont je me méfie et ignore. Je m'évertue à ne parler à autrui qu'au nom de la seconde facette, la première étant commune à tous. Savoir l'esprit de l'homme empêche de le connaître côté âme. Mais il faut croire en son ignorance de soi ; c'est ce que voulait dire Lao Tseu : « Si tu ne crois pas en toi-même, personne ne te croira ». | | | | |
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| doute | | | La sagesse et la puissance sont tout de maîtrise des contraintes et très peu de savoir des sources et fins. Déjà , Platon voyait dans l'égocratie, ou la maîtrise de ses propres contraintes (la tempérance), – le plus haut des biens. Parmi les contraintes : la méconnaissance de soi et la maîtrise d'autrui - presque le contraire de Lao Tseu : « Connaître autrui est intelligence ; se connaître est sagesse. Maîtriser autrui est force ; se maîtriser est puissance ». | | | | |
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| doute | | | La création est d'autant plus haute, que l'esprit se met du côté de l'inconnu et l'âme déborde vers le connu. C'est la victoire sur le soi connu que salue Lao Tseu : «  Qui se vainc soi-même a la force de l'âme », puisque le soi inconnu, c'est l'âme. | | | | |
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| st augustin | | | Errare humanum est, sed in errore perseverare diabolicum.
Se tromper est humain, persister dans l'erreur est diabolique. | | | | |
| | doute | | | « Tout homme peut tomber dans l'erreur, mais il n'y a que l'insensé, qui y persévère » - Cicéron - « Cujusvis hominis est errare ; nullus autem, misi insipientis, in errore perseverare » - non, diabolique, ou plutôt asinique, est ta persistance dans une vérité fixe, si tu ne trouves pas un nouveau langage, qui la rendrait caduque ou bancale : « L'Å“uvre une fois accomplie, retire-t'en » - Lao Tseu. | | | | |
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| hommes | | | Écoute ce ton imprécatoire, cette obsession de la vitupération, qu'adopte le goujat pour s'adresser à ses semblables. « Celui qui vous met hors de vous-mêmes vous commande » - Lao Tseu. Sache te recueillir dans cet état apaisé et lénifiant, qui ferait honneur à ton affolement et à tes irrévérences. Que ton envoûtement soit asphyxié à cause de la hauteur, pas à cause de la puanteur. | | | | |
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| intelligence | | | L'imagination est l'algèbre de l'artiste : dans une image fournie par une transformation, il reconnaît le noyau annihilé, des invariants fastueux, des projections lumineuses. « Connaître le constant, c'est l'illumination » - Lao Tseu - connaître les variables, c'est maîtriser les ombres ! | | | | |
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| intelligence | | | Quatre types d'existence : être, non-être, devenir, non-devenir - puissance, imagination, acte, immobilité. « L'être est le possible ; le non-être le rend intelligible » - Lao Tseu. Qu'est-ce qu'être intelligent ? - élargir (la connaissance), approfondir (le savoir), rehausser (le goût) le domaine du possible pour y choisir sa demeure - tour d'ivoire, souterrain ou ruines. | | | | |
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| mot | | | Rôle néfaste que peut jouer la grammaire : la transitivité du verbe taire (tandis qu'il est intransitif en allemand, schweigen über, et en russe, молчать о) fait du silence de Wittgenstein une cachotterie ou une dissimulation, tandis qu'il s'y agit d'une impuissance ou d'un recueillement ; peut-on taire un heptagone constructible ? - la transitivité suppose l'existence, ce que ne fait pas l'intransitivité. Le Filioque n'est pas très loin. Par ailleurs, il ne serait qu'une pure chinoiserie : « Le premier engendra le second ; les deux produisirent le troisième ; et les trois firent toutes choses. L'incompréhensibilité de cette Trinité vient de son Unité » - Lao Tseu. | | | | |
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| mot | | | Ni les mots, ni même les caresses, n'arriveront jamais à rendre, fidèlement, le fond de ce qui anime notre soi, chaud, palpitant et inconnu ; mais les mots, et surtout leur forme, peuvent avoir leur propre saveur, dont la fin principale serait de nous détourner du monde extérieur et de nous laisser en tête-à -tête avec le monde intérieur. On dirait, que le chinois l'ignore : « Quand elle passe par notre bouche, la sagesse est fade et sans saveur » - Lao Tseu. | | | | |
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| lao tseu | | | Les vrais mots ne sont pas beaux ; les beaux mots ne sont pas vrais. | | | | |
| | mot | | | Les vrais mots remplacent le regard ; les beaux mots le dessinent. Et si l'on veut les soumettre à l'épreuve de la vérité, c'est qu'on préfère la chose vue au regard (Heidegger : « La pensée est chose vue »). | | | | |
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| noblesse | | | L'interminable série de défaites de la noblesse par plagiats-perversions : Héraclite voue la philosophie au discours poétique, et Parménide l'encanaille dans une logique bancale ; Pythagore cultive une lumineuse mystique du nombre, et les éléatiques récoltent une casuistique des ombres ; Lao Tseu place le tao dans une inaction altière, et Confucius l'embrigade dans de bas rites ; Platon hisse l'idée lyrique hors du sol, et Aristote la souille par un enracinement empirique ; le cynique prône le mépris hautain, et le stoïcien bassement l'arraisonne ; les murs de Jésus ne convainquent personne, mais les portes des églises rameutent ; la mystique d'une Déité de Maître Eckhart sombre dans le charlatanisme de l'Unité de Nicolas de Cuse ; Kant trouve, pour le savoir divin, un refuge dans la transcendance, et Hegel le réduit à l'état de caserne dialectique ; Nietzsche s'ouvre à l'ivresse des sens, et Heidegger l'évente dans la sobriété de l'être et de l'essence. | | | | |
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| noblesse | | | L'art des contraintes : me rendre sourd à ce qui pourrait me mettre en route ; me faire aveugle devant ce qui voudrait occuper mon horizon ; détourner mon nez de l'insipide. « L'élimination de l'inessentiel, voilà le secret de l'intensité vitale » - Lao Tseu. C'est aussi la clé d'un bon style. Des liaisons, des développements, des justifications relèvent, la plupart du temps, de l'inessentiel. La grandeur n'est pas dans l'intégrité profonde, mais dans le pointillé hautain : « Pour bien écrire, il faut sauter les idées intermédiaires » - Montesquieu. | | | | |
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| noblesse | | | Toute exploration des ampleurs ou profondeurs humaines m'éclaire sur moi-même, et Lao Tseu a tort : « Plus on voyage au loin, moins on se connaît »Â ; c'est le séjour dans la hauteur, qui m'apprend, que le vrai soi (celui de Plotin ou mon soi inconnu) est inaccessible ; mais pour réussir ce voyage, je dois devenir impondérable et être porté par mon propre souffle – et je me porte d'autant mieux quand je suis conscient de ne pas me connaître. | | | | |
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| noblesse | | | Ce que j'ai de meilleur procède de mes faiblesses. Pour un recalé des certitudes, paumé des doutes et nostalgique des défaites, c'est une raison de plus pour m'y attacher. Confucius, n'a-t-il pas mis homme et faiblesse dans le blason de son école, le jou ? À moins que l'oxymore du nom de Lao Tseu, vieil enfant, ne renforce mon goût du paradoxe. | | | | |
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| noblesse | | | Je n'aime pas le scepticisme : dans chaque infirmité de la vie on peut atteindre à l'émerveillement. Même dans la dégringolade des merveilles il y a du merveilleux. L'amusement du rêveur ironique est de desceller les piédestaux d'idoles, même de ceux de Pyrrhon et de Lao Tseu. | | | | |
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| hölderlin f. | | | Weil ich anfangslos mich fühle, darum weiß ich, daß ich endlos bin.
Je sais, que je suis sans fin, puisque je me sens sans commencement. | | | | |
| | noblesse | | | Celui atteint la plus grande hauteur qui sait, que ni le premier ni le dernier pas ne lui appartiennent. « Le dernier mot revient toujours à de la non-maîtrise » - Derrida. De fermes contraintes assurent l'élasticité du but : « Le fond que tu peux atteindre n'est jamais le vrai fond » - Lao Tseu. | | | | |
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| proximité | | | En dehors des manuels, la seule profondeur respectable est celle de ma propre épaisseur, quel que soit le fond, sur lequel elle se pose. Mais l'homme moderne, qui veut passer pour profond, échafaude un savoir consensuel, au-dessus duquel ne s'étale que sa platitude. La hauteur, en revanche, est une attitude, qui égalise les points de départ (bien que les vrais départs soient rares) et ne tient qu'à la distance incompressible entre soi et les choses, basses ou hautes. « La distance, âme du beau »* - Lao Tseu. | | | | |
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