| bien | | | La chute du prestige de la vertu est une question de statistiques : les occasions de la pratiquer, comme utiliser les pièces d'or, devinrent si rares, que l'organe responsable, l'âme, devint atavique. La noblesse, ne serait-elle pas réduction d'échanges et autarcie des besoins ? Et elle serait sans prix : « La noblesse est la seule vertu » - Juvénal - « Nobilitas est unica virtus ». La pitié, ne serait-elle pas hors usage, puisque l’État s’en charge ? « La pitié est la seule vertu Naturelle »* - Rousseau. | | | | |
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| bien | | | La merveille du Bien, cloîtré dans le cÅ“ur, se confirme par la merveille de la larme, qui inonde les yeux, lorsque le cÅ“ur se met à vibrer. Quel génie fallait-il au Créateur, pour inventer une telle liaison ! « Si la nature nous donna les larmes, c'est que, sans doute, elle envisageait de nous munir d'un cÅ“ur tendre »** - Juvénal - « Mollissima corda humano generi dare se natura fatetur, quæ lacrymas dedit ». | | | | |
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| cité | | | Aujourd'hui, les révoltes les plus bruyantes ne valent même pas une chronique de faits divers. « À défaut de génie, c'est la révolte qui dicte le vers » - Juvénal - « Si natura negat, facit indignatio versum ». Le goût, c'est de savoir quelle révolte vaut un vers. Le poète né est irascible, sans attendre des défis (« genus irritabile vatum » - Horace). Mais à défaut de génie, c'est à dire de regard, il ne reste que le bêlement d'incompris. | | | | |
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| doute | | | La lumière divine rend ténébreux l'homme, parvenu à maîtriser les lumières humaines et à s'en détacher. Mais c'est aux gouffres de l'attachement qu'il destine les plus belles de ses ombres. La rencontre entre une haute lumière et une ombre profonde, une espèce de vice vertueux, serait la trajectoire à désirer ; « tous les vices se tiennent près des précipices » - Juvénal - « omne in praecipi vitius stetit ». | | | | |
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| ironie | | | Entre faire face et se cacher la face, le courage, le plus souvent, consiste à faire le second choix, à préférer les yeux baissés au front plissé (« fronti nulla fides » - Juvénal). Nos revers nous reproduisent plus fidèlement, les façades ou frontispices cachant nos ruines. | | | | |
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| ironie | | | L'ironie est une fuite, une absence. En tant que telle elle fut à l'origine de la plupart des grandes littératures européennes modernes ; en Italie, avec Boccace, elle devint comique, en France, avec Montaigne, - abstraite, en Espagne, avec Cervantès, - chevaleresque, en Angleterre, avec Shakespeare, - charnelle, en Allemagne, avec Goethe, - romantique, en Russie, avec Pouchkine, - humanitaire. Curieusement, à l'opposé, les Romains n’eurent pas leur Socrate, et le glas de l'Antiquité sonna avec les ironiques Lucien et Juvénal. | | | | |
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| ironie | | | C'est dans la poésie que s'épanouit le plus naturellement la noblesse - dans un corps d'esprit sain s'épanouit un sain esprit de corps. « L'esprit sain dans un corps sain » - Juvénal - « Mens sana in corpore sano ». | | | | |
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| ironie | | | Le XVI-me siècle, c’est la fête de l’ironie dans la littérature – Cervantès, Shakespeare, Montaigne et même Luther. Le siècle suivant, celui des dramaturges et des philosophes, étouffa cette vitalité ; et le phénomène Voltaire n’est qu’un chant du cygne de l’ironie agonisante. Notre époque vit sous le signe de la gravité, de la lourdeur, de la pédanterie. Rappelons-nous que les chutes de la Grèce et de Rome furent annoncées par leurs derniers ironistes, Lucien et Juvénal. | | | | |
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| noblesse | | | La nature et l'intelligence ont bien le même lexique, mais la grammaire de la sagesse est beaucoup plus permissive. « Jamais la nature n'eut un langage et la sagesse un autre » - Juvénal - « Nunquam aliud Natura aliud Sapientia dicit » - l'un des signes de sagesse est tout de même la création de nouveaux langages. | | | | |
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| noblesse | | | La vie a ses raisons et ses pulsions ; il faut savoir maîtriser les premières et succomber aux secondes. « Pour vivre, perdre la raison de vivre » - Juvénal - « Et propter vitam, vivendi perdere causam ». Sans cette raison, il est plus facile de se résigner à réduire la vie à un livre, pour rester maître de ses raisons : « Il est possible, que le livre soit le dernier refuge de l'homme libre »** - A.Suarès - mais l'homme libre finit par ne plus vivre que des autres et par n'écrire de livres que sur des livres des autres, et non plus sur sa propre vie invisible. Aimer à perdre la raison (Aragon) paraît être une bonne introduction à la sagesse, puisque celui qui n'en perd jamais, n'en a pas beaucoup. | | | | |
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| souffrance | | | Pour un créateur, quelle jouissance que de sentir la source mystérieuse de ses meilleures trouvailles – en soi-même, ou, mieux encore, - dans son soi inconnu ! Cette conscience me visite entre la nuit de mon étoile et le jour de mon action, aux frontières entre l'élan et la honte. De nuit ou de jour – on souffre : « Quelle cuisante douleur que de porter soi-même nuit et jour, comme son propre témoin » - Juvénal - « Poena vehemens, nocte dieque suum gestare in pectore testem ». | | | | |
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| vérité | | | Exposer « la vérité de sa nature » (Juvénal, St-Augustin, Abélard, Rousseau, Wittgenstein), ou s'inventer dans des convulsions de la honte (Dostoïevsky, Kafka, Cioran) - les seconds me convainquent davantage de leur authenticité (подлинный-authentique, en russe, ne signifie-t-il pas arraché sous la torture ! Et toute confession digne de notre intérêt devrait s'appeler Historia calamitatum). | | | | |
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| vérité | | | L'âme n'ayant pas de mots à elles, ni la vie - de sa vérité, la tâche du sage est humanitaire : chanter l'éloquence d'un muet et bâtir la défense d'un condamné. « Exprimer les mots de l'âme et consacrer la vie à la vérité » - Juvénal - « Verba animi proferre et vitam impendere vero ». | | | | |
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