| action | | | Le but peut devenir beau, si l'on ne voit pas les moyens pour l'atteindre. La vue des moyens le rend mécanique ! La vraie noblesse est sans moyens ; elle est la paternité des contraintes qu'on s'impose (sibi imperiosus - Horace). « Ce qui est permis est vil » - Pétrone - « Vile est, quod licet » (évidemment, pour Jovi, non bovi). Tout bon problème contient ses solutions, mais ce n'est pas le moteur d'inférences qui en résume la hauteur. | | | | |
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| action | | | Au lieu de rester immobiles, pour se réjouir du souffle ardent de la vie, ils s'agitent pour échapper au souffle glacial, derrière leur nuque. Rien ne sert de courir, puisque « la mort rattrape même celui qui court » - Horace - « mors et fugacem persequitur virum ». | | | | |
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| horace | | | Dimidium facti, qui coepit, habet. Sapere aude, incipe !
Qui a su commencer a, à moitié, fait. L’audace du savoir est dans le commencement ! | | | | |
| | action | | | Et la meilleure moitié ! Celui qui ne fait qu'agir ne commence rien. Ne commencent que les désirs, vocalisés par les mots ; les gestes, même les premiers, achèvent. | | | | |
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| horace | | | Sincerum est nisi vas, quodcumque infundis acescit.
Si le vase n'est pas pur, tout ce qu'on y verse aigrit. | | | | |
| | action | | | Le vase, contrairement aux cruches, a aussi la vocation de forme et de sonorité, et l'aigreur des yeux ou des oreilles peut être autrement plus incommodante. | | | | |
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| horace | | | Levius fit patientia ; quidquid corrigere est nefas.
La résignation allège tous les maux sans remède. | | | | |
| | action | | | La résignation profonde, avec l'admiration haute, dessinent l'axe consolateur du philosophe. Ressentir comme un baume ce qui ne serait qu'un palliatif ou un poison. | | | | |
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| spinoza b. | | | Humanas actiones non ridere, non lugere, neque detestare, sed intellegere !
Ne pas railler, ne pas déplorer ni maudire, mais comprendre les actions des hommes ! | | | | |
| | action | | | Déjà, cette méchante raison dicta à Horace son nil admirari. En élevant le débat au second degré, on peut te donner raison : nos plus forts sentiments devraient être réservés aux choses invisibles. Aux visibles, mieux convient l'ironie que l'extase. Mais l'ironie est une tonalité de mon message aux autres, elle n'a aucun sens, quand j'apostrophe moi-même. Face à moi-même, et même à mes actions, je ne peux que rire ou pleurer. Les vraies questions naissent du rire divin ou des pleurs humains. | | | | |
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| horace | | | In amore haec sunt mala, bellum, pax rursum.
Il y a deux maux en amour : la guerre et la paix. | | | | |
| | amour | | | Quand ce n'est pas la trêve qu'on négocie, trêve, qui est à l'origine des deux. | | | | |
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| horace | | | Nil admirari, prope res est una, solaque quae possit facere et servare beatum.
Ne s'étonner de rien, la seule chose, qui peut donner ou conserver le bonheur. | | | | |
| | amour | | | C'est l'enfantement du bonheur qui me secoue le plus, et il ne peut naître que dans un étonnement devant les germes, qui poussent en moi, malgré moi. Le bonheur est dans la procréation, dont la création n'est que le langage. | | | | |
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| art | | | La pensée-éclair, venue de la hauteur, cherche les mêmes débouchées que les fleuves interminables de nos vallées de larmes : « Il faut voir nettement, que le discours pléthorique et le discours laconique ont le même but » - Épicure. Malheureusement, on n'écoute pas le sain constat des postmodernes : ni l'intelligence ni le savoir n'appartiennent plus au genre discursif. Mais la règle de l'économie des moyens est sans exceptions : « Quelle que soit la leçon, la brièveté s'impose » - Horace - « Quidquid praecipies, esto brevis ». | | | | |
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| art | | | Tout grand écrit naît d'une ivresse, ivresse des choses, des idées, des mots ; mais le plus grand secret consiste à savoir s'enfiévrer de soi-même. Ce beau conseil d'Horace : « tu ne planteras aucun arbre austère avant la vigne sacrée » - « nullam sacra vite prius severis arborem » ! | | | | |
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| art | | | Remarquable hiérarchie des genres littéraires, dans l'Antiquité ! Que diraient les Anciens en apprenant qu'aujourd'hui, le genre de Pétrone est placé au-dessus de ceux d'Horace ou de Sénèque ! | | | | |
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| art | | | L'ironie d'Apollon : ne pas m'accompagner en toute circonstance, pour voir, à qui je vais me vouer, dès qu'il m'abandonne. « Quelquefois même le bon Homère somnole » - Horace - « Quandoque bonus dormitat Homerus ». D'autres, dès qu'Apollon les quitte, veillent sous la baguette d'Hermès, au lieu de réveiller des Muses ou des Furies. | | | | |
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| horace | | | Neque semper arcum tendit Apollo.
Apollon ne tend pas toujours son arc. | | | | |
| | art | | | Il l'eût pu, il manquerait de flèches. Sans l'arc, il se rapproche d'Arès, comme tous les mortels. Pouchkine le comprenait, pas Baudelaire. L'Hyperboréen apollinien est avec le dieu aux loups et aux cordes sans flèches, à contretemps de Dionysos. | | | | |
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| de vinci l. | | | La Pittura è una Poesia muta e la Poesia une Pittura cieca.
La Peinture est une Poésie muette et la Poésie une Peinture aveugle. | | | | |
| | art | | | L'art est musique et regard, et non pas mutisme ou cécité. « Si la poésie est une peinture qui parle, la peinture est une poésie muette » - Cicéron - « Si poema loquens pictura est, pictura tacitum poema debet esse ». La poésie, c'est la peinture qui, en se détachant du bruit d'atelier et du silence de musée, se mettrait à parler en musique (« la poésie est comme la peinture » - Horace - « ut pictura poesis »). Et quand elle est complétée par une philosophie, la hauteur de sa musique s'anime de l'intensité du regard. | | | | |
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| tsvétaeva m. | | | Моим стихам, как драгоценным винам, наступит свой черёд.
Mes poèmes, tels ces vins précieux, se bonifieront avec le temps. | | | | |
| | art | | | Même les maîtres intemporels, en désespoir de cause, se remettent au temps : « Le temps rend meilleurs les poèmes comme les vins » - Horace - « Si meliora dies, ut vina, poemata reddit » ! Sois prêt à jeter à la mer ta meilleure bouteille, avec ton meilleur poème, - une âme à sauver plutôt qu'une sève à aimer. | | | | |
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| bien | | | Une belle sensation : je me verse dans l'infini, c'est-à-dire, sans rien ajouter ni modifier dans une somme monumentale. Même une chute peut en être l'origine : « Qui tombe ne soustrait rien au Nombre sacré. La chute sacrificielle rejoint la source et nous y guérit »** - Rilke - « Wer fällt, vermindert die heilige Zahl nicht. Jeder verzichtende Sturz stürzt in den Ursprung und heilt ». Peu importe si c'est pour t'en réjouir ou pour « te tourmenter de visions infinies, qui te dépassent » - Horace - « quid aeternis minorem consiliis animum fatigas ». Admirer l'horizon « assez vaste, pour permettre de chercher en vain » (S.Beckett) ton regard délicieusement insignifiant. | | | | |
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| bien | | | Tout ce qui est rendu possible grâce à la puissance monétaire, que ce soit la charité réglementée ou la vindicte contre des rapaces moins agiles, ne peut être que du vice. Les bonnes et pieuses intentions des riches se trouvent, pourtant, dans cette formule horatienne : « Des sous d'abord, des vertus - après » - « Virtus post nummus ». | | | | |
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| cité | | | Aujourd'hui, les révoltes les plus bruyantes ne valent même pas une chronique de faits divers. « À défaut de génie, c'est la révolte qui dicte le vers » - Juvénal - « Si natura negat, facit indignatio versum ». Le goût, c'est de savoir quelle révolte vaut un vers. Le poète né est irascible, sans attendre des défis (« genus irritabile vatum » - Horace). Mais à défaut de génie, c'est à dire de regard, il ne reste que le bêlement d'incompris. | | | | |
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| hugo v. | | | Qui est incapable d'être pauvre, est incapable d'être libre. | | | | |
| | cité | | | Notre société, si prodigue en récompenses des mérites, prive tout homme fort de cette chance de vivre en misère et le rend, de ce fait, esclave méprisable. L'homme ne sachant pas se contenter de peu, vivra toute sa vie en esclave (Horace). | | | | |
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| horace | | | Brevis esse laboro, obscurus fio.
Je m'efforce d'être bref et je deviens obscur. | | | | |
| | doute | | | Aller en longueur ne demande pas d'efforts, mais produit une fausse clarté. Dans des tirades, les maillons s'effacent et les objets enchaînés vivent comme dans un agenda. Dans la brièveté des mots, les liaisons effacent les objets liés. | | | | |
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| hommes | | | Notre génération réalisa un équilibre salutaire, celui entre la vulgarité décroissante de la bêtise et la vulgarité croissante de l'intelligence ; la noblesse peut désormais, la conscience tranquille, fuir les deux camps, sans se compromettre avec aucun. En évitant de se frotter contre le goujat, on s'épargne une haine inutile (odi profanum vulgus et arceo - Horace). | | | | |
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| hommes | | | Dans la devise horacienne de carpe diem, prônée par les sots de toutes les époques, tout le monde atteint à peu près la même perfection, c'est à dire la même platitude. Parmi les hommes qui échappent à cette banalité, on trouve les énergumènes des avenirs qui chantent, les rêveurs du passé mis en musique, les créateurs des mondes, intemporels et inexistants, mais qui dansent. Le présent, lui, narre ou marche, il est l'empreinte figée d'un mouvement impossible, qu'il s'agit de vivifier. | | | | |
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| hommes | | | On est assez grand, tant qu'on peut se boire ou se lire, en oubliant les lèvres et les dates des autres. Virgile, au moins, pensait au jugement d'Homère, et Horace - à Sappho… Ovide a raison : « Qui n'est pas d'aujourd'hui, sera encore moins de demain » - « Qui non est hodie, cras minus aptus erit ». Quant à l'avenir, tout bon art devrait se fier à la « poste de la bouteille », Celan (Flaschenpost), le « pays du cœur » (Herzland) ne manquant pas de rivages. | | | | |
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| hommes | | | Depuis 500 ans on tenait bon, et voilà que de nouveaux barbares déferlent - par quelle brèche ? « Nos pères, pires que nos grands-pères, nous enfantèrent, les dépravés, qui donnerons vie à une progéniture de minables » - Horace - « Aetas parentum peior avis tulit nos nequiores, mox daturos progeniem vitiosorem ». | | | | |
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| horace | | | Vixere fortes ante Agamemnona multi ; sed omnes inlacrimabiles.
Nombreux furent les grands bien avant Agamemnon, mais aucune voix ne les a pleurés. | | | | |
| | hommes | | | Depuis Homère, pour maintenir son nom au-delà de son heure ultime, l'homme, prince ou vilain, en appelait au poète ou à la pleureuse. Fini, son besoin de mythes ou de message. Aujourd'hui, tous ses soucis sont confiés à son argentier, pour régler le rite et le legs. Plus de pleurs ni de rires organiques, sur la grandeur défunte mécanique ; des registres ou plaques robotiques suffisent. | | | | |
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| horace | | | Odi profanum vulgus et arceo.
Je hais la foule profane et l'évite. | | | | |
| | hommes | | | Haïr la foule docte, dans laquelle je suis plongé, dans ce siècle éclairé, devint autrement plus vital. La Fontaine haïssait les « pensers vulgaires », puisqu'ils furent « injustes, téméraires » ; aujourd'hui, c'est leur justice douceâtre qui est beaucoup plus nauséabonde. | | | | |
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| ironie | | | Je me prends pour un hérisson (« un être sphérique » - Parménide), mais, aux yeux des autres, je ne suis qu'une « boule lisse » stoïcienne (« atque rotundus » - Horace), ou, pire, un « atome lisse de la volupté » de Lucrèce. | | | | |
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| ironie | | | En dessinant sa vie non en lignes droites, mais en pointillé, on reste dans les avant-derniers pressentiments et évite la pénible idée du sentiment dernier : « La mort trace la dernière ligne des choses » - Horace - « Mors ultima linea rerum est ». | | | | |
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| ironie | | | Dans mon parcours vital, je sens mes vecteurs, je me doute de ma valeur, mais je dois les vêtir : « S'habiller à sa taille et se chausser à son pied : voilà la sagesse » - Horace - « Metiri se quemque suo modulo ac pede verum est ». La sagesse de ceci n'est pas dans les verbes, ni dans les noms, ni dans les pronoms réfléchis, elle est dans l'adjectif possessif. Connaître ses tailles et mesures est une grande question. Et puisqu'il ne m'est pas donné de posséder la sagesse, il ne me reste qu'à l'aimer, c'est à dire, à être philosophe. | | | | |
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| mot | | | Pour sculpter mon regard, je prends le bloc de mon être, j'en élimine mes actes, pour n'en laisser que mes mots et ma voix (« verba et voces » - Horace, si loin de la devise américaine : « acta non verba » !). En paraphrasant S.Beckett, je dirais, que mon style se dégagera des réponses à ces questions en marbre : Où irais-je, si je devais aller ? Que serais-je, si je voulais être ? Que dirais-je, si je pouvais avoir une voix ? | | | | |
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| horace | | | Scribendi recte sapere est et principium et fons.
L'art de bien écrire est ton commencement et ta source. | | | | |
| | mot | | | Une bonne écriture vient avec notre talent ; les commencements et les sources résident dans notre génie, qui n'a rien de langagier. La bonne écriture, c'est l'art de rester fidèle au message de ta source, donc - de garder le rythme ; bien écrire, c'est créer de la musique. | | | | |
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| horace | | | Verbaque praevisam rem non invita sequentur.
Pour une chose bien conçue, les paroles s'offriront et couleront d'elles-mêmes. | | | | |
| | mot | | | Tous les sots croient Caton : « La chose maîtrisée, le mot n'aura que suivre » - « Rem tene, verba sequentur ». Non : pour les mots bien conçus, les choses s'offriront et se feront rouler ! | | | | |
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| horace | | | Vis consili expers mole ruit sua.
La force, sans esprit, s'écroule de son propre poids. | | | | |
| | mot | | | L'idée, sans renouvellement de mots, se pétrifie ou cesse d'être féconde. | | | | |
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| horace | | | Est brevitate opus, ut currat sententia.
Sa brièveté fait courir la pensée. | | | | |
| | mot | | | Il s'agit d'un élan intérieur d'une pensée verticale. Ne tracent des routes que des pensées étalées. Être emporté par un vecteur, une brève pointe des hic et nunc, plutôt qu'être porté par la longue droiture des valeurs, des pourquoi et comment. Haut doute ou profonde blessure plutôt que routes, plates et sûres. | | | | |
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| kafka f. | | | Das rechte Wort führt ; das Wort, das nicht recht ist, verführt.
Le mot juste conduit ; le mot, qui n'est pas juste, séduit. | | | | |
| | mot | | | Par le premier on déduit des idées ; le second, on l'éconduit auprès du rêve. Charme viendrait de carmen - invention, poésie, maxime. « II ne suffit pas, que ton poème soit joli ; il doit séduire » - Horace - « Non satis est pulchra esse poemata ; dulcia sunto ». | | | | |
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| noblesse | | | Comment pratiquer le sacrifice et la fidélité ? - s'inoculer l'infériorité du fort ou la supériorité du faible. Sache que la force infeste ce qui naît dans tes strates inférieures, et la faiblesse assainit ce qui soupire dans tes hauteurs. Le sacrifice est le frère de l'injustice (la fidélité-foi serait la sœur de la justice - Horace - iustitiae soror, incorrupta Fides). | | | | |
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| noblesse | | | Me présenter, devant mes égaux, dans toute ma vulnérabilité. N'opposer aux autres que l'invulnérabilité des ruines, citadelles sans murailles (« muris quod caret oppidum » - Sénèque) - qu'ils tremblent pour leurs édifices, mes séjours saluent les secousses, les éruptions et le clair de lune. « C'est inébranlé, que tu accueilleras toute ruine »*** - Horace - « Impavidum ferient ruinae ». Surtout si je continue à ne pas quitter ma turris eburnea (tour d'ivoire). | | | | |
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| noblesse | | | En remontant aux causes premières, à partir même du plus profond de nos embrasements, nous tombons, immanquablement, tôt ou tard, sur un leurre, ce punctum pruriens (Schopenhauer) de toute pensée : « Dès qu'on insiste un peu, c'est le vide » - Céline. Ne pas insister n'est pas glorieux : « Ce n'est qu'un esprit peu exigeant qui se contente de peu. Un sot serait-il un sage ? » - Valéry - puisque, d'après Horace, ne pas le savoir, c'est vivre en esclave. | | | | |
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| noblesse | | | Je souhaite d’après mes bas intérêts d’esclave ; je désire selon mes hauts songes d’homme libre. Les fidélités ou sacrifices difficiles – telle est la meilleure manifestation de cette liberté. Et Horace : « Qui désire – craint, il ne sera jamais libre » - « Qui cupiet, mutuet, liber non erit umquam » - vise la liberté robotique et non pas éthique. | | | | |
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| proximité | | | Le bonheur est cette unique orbite autour d'un lourd et ardent astre du désir. Je m'en éloigne et je ne sens plus sa chaleur. Je m'en approche et je me brûle les ailes. Mais le vrai désastre, c'est le manque d'un astre. Lorsque dans cet équilibre, dans cette aurea mediocritas à la Horace, disparaîtra toute déviation dorée, et ne restera qu'une médiocrité linéaire. | | | | |
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| proximité | | | Omnis moriar signifie que, sans ton visage, tes rimes et rythmes sont dépourvus de sons et de sens. Deux réactions possibles : réduire tes frissons aux harmoniques communes calculables ou n'y mettre que ton visage. Mais non moriar omnis (Horace) rend sensée la consolation : « Pour un vivant, je ne vois rien de plus précieux que ce qui l'aide à ne pas mourir en entier » - R.Debray. | | | | |
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| solitude | | | L'homme cajolé par sa patrie quitte souvent soi-même. Mais « comment fuir à soi-même, quand on quitte sa patrie ? » - Horace - « patria quis exul, se quoque fugit ? ». La patrie vaut, entre autres, par la qualité de l'exil qu'elle nous procure ; les meilleures voix s'enrouent sous un soleil familier et se raffermissent parmi d'indifférentes étoiles. La nuit est l'exil du rossignol. | | | | |
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| solitude | | | Le fruit invite la famille, l'ami, le collègue ; la fleur n'est à sa place que seule : dans une main d'amoureux, dans une prairie, sur une tombe. La rose n'est à personne - Niemandsrose ou Роза-Никому (Celan et Mandelstam) ; « le rêve de personne sous tant de paupières » - Rilke - « Niemandes Schlaf unter so viel Lidern ». Elle est un climat, elle fait oublier les saisons : « La rose meurt hors saison » - Horace - « rosa sera moretur ». Bref, une rose impossible : « Toujours improbable paraît la rose » - Goethe - « Unmöglich scheint immer die Rose ». | | | | |
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| souffrance | | | Valet des idées et maître des mots, telle est la pose du poète, et il est toujours malheureux, puisque « Bonheur gît en médiocrité, ne veut ni maître ni valet » - Baïf, et « il n'est pas permis au poète d'être médiocre » - Horace - « Mediocribus esse poetis non concessere ». L'épée ou les chaînes, c'est une culture du fer, dont s'accommode mal la aurea mediocritas. « Ce qui abat irrémédiablement l'âme, c'est la médiocrité de la douleur et de la joie » - R.Rolland. | | | | |
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| souffrance | | | La terrifiante certitude des « omnis moriar » et « letum omnia finit » - n'en déplaise à Horace et Properce - « tout de moi mourra » et « tout s'achève avec la mort ». Le corps livré au ver, l'âme livrée au vers. À l'arrivée, ni espoir ni recherche, laissés aux rabelaisiens : « Je m'en vais chercher un grand peut-être ». Ne fabriquent de l'éternel que des professionnels de la consolation gratuite - Leibniz, Kant, Hegel. Les bons charlatans se contentent d'en proclamer le mortel héroïsme : « C'est la précarité de l'œuvre qui met l'artiste en posture héroïque »*** - G.Braque. | | | | |
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| horace | | | Ingenium res adversa nudare solent, celare secunda.
Le malheur a le mérite de réveiller nos talents qui, en circonstances heureuses, seraient restés endormis. | | | | |
| | souffrance | | | Ce sont, en général, de bien petits malheurs et de bien petits sommeils. Le vrai talent naît du rêve d'un bonheur en quête d'interprète. Et quand l'intelligence ajoute à ce rêve obscur une lumineuse certitude de la beauté du monde, on devient créateur. | | | | |
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