| action | | | Entre l'être et le connaître, le faire. Être, c'est végéter, vivre dans des réponses. Connaître, c'est partir, glaner des métaphores et métamorphoses comme de belles interrogations, qui s'énoncent, s'écoutent, s'admirent sans espoir de retour dans l'univers, qui les enfanta. Faire, c'est se renier, laisser la cervelle ou la main assoupies interpréter les songes d'une âme en éveil. « Le monde, c'est la douceur du rêve de vivre et l'amertume de l'acte de vivre »** - Héraclite. | | | | |
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| action | | | La hauteur n'est pas dans la capacité d'indiquer les directions (Schiller ou Nietzsche), mais dans celle de voir nettement les chemins à ne pas parcourir. Tous les chemins se dessinent dans l'horizontalité ; dans la verticalité, il n'y a ni tournants ni pentes, que des élans et des chutes : « Le chemin vers la hauteur et le chemin vers la profondeur sont un »* - Héraclite - et il n'est ni spatial ni même bidimensionnel, mais réduit à un point, où demeurera ton regard. | | | | |
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| action | | | Le Grec chantait la pose d'archer, et le Romain - l'efficacité des flèches. « Je loue la direction si ferme de tes flèches » - Lorca - « Canto la firme dirección de tus flechas ». C'est déjà mieux que de chanter les cibles atteintes, mais moins noble que de n'admirer qu'un arc tendu. La foudre d'Héraclite est une flèche décochée, tandis qu'il vaut mieux se contenter de créer une tension entre la flèche immobile et sa cible filante. | | | | |
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| art | | | Je n'aime ni fragments ni miettes ; mes mots ne font pas partie d'un tout, qui aurait pu ou dû être narré en récit continu. Quand on n'a pas d'éclairs, comme Héraclite ou Cioran, on dessine des nuages, on fait du bourrage. On n'a rien à déchirer, quand on tisse en l'air. Mais j'aime une alvéole fractale, un motif en pointillé, qui tapisserait une surface projetée vers l'infini. | | | | |
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| art | | | Plume à la main, ce qui compte, c'est la profondeur de mon regard sur les fins, l'étendue de l'ironie sur le poids des moyens, la hauteur des contraintes. Bref, je ne serai jamais ni choix ni mouvement. (« Nous sommes choix » - Sartre ; « tout est mouvement » - Héraclite). | | | | |
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| art | | | Dans une œuvre d'art doivent apparaître mes négations et mes affirmations, résultant de mes contraintes ou de mon goût, ce que mes yeux évitent d'envisager et ce que mon regard perçoit dans les ombres de ma Caverne, des silences et des révélations, des voilements et des dévoilements. C'est aux non-artistes que s'adresse le pragmatique conseil d'Héraclite : « Ne voile ni ne dévoile, mais montre ». | | | | |
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| art | | | Héraclite se serait moqué des dialogues socrato-platoniciens ; J.Joubert arrachait les pages discursives de tous les livres, y compris de ceux de son ami Chateaubriand ; Nietzsche riait des pâles chinoiseries kantiennes ; Valéry baillait sur les marquises de Proust ou sur les cinq heures de Bergson. La philosophie est une matière littéraire ; la littérature ne vaut que par son côté poétique ; la poésie est un hymne à la musique ; la musique est faite de métaphores mélodiques et rythmiques ; la métaphore verbale s'identifie avec la maxime. | | | | |
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| art | | | Quand, dans mes yeux, les couleurs et les formes se mettent à parler musique, quand donc la vue cède en intensité à l’ouïe, je deviens plus qu’un témoin, je deviens regard, - mon âme barbare en serait muée en juge partial mais illuminé. « Les yeux sont des témoins plus exacts que les oreilles » - Héraclite. | | | | |
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| art | | | Une belle œuvre naît de la hauteur des contraintes, de la profondeur du talent, de l’amplitude de la matière ; cette dernière est composée d’axes entiers : « Le plus bel assemblage se fait à partir des opposés »** - Héraclite. | | | | |
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| art | | | On ne trouve de vrais rêveurs que chez Héraclite et Platon, Goethe et Byron, Dostoïevsky et Nietzsche ; tous les autres, avant, pendant ou après ceux-là, y compris leurs épigones, ne peignent que des bavards réalistes ou des pédants abstractionnistes. | | | | |
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| bien | | | Pour Nietzsche, au-dessus, ou mieux, au-delà de tous les axes, Bien - mal, puissance - maladie, nihilisme - acquiescement, surhomme - dernier homme, seigneur - esclave, ce qui compte, c'est la mesure dite intensité, la pose, véhémente et incohérente, et non pas une position, sobre et argumentée. Pour se permettre d'être impitoyable et éhonté, par combien de hontes et de pitiés avalées a-t-il dû passer ! Et de même, Platon, avec ses diatribes contre la démocratie et les poètes dans la cité. On ne connaît que trop les positions des philosophes ; on n'en connaît pas assez les poses. De Vinci ou Valéry, apportant à l'art davantage d'intensité, en incluant la science au même axe artistique. Héraclite, chantant l'harmonie d'opposés. | | | | |
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| bien | | | Il faut posséder un sacré don sophistique, pour trouver à l'ombre et à la lumière, au Bien et au mal – une nature identique (Heraclite). La lumière et le Bien sont des principes divins, et l'ombre et le mal - les actions humaines déployées sur ces axes divins ; toute grande création est pénétrée d'ombres et entachée de mal, qui est ombre de la honte. | | | | |
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| | bien | | | Ce genre de raisonnement ne s'applique qu'à ce qui relève de l'expérience. Le bon, le beau et le vrai y échappent ; ils n'ont pas besoin de leur contraires, pour exister ; ils préexistent à toute expérience. Mais si le vrai a un contraire très net, le beau - un contraire sans intérêt, le bon n'en a pas du tout ; le mal a une source à part, pragmatique, hors toute éthique. | | | | |
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| cité | | | Jadis, le bourgeois s'imaginait gentilhomme en s'acoquinant avec l'artiste, symbole de l'aristocratie d'esprit ; aujourd'hui, la seule aristocratie visible est médiatique, - le bourgeois se détourne de l'artiste et s'entoure de journalistes, l'artiste lui-même s'abaisse au métier de journaliste et devient bourgeois. Que je regrette la France d'un duc de X, souffrant des suites d'une galanterie, qu'il eut avec marquise de Y, ratant ainsi une chevauchée de Flandre ou de Catalogne, pour s'adonner, en son château, à la rédaction des commentaires spirituels d'Héraclite ! | | | | |
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| cité | | | Les industriels, les footballeurs, les avocats dormiront tranquilles, dans cette humanité des robots, respectueux de l'égalité des droits. Plus l'écart-type baisse, dans le domaine des goûts, plus servile et tolérante devient la jugeote populaire, face aux écarts monétaires. Dans cette mentalité, on voit la genèse des pauvres en esprit, des assoiffés de et des persécutés pour la justice. Les âmes étant, aujourd’hui, éteintes, la diatribe d’Héraclite : « Que la richesse ne vous fasse pas défaut, afin que l’indigence de votre âme se découvre » est passée à côté de la plaque. | | | | |
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| doute | | | L'un des invariants sublimes est le sens et l'intensité du rêve humain. D'Héraclite à R.Char – la même ivresse des visions poétiques. La connaissance balaye les démocraties d'ignorances et d'erreurs, elle ne pénètre jamais dans l'aristocratie des rêves. | | | | |
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| doute | | | Les mots, qui ne portent que la lumière du monde, finissent dans la grisaille des archives, où se résument nos solutions. Les mots, dans lesquels se reflètent les ombres d'un poète, s'éclatent en tant d'arcs-en-ciel, portant nos mystères. « La Sibylle clame les mots sans lumière » - Héraclite. | | | | |
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| doute | | | Soit une chose, C, son implexe, Im, et notre parcours, P, au-dessus de la chose, entre les moments t1 et t2, vécu avec l'intensité In. Héraclite nous dit, que l'égalité, C(t1) = C(t2) est impossible ; Nietzsche nous suggère qu'avec In suffisamment grande, cette égalité est métaphoriquement possible - l'Éternel Retour ; Valéry dit qu'il n'y a pas de choses, que des implexes, qui sont toujours unifiables, Im(t1) = Im(t2), - l'Éternel Présent. | | | | |
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| doute | | | La lecture d'Héraclite ou Platon : leur logique enfantine n'empêche pas leur poésie à vous atteindre ; la lecture de leurs collègues contemporains : une lourde pseudo-logique, qui vous envahit sans aucune promesse poétique - une terrible conséquence de la traduction d'images fluides en concepts secs. | | | | |
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| doute | | | Quelle est la leçon du flux héraclitéen ? - oublier le fleuve et penser aux entrées, aux commencements hors temps absorbant et la profondeur et la surface par recours à la hauteur intense. Ne serait-ce pas l'éternel retour, fidèle au commencement intégral ? L'initié, serait-il celui qui pratique le culte des initii - des commencements ? | | | | |
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| doute | | | Après de multiples plongeons dans le flux des choses, Héraclite se désole de l'inégalité du flux, et Nietzsche se console de l'égalité des choses. Il serait plus instructif de changer d'élément : à la nage préférer le vol ; d'une bonne hauteur tout flux et toute chose, c'est à dire tout être et tout devenir, prendraient de beaux contours de l'éternité. | | | | |
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| doute | | | Tout discours philosophique, que son auteur le veuille ou pas, ne peut être sérieusement interprété qu'en tant qu'un poème. D'où l'ennui de Parménide et l'émotion d'Héraclite. Viser la connaissance, c'est déjà adhérer au clan des raseurs jargonautes. Surtout parce que la connaissance philosophique n'exista jamais. En plus, sans le talent poétique, c'est se condamner à être imitateur ou acolyte. Avec le talent, tout langage devient musique, et tout objet devient étoile. | | | | |
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| doute | | | Les soi-disant systèmes philosophiques sont des leurres, créés par des commentateurs ; les édifices des fragmentaires (Héraclite, Platon, Pascal, Nietzsche, Valéry) ne sont pas moins bien membrés que ceux des globalisants (Aristote, Spinoza, Hegel, Sartre) ; je dirais même que la part des balbutiements et des tâtonnements est plus importante chez les seconds, tandis que la qualité des métaphores est nettement supérieure chez les premiers. | | | | |
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| doute | | | Une fois exprimé, le sentiment n'est ni vrai ni faux, mais là où l'adulte robotisé applique une nomenclature du sens l'enfant accepte une maculature des sens. L'enfant est celui qui ignore totalement ce qu'il est ; appréciez alors la double ironie d'Héraclite : « Nous ne sommes jamais plus près de notre moi que lorsque nous retrouvons la gravité des jeux des enfants ». | | | | |
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| doute | | | Être jeune : continuer à ne pas se connaître, à ne pas vouloir se ressembler, à entretenir l'ubiquité entre le regard et le geste : « Seul le creux se connaît »* - Wilde - « Only the shallow know themselves » - mais les creux seraient en nombre : « À tous les hommes il est accordé de se connaître » - Héraclite - ce don des sots s'est vu, apparemment, quelques refus. | | | | |
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| doute | | | Réduits à l'homme, l'être heideggérien est mon soi inconnu, et son étant – mon soi connu ; et c'est Héraclite qui nous met d'accord : ce qui fait apparaître, c'est à dire la nature ou l'être, aime à se voiler. | | | | |
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| doute | | | La volonté de l'éternel retour est une réaction au néant des finalités, proclamé par le mauvais, le téléonomique, nihilisme, mais elle se réalise dans le néant des commencements, ce bon nihilisme, cette recherche de l'impulsion initiale et initiatique, puisque la vraie source détermine le rythme ou l'intensité du fleuve anti-héraclitéen. « Le fleuve se reverse toujours en lui-même ; et toujours vous entrez dans le même fleuve, vous, les mêmes » - Nietzsche - « Der Fluß fließt immer wieder in sich zurück ; und immer wieder steigt ihr in den gleichen Fluß, als die Gleichen ». | | | | |
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| doute | | | Au bout de son chemin, l'homme découvre des contraintes, plus éloquentes que les buts, et des regards, plus enthousiasmants que les choses vues. Bien que sa substance se réduise aux relations, le sujet qui regarde rend secondaire l'objet regardé. « L'homme cherche à oublier où le chemin conduit » - Héraclite. – pour s'identifier avec son premier pas, accomplis sous le signe des contraintes, créées par lui-même. | | | | |
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| doute | | | Deux sortes d'inconnues, que le philosophe doit mettre dans l'arbre de son discours : celles que contient la vie et celles qu'entretient l'art. On reconnaît les grands par l'insertion de leurs inconnues non seulement dans des feuilles, mais aussi dans des racines, des troncs et des ombres. Héraclite le tente, Nietzsche le réussit, Heidegger en abuse. | | | | |
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| doute | | | Le soi connu, c’est la représentation, la puissance ; le soi inconnu, c’est la volonté, la musique. « La multitude ne comprend pas, comment, différant de soi, on s’accorde à soi, telle l’harmonie entre l’arc et la lyre »*** - Héraclite. | | | | |
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| doute | | | La valeur d’un style auroral est dans les chemins d’accès au passé et non pas dans les panneaux indicateurs vers l’avenir : « Apollon ne révèle pas, ne dissimule pas, mais il indique »* - Héraclite. Trajectoires hyperboliques ou elliptiques. | | | | |
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| héraclite | | | Les hommes éveillés partagent un monde unique, mais l'homme qui rêve a, chacun, son monde à lui. | | | | |
| | doute | | | On partage le créé lumineux, ces formules refroidies et raidies ; la création est un chaud balbutiement, un monologue fébrile devant les ombres. L'homme qui veille est détourné du rêve par les choses ; l'homme qui rêve oublie les choses vues, pour en créer des inventées. Le bon usage des yeux fermés est dans l'obligation de réinventer la lumière, en partant de ses empreintes sur l'épiderme ou dans le cerveau. Pour ce travail, les ombres astrales sont plus précieuses que la lumière du jour. | | | | |
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| hommes | | | Trois belles races se succédèrent – les héros, les poètes, les penseurs – Odysseus avant Homère, Homère avant Héraclite. Et ils disparaissent dans le même ordre (en mode FIFO – first in first out) : le héros appartient déjà au passé ; au présent s'achève l'extinction des poètes ; le penseur, bientôt, les rejoindra dans le néant des cœurs, des âmes et des esprits. Dans ce monde digitalisé, il ne resteront que les robots. | | | | |
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| hommes | | | Nous vivons dans une époque bénie, où, plus que jamais, « les ânes prennent la paille plus volontiers que l'or » (Héraclite) ; tout fier orpailleur peut ne plus se boucher le nez au-dessus de ses trouvailles lésées par la bête. | | | | |
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| hommes | | | Le robot actuel découle tout droit du rêveur du XVIII-ème siècle ; la poésie se trouve à l'origine de tous les grands courants ; rien de plus instructif que ce parcours - les poètes : Héraclite, Parménide, Pythagore ; les vulgarisateurs : Platon, Épicure ; les professionnels : Aristote, Kant. La taverne, la caverne, la caserne. | | | | |
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| hommes | | | Tout homme est voué à la chute, morale, physique ou sociale, mais la majorité végétant dans la platitude, cette chute passe presque inaperçue. « Plus grande sera la hauteur de ta chute, plus retentissante en sera la gloire » - Héraclite - laissons tomber la gloire, songeons au vertige ou, mieux, à la musique des volatiles abattus, au chant du cygne, avant de sombrer au niveau des reptiles foutus. | | | | |
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| hommes | | | Sur la terre complice d’Antée découvrir le feu rebelle de Prométhée, pour s’élever dans l’air grisant d’Icare, sombrer dans l’eau moqueuse de Noé, rendre riche en résurrections la terre noire de Thanatos – l’éternel retour héraclitéen. | | | | |
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| intelligence | | | Se fendre de quelques centaines de pages de « Le non de l'être s'aliène le néant et se projette sur l'étant » ou « l'effectuation rétentionnelle de l'impressionnalité perce le flux héraclitéen », dans la lignée de Gorgias ou Parménide, Anselme ou Husserl, enfanter d'une narration haletante du dernier fait divers impliquant des journalistes - les seuls moyens, aujourd'hui, de prouver qu'on n'a pas peur de la stérilité verbale. | | | | |
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| intelligence | | | Le dévoilement est le procédé des imposteurs-prophètes et le voilement - celui des imposteurs-poètes. Héraclite : « l'être aime à se voiler » - est avec ceux-ci (comme Heidegger : « l'être aime se rendre invisible » - « das Sein liebt es, sich zu verbergen ») ; « l'avoir aime à se dévoiler » - la devise des premiers, des vainqueurs. | | | | |
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| intelligence | | | Toutes les bonnes têtes finissent par admettre, que le cheminement : l'être, le paraître, l'apparence - est un progrès (« l'être est une fiction vide » - Héraclite ; « le monde des apparences est le seul, le monde vrai est une affabulation » - Nietzsche - « die scheinbare Welt ist die einzige : die wahre Welt ist nur hinzugelogen »). Mais, dans la plupart des cas, il est trop tard : une authenticité de robot ou de macchabée les empêche de se reconnaître dans l'invention. | | | | |
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| intelligence | | | Ils se disent trop savants pour s'obliger à revenir à zéro - c'est cela, science sans conscience -, tout début, ironique et philosophique, étant retour au degré zéro de la lecture du monde. Le fleuve-vie, toujours recommencé, d'Héraclite, en est une belle image, pour aboutir, sans quitter le rivage, à l'éternel retour ; l'arbre eût été encore plus éloquent, puisqu'il incorporerait des ramages déjà fixes, se hérisserait de nouvelles inconnues, aux feuilles, racines ou cimes, et en appellerait de vivifiantes unifications. | | | | |
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| intelligence | | | Soucis de l'être, précis du devenir, telles sont deux faces d'une vie intellectuelle (Parménide, complété par Héraclite) : réceptacle du libre arbitre - du savoir, du pouvoir, du goût, ou spectacle de la liberté - de l'intelligence, de la puissance, du langage. Création ou créativité. | | | | |
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| intelligence | | | La transcendance s'associe avec tout Ouvert, dont l'essence serait capable d'une projection par l'infini, et tendrait vers une valeur aux frontières, dans cette clôture inaccessible de l'Ouvert transcendé. « Tu ne trouverais pas les limites de l'âme, même en parcourant toutes les routes » - Héraclite - et si l'on les trouve, on ne serait plus chez soi. | | | | |
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| intelligence | | | Chez les philosophes apoétiques, Descartes, Spinoza, Hegel, je ne trouve aucun sujet qui ne serait pas abordé par le poète aphilosophique Valéry ; chez celui-ci - des idées en belles phrases, chez ceux-là - de ternes phrases et de ternes idées ; les meilleurs des philosophes sont ceux qui reconnaissent, que la philosophie doit être ancilla poesiae, comme en témoignent Heraclite, Nietzsche, Heidegger. | | | | |
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| intelligence | | | Les vrais penseurs tirent leur généalogie des mystiques laconiques, tel Héraclite, mais le discoureur, avec Socrate et Platon, apporta l'étalage et le développement. Le discoureur, contrairement au penseur, est celui qui a besoin de modèles d'univers pour faire valoir ses pensées. C'est avec Aristote que le terne penseur éclipse, hélas, les brillants discoureurs, d'Homère à Platon. Il faut reconnaître, que les temps modernes, avant de sombrer dans la grisaille compacte, et à perte de vue, des ternes discoureurs, connurent quelques brillants penseurs. | | | | |
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| intelligence | | | Les ambitions intenables, qui expliquent l'éclipse prochaine programmée de la philosophie académique : être une science, explorer la vérité, élaborer les concepts fondamentaux de la vie, développer les pensées fondatrices en vastes systèmes cohérents. Le scientifique en rira, et le poète n'en gardera que les noms d'Héraclite et de Nietzsche. Toute philosophie, sortant du cadre poétique, est nulle. | | | | |
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| intelligence | | | L'Histoire de la philosophie s'écrit selon le lieu de ses exercices : la hauteur du Bien, du Beau ou du Vrai (d'Héraclite à Montaigne) ; la platitude du méthodique ou du naturel (de Descartes à Leibniz) ; la profondeur des limites humaines (de Kant à Marx) ; la hauteur de notre regard et de notre souffle (Nietzsche). Sachant que toute profondeur finit par affleurer à la platitude, il faut saluer tout retour à la hauteur, même au prix du trépas de son Habitant d'antan. | | | | |
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| intelligence | | | Âme et esprit sont deux fonctions, exercées par un même organe, que, faute de mieux, on pourrait appeler Logos, se tournant tantôt vers le beau et le noble et tantôt vers le divin et l'intelligent. Une fonction, maîtresse de l'organe, – une très belle idée d'Héraclite : « À l'âme appartient le Logos, qui s'accroît de lui-même ». | | | | |
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| intelligence | | | L’éternel retour nietzschéen, ce sont les retrouvailles avec le même rêve. Rêve fuyant, donc il s’y agit bien d’une consolation. Ce n’est pas à la réalité (l’être figé) que s’applique sa volonté de puissance, mais à la représentation (le devenir créateur), d’où son souci permanent du langage. Depuis Héraclite, Nietzsche est le dernier vrai philosophe. | | | | |
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| ironie | | | Les discours sirupeux ou baveux devinrent si dominants et perdirent à ce point tout souvenir de fraîcheur ou de renaissance, qu'on pourrait regretter la sécheresse de jadis : « L'âme sèche est excellente, avec son feu toujours vivant » - Héraclite - même si aucun Phénix ne touche plus la terre et réside, invisible et immobile, en hauteur aérienne. | | | | |
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| ironie | | | Un paradoxe de l'écriture : la valeur d'un discours se compose de la part de l'auteur et de la part du lecteur, et plus vaste est celle-ci, plus haut est le mérite de celle-là ; c'est l'une des justifications de la présence, dans ce livre, de citations, qui cernent et explicitent la part revenant aux lecteurs ; mais c'est aussi ce qui explique pourquoi la maxime, d'Héraclite à Cioran, est le genre le plus complet, aristocratique par sa conception, démocratique par sa perception. | | | | |
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| ironie | | | Depuis Socrate, les Sages ne réfléchissaient plus que sur la dignité de rester dans le Bien et dans le Vrai, en maniant les fèves, syllogismes ou furoncles. Pourtant, les enjeux philosophiques majeurs furent formulés par les présocratiques, Héraclite et Parménide : la poésie laconique et bariolée ou la morne logorrhée sur l'être, la vérité, le savoir. | | | | |
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| ironie | | | En littérature, on reconnaît les lourdauds académiques par la gravité banale des questions, qu’ils se posent explicitement. On reconnaît le poète par la légèreté des réponses, qu’il peint sous forme d’obscures métaphores, que le lecteur illumine par la recherche de ses propres questions – Héraclite, Nietzsche, R.Char. | | | | |
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| sénèque | | | Democritum in publicum processerat, flebat, Heraclitum ridebat ; huic omnia quae agimus miseriae, illi ineptiae videbantur.
Démocrite ne pouvait paraître en public sans pleurer, Héraclite - sans rire ; l'un ne voyait que misère dans toutes les actions des hommes, l'autre que sottise. | | | | |
| | ironie | | | Croire en fidélité des actions est sottise ; croire en leur forfaiture systématique est misère. Le commanditaire des actions, le mot, jouet de l'ironie, pleure ou rit en même temps. | | | | |
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| mot | | | Des perles types des tenants de chaires : « L'en-soi n'a pas à être sa propre potentialité sur le mode du pas-encore », « L'essence du posé-là est ce qui se tient rassemblé en soi-même, et qui entrave par l'oubli la vérité de son propre advenir à la présence », « L'histoire de l'être comme présence à soi dans le savoir absolu est close » ou encore « La philosophie s'enracine dans ce lieu insituable : la différence entre la structure mineure, nécessairement close, et la structuralité d'une ouverture ». Et personne n'ose éclater de rire. Ce n'est pas de l'obscurité poétique à la Héraclite, c'est la gratuité des combinaisons aléatoires et mécaniques de termes indéfinissables, et qu'un ordinateur cracherait par milliards, suivant un banal algorithme syntaxique. | | | | |
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| mot | | | Arc, en grec, bios, est homonyme de vie ; l'art est possible grâce à sa bonne tension ; les cibles atteintes quittent la vie et rejoignent les archives ! « L'arc : son nom, vie, ce qu'il fait, mort » - Héraclite. On peine à admirer la corde tendue, sans avoir constaté une mort qu'elle ait infligée ; Dieu, serait-Il, Lui-même, à ses heures sombres, un archer et un poète ? - « À la mort d'un homme, un chapitre est retranscrit en un meilleur langage »** - J.Donne - « When one man dies, one chapter is translated into a better language ». | | | | |
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| mot | | | Deux raisons poussèrent Socrate à répugner l'écriture : l'horreur du développement (auquel succombe son élève infidèle) et l'absence de noms pour tout ce qui compte le plus dans la vie (et dont l'autre fait des Idées). Et le genre aphoristique d'Héraclite, fut oublié au profit des bavards… | | | | |
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| mot | | | Le français est une langue de l'être, l'allemand et le russe – celles du devenir. Pourtant il y a plus de Parménide allemands ou russes qu'en France, où l'on préfère, à juste titre, Héraclite. | | | | |
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| mot | | | Ni l'intelligence ni le savoir ni la conscience ni la rigueur ne sont pré-conditions d'un discours philosophique ; son unique élément est le langage, qui est à la fois contrainte et ressource ; tout s'y formule en termes d'un vocabulaire et non pas en concepts ; les rares à l'avoir compris : Héraclite, Nietzsche, Heidegger. | | | | |
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| mot | | | D'étranges trajectoires suivirent, dans l'Antiquité et au Moyen-Âge, les termes – philosophe, astrologue, mathématicien, géomètre. On appelait le philosophe – géomètre, l'astrologue – mathématicien, le mathématicien – philosophe et le géomètre – astrologue ! « Homère fut un astrologue » - Héraclite ! | | | | |
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| mot | | | L’art de la traduction se prouve le mieux dans le rendu des métaphores. « La foudre engendre l’Univers » - Héraclite, je traduis par « Au Commencement était le Feu », et Heidegger y lit : « L’être de la lumière produit le devenir (la venue-à-l’être dans l’éclaircie) de l’Univers ». | | | | |
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| noblesse | | | L'interminable série de défaites de la noblesse par plagiats-perversions : Héraclite voue la philosophie au discours poétique, et Parménide l'encanaille dans une logique bancale ; Pythagore cultive une lumineuse mystique du nombre, et les éléatiques récoltent une casuistique des ombres ; Lao Tseu place le tao dans une inaction altière, et Confucius l'embrigade dans de bas rites ; Platon hisse l'idée lyrique hors du sol, et Aristote la souille par un enracinement empirique ; le cynique prône le mépris hautain, et le stoïcien bassement l'arraisonne ; les murs de Jésus ne convainquent personne, mais les portes des églises rameutent ; la mystique d'une Déité de Maître Eckhart sombre dans le charlatanisme de l'Unité de Nicolas de Cuse ; Kant trouve, pour le savoir divin, un refuge dans la transcendance, et Hegel le réduit à l'état de caserne dialectique ; Nietzsche s'ouvre à l'ivresse des sens, et Heidegger l'évente dans la sobriété de l'être et de l'essence. | | | | |
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| noblesse | | | Vivre sans espérance, c'est vivre librement et froidement la sobriété du calcul, projet digne des robots. Vivre de l'espérance, c'est vivre fidèlement dans la tyrannie du rêve, c'est sacrifier, la tête basse et l'âme haute, à la gratuité de nos plus beaux embrasements. L'espérance est un bon moyen de vivre de l'inespéré : « Sans l'espérance, on ne trouvera pas l'inespéré »*** - Héraclite. | | | | |
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| noblesse | | | L'extase ou la sécheresse, le oui ou le non aux illusions sont des contraintes, que le philosophe se donne, pour ne pas rater ses commencements du jour, dont la forme est faite d'ombres et de rêves. Le sot en fait des buts ou des fonds, lumineux et permanents. « L'esprit le plus parfait est une sèche lumière » - Héraclite, qui peut devenir, le lendemain, des ombres ardentes. « La poésie doit être assez sèche pour mieux flamber » - Paz - « La poesía debe ser un poco seca para que arda bien ». | | | | |
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| noblesse | | | Si, à l'embouchure, je suis capable de retrouver, d'entretenir ou de recréer l'intensité ou le rythme des sources, je suis dans le même fleuve anti-héraclitéen, témoin de l'éternel retour. | | | | |
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| noblesse | | | L'âme se fond dans l'azur d'un regard, quand elle est haute. Quand elle est basse (mais est-ce une âme ? ), elle suit la grisaille des yeux. « Ce sont de mauvais témoins pour les hommes que les yeux et les oreilles, quand ils ont des âmes barbares » - Héraclite. | | | | |
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| noblesse | | | De par ses visées, l'homme est un Fermé côté esprit et un Ouvert côté âme ; le premier ne tend que vers l'accessible, la seconde aspire à l'inaccessible. Le premier à le remarquer fut Héraclite : « Tu n'atteindrais pas les limites de l'âme, même en parcourant toutes les routes »**. | | | | |
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| noblesse | | | Vus de trop près, les dieux meurent, et la hauteur devient platitude. « Ne nous foncions pas dans l’Azur » - Héraclite. | | | | |
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| noblesse | | | La ligne de partage intellectuelle la plus marquée est celle qui oppose la hauteur à la profondeur, Héraclite à Parménide, le devenir à l'être, Nietzsche à Heidegger, l'arbre, qui fleurit, à l'arbre, qui se ramifie, l'intensité à la densité. Les meilleurs des héraclitéens maîtrisent tout ce que Parménide a à dire ; l'inverse est rarement vrai. | | | | |
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| proximité | | | Être créateur veut dire avoir inventé un langage à soi, langage source de l'universel, vécu comme immortel ; et puisqu'on est habitué à voir en Dieu la justification de tout ce qui est universel, le créateur commence par proclamer, que Dieu est mort. « Les immortels mortels, les mortels immortels »** - Héraclite. | | | | |
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| proximité | | | Dieu créa les axes (« Dieu est jour/nuit, satiété/faim »** - Héraclite ; les oppositions héraclitéennes semblent être l'approche du divin la plus sensée de tous les temps), la liberté de l'homme y lit - plus qu'elle ne choisit ! - des valeurs (l'ombre, à laquelle on tient, et la soif, qu'on entretient, désignent les plus libres). La terne dialectique hégélienne profana ce beau culte des axes, que reprit Nietzsche, avec vie-art, bien-mal, nihilisme-acquiescement, chute-élan, puissance-résignation. | | | | |
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| solitude | | | Le rire de Démocrite, qui ne regarde que les autres, vient peut-être de sa pitié plutôt que de sa moquerie ; les pleurs d'Héraclite, qui ne regarde que lui-même, viennent peut-être de son admiration plutôt que de son chagrin. | | | | |
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| solitude | | | Il est plus noble de m'immoler à un autel vide, au lieu de Tout immoler à l'autel de nos dieux ; la fumée y gagne en pureté, le feu - en intensité, l'étincelle - en hauteur. Mais cet autel, où je dépose mes trésors, est une ruine ; je devrais m'y moquer des offrandes d'Héraclite au Temple d'Artémis, de Rousseau - à Notre-Dame, de Valéry - au Palais Chaillot. | | | | |
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| solitude | | | Depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours, il existèrent trois types de philosophes, dont la voix s'articulait : dans un dialogue (avec un complice), dans un soliloque (du soi inconnu), dans un chœur (avec un rôle dicté par l'époque) – Platon, Nietzsche, Hegel. Les solitaires furent toujours plus pénétrants – Héraclite, Pascal, Valéry. | | | | |
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| solitude | | | Les Platon, Descartes, Hegel ont tant d'imitateurs, d'acolytes, de plagiaires, reproduisant le même contenu, les mêmes schémas, le même ton. Autour d'Héraclite, St-Augustin, Nietzsche – un vide ; aucune voix comparable, faussement solidaire, ne brouille le contact direct, sans intermédiaires, avec leur poésie, leurs passions, leur langue. La stature d'un grand se devine d'après la virginité d'accès à leur musique ; le brouhaha des minables (lärmendes Gezwirge – Nietzsche) se filtre et se réduit si facilement au silence. | | | | |
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| solitude | | | Si j'efface de ma mémoire toute trace d'Héraclite, Pascal, Nietzsche, Valéry, je peux garder inchangée l'intégralité de mes postulats des commencements – c'est ainsi que je confirmerais et justifierais mon attachement au vrai nihilisme – avoir été seul à la naissance de mon essence. | | | | |
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| solitude | | | J'ai beau chercher des complices en écriture – je n'en trouve que deux – Héraclite et R.Char. Mais seraient-ils bons éditeurs de mes maximes ? « Ces notes n’empruntent rien à la maxime ; un feu d’herbes sèches eut tout aussi été leur éditeur » - R.Char. | | | | |
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| solitude | | | La philosophie des Anciens est destinée aux salles de classe, aux agoras, aux prétoires ; la seule exception – Héraclite. Nietzsche s’en inspira. Tous les deux sont les seuls philosophes nobles, car pratiquant surtout une philosophie de la solitude. | | | | |
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| souffrance | | | La tension de mes cordes doit être déterminée par la mélodie intemporelle, qui se joue au-dessus de mon âme, et non pas par la (dés)espérance, qui pèse sur mes jours. La bonne espérance tend mon âme vers le passé, et le bon désespoir - vers l'avenir. Il faudrait peut-être, qu'à l'instar d'Apollon ou d'Héraclite, ma corde, sans perdre de son intensité, quitte l'arc, pour se mettre au service de la lyre. | | | | |
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| souffrance | | | L'espérance, c'est un vertige consolant sur un chemin qui ne mène nulle part, ou, mieux, un chemin d'accès aux choses impossibles et inexistantes, sans lesquelles tout est voué au désespoir. « S'il n'espère l'inespérable, il ne le découvrira pas, étant inexplorable et sans chemin d'accès » - Héraclite. | | | | |
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| souffrance | | | Non seulement la hauteur de ton regard ne peut pas se substituer à la surface, sur laquelle se peindront tes tableaux, mais, en plus, une terreur mélancolique affleurera d’en-dessous de tes tableaux. « Pas de belles surfaces sans horrible profondeur » - Nietzsche - « es gibt keine schöne Fläche ohne schreckliche Tiefe ». C'est à Macduff (« Horror, horror, horror, tongue cannot name thee ») que répond Hamlet (« words, words, words ») ; et cette mise au même niveau ne date pas d'hier : « Hadès est le même que Dionysos » - Héraclite. Pégase est né du sang de Méduse. | | | | |
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| héraclite | | | Le monde est un feu vivant, s'allumant par un style. | | | | |
| | souffrance | | | L'intensité vécue en musique - beau style de vie ! | | | | |
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| vérité | | | On ne voit aucune raison, pour que la matière suive la loi, que la raison dicte. Pourtant, c'est ce qui se passe. Le sceptique, qui voit des contradictions jusque dans l'être, par là-même se disqualifie. Les contraires ne cohabitent que dans des modèles ou langages différents, dans des savoirs à la différence symétrique non-vide. Et Héraclite : « les contraires se font équilibre dans l'esprit, parce qu'ils se font équilibre dans la réalité » - semble ne pas comprendre, que l'esprit n'est pas seulement exploitant, mais aussi fabricant de modèles, la synchronie ne se confondant pas avec la diachronie. | | | | |
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| vérité | | | La philosophie devrait apprendre à l'homme de rester désarmé face au mystère du monde, pour s'en étonner, mieux et plus. Toutes les vérités intéressantes y sont du fait des scientifiques ; aucune contribution des philosophes n'y est à noter ; aucune application notable des méthodes de recherche de la vérité, de Descartes, Kant ou Heidegger, censées nous armer, ne fut jamais signalée. Héraclite, Sénèque, St-Augustin leur restent supérieurs, puisque, n'étant pas intellectuels, ils cherchent surtout à nous séduire. « Le propos de l’intellectuel n’est pas de séduire, mais d’armer » - R.Debray – ces armuriers ne sont bons, aujourd'hui, que pour les combats de robots. | | | | |
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