| action | | | Toute émanation humaine, qu'elle provienne des bras ou du cerveau, contient et de l'homme et de l'Å“uvre : la part et du producteur et du créateur, de l'inertie et de l'élan. Et l'on a raison de négliger le premier et de ne s'intéresser qu'au second (« l'homme n'est rien, l'Å“uvre est tout » - Flaubert). Tout à tour, le Logos incarné ou le pathos désincarné. | | | | |
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| amour | | | En hauteur règne l'obsession ; la concession apaise la profondeur ; la possession arrange ce qui déborde en ampleur. À moi de choisir le ton, l'accord ou la grammaire : « À force de largeur, l'amour touche aux proportions de l'idée pure » - Flaubert. | | | | |
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| amour | | | Chez les écrivains, il y a une énigmatique relation entre la qualité de leurs amours secrètes et le degré de fébrilité de leur style ; mais je ne saurais déterminer où est la cause et où est l'effet. Les amours délicates favoriseraient les classiques (Goethe, Flaubert, Valéry), les amours banales réveilleraient les romantiques (Lamartine, Hugo, Pasternak), les amours vulgaires pousseraient les véhéments (Tolstoï, Nietzsche, Cioran). L'esprit, le cœur ou le corps y sont conducteurs de leurs émois. Mais il semblerait que le plus parfait organe de l'amour fût, malgré tout, l'âme (Goethe serait du même avis) ; et c'est l'exemple unique de Tsvétaeva, qui connut toutes les trois sortes d'amour et n'aima que de l'âme, et qui en est la plus belle et la plus tragique illustration. | | | | |
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| amour | | | L’homme tragique est celui, chez qui cohabitent la hauteur d’ange et la profondeur de bête. Mais si la bête est omniprésente chez tous, dénicher un bon ange s’avère une tâche insurmontable. Pour une obscure raison, la trace qui y conduit le mieux semble être la correspondance amoureuse, et j’y tombe sur Dostoïevsky, Flaubert, Kafka, A.Blok, mais seul le premier exhibe une bête aussi puissante que l’ange. | | | | |
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| amour | | | L’amour d’ici-bas, étiolé, ou l’amour de la-haut, étoilé ; le forum convient au premier, on y est plus visible ; le désert est plus propice au second, on y voit mieux les astres. « Si vous voulez vous livrer à l’amour lunatique, le désert est la-bas et les plumes du sauvage » - Flaubert – si tu tiens à l’amidonnage plus qu’au plumage, autant viser la fortune, plutôt que la Lune. | | | | |
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| flaubert g. | | | L'amour n'est beau que par ce qu'il embellit. | | | | |
| | amour | | | C'est pourquoi il est plus proche du paysagiste que du portraitiste. Dès qu'il pose ses yeux sur lui-même, il ne dépeint que des autoportraits sans vie, car la vie s'arrête autour de l'amoureux. | | | | |
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| art | | | L’homme de l’oreille (le frère), l’homme du regard (le créateur), l’homme du goût (le noble), l’homme du flair (le poète), l’homme du toucher (le caressant) me sont plus proches que l’homme-plume (le professionnel) de Flaubert ou de Nabokov. | | | | |
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| art | | | Une curiosité psychologique : plus quotidienne est l'œuvre - plus grandiloquent est son commentaire par l'auteur, plus haute est l'envolée - plus cafouilleuse est sa défense. Shakespeare commentant son œuvre - inimaginable ou pitoyable ! Flaubert, ce Molière moderne, se rattrape magistralement en gloses, qui surpassent l'œuvre. Les Werther et Nouvelle Héloïse ne se trouvent aujourd'hui que dans des journaux intimes. | | | | |
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| art | | | Balzac n'aurait pas laissé de correspondance, Flaubert n'aurait laissé que sa Correspondance, - j'aurais pu tenir tous les deux pour brillants. Mais chez Balzac, l'homme est bête et l'écrivain - subtil ; et chez Flaubert, l'homme est subtil et l'écrivain - bête. | | | | |
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| art | | | Flaubert et Nabokov : l'ironie, plutôt verbale que tonale, et la poursuite de mots ou périodes justes pour narrer les faits. Le bon Dieu (ou le diable) est, pour eux, dans le détail, et ils déversent ce détail verbal, le faisant passer pour du style. Le style, c'est l'art d'élimination ascétique plus que d'échafaudage décoratif de platitudes. Que valent les litanies, trop claires, à l'éclairage sans ombres, sans l'intelligence intuitive, vibrante et par à -coups, sans ce ton, laconique et hautain, servant à chanter les rêves obscurs ? | | | | |
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| art | | | Une règle infaillible : chaque fois que je m'absente de mon opus, ce ne sera ni le bon Dieu ni l'éternité ni la beauté qui occuperont ma place, mais bien l'ennui, le mouton et l'inertie. Libre aux Flaubert ou Gide de penser le contraire. | | | | |
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| art | | | Chercher à se débarrasser de son ombre trop grande (Flaubert, Kafka) ou chercher à propager des lumières extérieures (l'ambition des majorités) sont des buts médiocres, surtout comparés avec la belle contrainte - un angle de vue, jouant de la taille des ombres et de l'intensité des lumières, une union du nombre et de l'expression, une coopération du calculateur et du danseur : « L'horloge de lumière : mesurer ce qu'on manifeste, manifester ce qu'on mesure »*** - Valéry. | | | | |
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| art | | | Une Å“uvre est grande, si l'auteur y est invisible (Flaubert), ou si derrière le dramaturge visible transparaît un démiurge anonyme (S.Weil). Un anonymat partiel étant inévitable, je chercherais à le réduire à la seule langue visible et à l'exclure du message invisible. Plus l'auteur s'émancipe de son Å“uvre, plus l'Å“uvre fuit devant son créateur. « Les plus ardentes ambitions sont celles qui ont eu l'orgueil de l'Anonymat » - Modigliani. | | | | |
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| art | | | Flaubert ou Joyce veulent s'exclure de l'espace de leur Å“uvre : « Que ce soit à l'intérieur, derrière, en dehors ou au-dessus de son Å“uvre, l'artiste reste invisible » - Joyce - « The artist remains within or behind or beyond or above his handiwork, invisible ». Que ces liens spatiaux sont pâles ! Les temporels, chez toi, ne furent pas plus éclatants, puisque le jour d'Odysseus et la nuit de Finnegan n'apportent ni le mystère de la lumière ni celui des ombres. | | | | |
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| art | | | S’éloigner de la réalité est un bon moyen pour se rapprocher du rêve ; la grandeur de Hugo et Dostoïevsky y doit beaucoup – tous leurs personnages sont irréels, contrairement à Balzac, Stendhal, Flaubert, chez qui on devine facilement un voyou, un ambitieux, un imbécile, tous bien réels. Aucune belle idée, et encore moins aucune belle image, ne peut surgir d’une source réelle. | | | | |
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| art | | | Il ne suffit pas de renoncer aux grandes pensées et à ta présence dans ton écriture, pour soit pratiquer un art pur soit n'exhiber que des balivernes. En voici deux partisans : Flaubert - aucune métaphore et un métronome phonétique guidant les descriptions de boîtes d’allumettes ; Nabokov – un courant gracieux de métaphores et des mélodies sentimentales en tant que caresses de l’oreille. | | | | |
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| art | | | Une œuvre d’art a deux sources – l’homme et l’auteur, le moi connu et le moi inconnu ; le second inspire des élans et des ombres ; le premier tente de les représenter. Et puisque l’auteur, aujourd’hui, disparut, il n’y a plus de conflit possible entre l’auteur et l’homme ; tout doit être attribué à l’homme, aussi bien ses copies du réel que ses tentatives de délires. Ni Baudelaire ni Flaubert ni F.Céline ne peuvent plus se justifier, en redirigeant les juges vers l’ange d’auteur, pour sauver la bête d’homme. | | | | |
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| art | | | La prose flaubertine : Sartre y décèle un penseur, et Valéry la trouve insupportable pour celui qui pense ; le goût et l’intelligence de Sartre s’y avèrent lamentables. Mais ni l’un ni l’autre ne s’attardent sur la Correspondance de Flaubert, qui, probablement, est la plus belle de l’Histoire littéraire. L’inverse de Tchekhov – nul en épistolier, génie en tragédien. Le genre épistolaire est le plus proche du journal intime ou de l’aphorisme, c’est pourquoi j’aime Flaubert, énergumène et amoureux. | | | | |
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| pascal b. | | | Quand on voit le style naturel, on est tout étonné et ravi, car on s'attendait de voir un auteur et on trouve un homme. | | |    | |
| | art | | | C'est si naturel que l'homme ne se reconnaît ici qu'en tant qu'acteur. Et si Flaubert avait raison en mettant l'auteur au-dessus de l'homme ? Représenter, augmenter ou authentifier ? Trois poses dont la dernière me paraît la plus prometteuse, car l'adhésion y est la plus inexplicable. Dans ce qui est banal, la sincérité compte plus que le style ; dans l'essentiel, c'est l'inverse. L'homme sans style, d'après Buffon, ne serait plus homme. | | | | |
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| flaubert g. | | | Nous avons trop de choses et pas assez de formes. | | | | |
| | art | | | Cette phrase coupa net mon intérêt pour ta cervelle, trop prompte à peindre les boîtes d'allumettes. Avec de la hauteur, le nombre de choses, méritant qu'on leur dédie une forme, devient infime. Le premier jaillissement de la forme est dans un caprice sonore, pictural ou intellectuel, et très rarement dans la chose même. Près de la fontaine, la meilleure soif naît de la hauteur de la forme ; peu en importe le fond. Même les pensées n'en sont qu'un composant minéral et non pas vital. « L'écriture est un pis-aller : je n'ai pas encore trouvé un autre moyen de me débarrasser de mes pensées » - Nietzsche - « Schreiben ist eine Nothdurft : ich habe bisher noch kein anderes Mittel gefunden, meine Gedanken los zu werden » - tes pensées servirent d'engrais, à travers lesquels poussèrent tes belles hontes. | | | | |
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| flaubert g. | | | Le plus haut dans l'art, ce n'est pas de nous mettre en rut ou en fureur, mais de faire rêver. | | |   | |
| | art | | | En fait de compte, le conte de fées reste le seul genre valable : planter, dans la hauteur, les châteaux en Espagne ou les ruines. | | | | |
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| flaubert g. | | | Les formes passent, l'idée reste. | | | | |
| | art | | | Toute ta vie prouvait le contraire : les idées passent, la forme reste. L'artiste sait, que l'idée, qui n'ait pas besoin de forme pour s'imposer, ne peut être que platitude. Les bons stylistes, manquant d'intelligence, tombent souvent dans ce malentendu : « Ce n'est pas à une Å“uvre que j'aspire, c'est à la vérité » - Cioran – ils peignent un tableau, mais leur commentaire semble ne promouvoir que l'industrie des couleurs. | | | | |
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| flaubert g. | | | L'Artiste ne doit pas plus apparaître dans son œuvre que Dieu dans la nature. | | |  | |
| | art | | | L'homme, dans l'artiste, est un objet aussi digne du verbe que les comices agricoles. L'artiste est dans l'œil et non pas dans l'objet regardé. Dieu est dans la possibilité même de l'œil et non dans la texture de la rétine. L'art, c'est faire sentir l'immobilité du principe à travers la vibration de la chose. | | | | |
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| flaubert g. | | | Une fois qu'on a chaussé une idée il est toujours pénible de s'en défaire. C'est pour cela qu'il vaut mieux peut-être s'habituer à aller pieds nus. | | |   | |
| | art | | | Le point zéro de la création, pour un grand couturier, ce sont le corps et les pieds nus. L'écrivain aurait dû s'en inspirer ; mais au lieu d'être bon cordonnier, il veut, aujourd'hui, être coureur, comme tous les autres. On habille, désormais, des robots froids et non pas de chauds mannequins. | | | | |
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| bien | | | La vertu, aujourd'hui, est si bien calculée, si sage et presque intelligente, que, sur ce fond, le vice apparaît comme plutôt sympathique et naturel. On n'est plus au bon vieux temps, où n'importe quel Pécuchet, ayant effleuré quelques almanachs, pouvait clamer que la vertu « est belle, car le vice est bien bête » - Flaubert. | | | | |
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| cité | | | Ce n'est pas à cause d'un prétendu gouffre grandissant entre la vie réelle et les intellectuels, que ceux-ci disparaîtront de la scène. C'est, au contraire, à cause de leur fusion journalistique avec la vie réduite aux statistiques. Ce gouffre béni aura existé pendant 250 ans, mais des pelletées des Balzac, Dickens, Hugo, Tolstoï, Sartre l'ont comblé malgré quelques sapes des Flaubert, Nietzsche, Valéry. Jadis, on confondrait l'intellectuel avec le vagabond (c'est à dire extra-vagant – celui qui vagabonde hors la vie) ; aujourd'hui, il est indiscernable d'avec le garagiste. | | | | |
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| cité | | | Mon acharnement contre les forts (et le robot, son aboutissement) parachève (?) une longue, et assez stérile, tradition française, où la cible fut : les scolastiques (Descartes), les cléricaux (Voltaire), les gentilshommes (Rousseau), les bourgeois (Flaubert), les intellectuels (mes contemporains). Hélas, vitupérer les zombies - Dieu, le peuple, l'ignorance - est un exercice sans grâce. | | | | |
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| cité | | | Prenez le pur lyrisme du Giaour de Byron, du Diwan de Goethe, de Salammbô de Flaubert, du Khadji Mourat de Tolstoï, - les sots corrects d'aujourd'hui, en les étudiant, y trouvent du soutien aux peuples opprimés et du courroux face aux tyrans et à l'injustice. | | | | |
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| cité | | | Si le Christ, de la vision populaire, revenait sur terre, ce ne serait ni en lépreux (Flaubert) ni en gêneur du Grand Inquisiteur (Dostoïevsky), mais en robuste syndicaliste, descendant d'avion, braillant devant les caméras, dénonçant le repu, le matin, et attaquant le homard, le soir. | | | | |
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| doute | | | La bonne musique naît des gammes larges, elle est la démesure par rapport à la musique des autres ; si je cherche la mesure platonicienne dans la finalité, dans l'égale distance entre l'exagération et l'inachèvement, entre l'excès et le défaut, je risque fort de me retrouver dans la platitude ; je dois composer au nom des commencements hyperboliques, c'est à dire des rythmes de mes sources. « L'exagération doit être continue » - Flaubert. | | | | |
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| hommes | | | La rectitude devint la meilleure garantie du succès des vies robotiques. Les chutes et les souffrances sont attribuées au défaut de ligne droite (Flaubert). Les pointillés et méandres des rêves (d'amour ou de pouvoir) sont abandonnés, pour que s'étalent mieux des trajectoires inétoilées, dans de vastes platitudes des amours propres et des pouvoirs d'achat. | | | | |
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| hommes | | | Les capitales me donnèrent le goût du mot savoureux, mais j'apprécie le destin, qui me plongea au milieu des cornichons provinciaux insipides : sans eux, combien de ces pages ne verraient jamais le jour, étant sacrifiés aux dîners en ville, en compagnie du sel de la terre ! Je ne veux pas y gagner le toupet en perdant un peu de ma crinière (Flaubert). | | | | |
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| flaubert g. | | | Les sociétés avancées exhalent comme une odeur de foule, des miasmes écœurants. | | |    | |
| | hommes | | | De puissants déodorants furent inventés depuis, ni les narines ni les yeux ni même la raison ne s'aperçoivent plus de l'infamie saine et triomphante. L'odeur de foule est dans tous les pores. Cela n'étouffe plus personne. | | | | |
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| intelligence | | | Pourfendre un adversaire semble être un pré-réquisit de toute écriture ambitieuse ; ici, il y a deux clans : ceux qui s'acharnent contre les sots - Molière, Flaubert, Tolstoi, ou ceux qui s'en prennent à leurs pairs - Dostoievsky, Nietzsche, Valéry. Il est instructif d'observer que la contagion de nos auteurs par le niveau de leur adversaire est bien perceptible. | | | | |
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| ironie | | | On médite trop sur les rustres et les marchands et pas assez sur les châtelains ; si je compare le crétin salonnard (Proust) au crétin rural (Faulkner) ou au crétin bourgeois (Flaubert), je vois, que le premier est le plus irrécupérable pour l'intelligence. | | | | |
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| ironie | | | Il faut réserver l'ironie aux choses nobles et n'adresser aux choses basses que des vociférations. Bloy fut plus intelligent que Flaubert : « Ma colère est l'effervescence de ma pitié ». | | | | |
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| ironie | | | C'est en position couchée que je fus visité par les paroles les plus aguichantes. Ni l'agitation de Nietzsche : « Les seules pensées valables me vinrent pendant mes marches » - « Nur die Gedanken, die mir während meines Spaziergangs einfallen, haben Wert », ni l'assiduité de Flaubert : « On ne peut penser qu'assis » - ne me conviennent. | | | | |
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| ironie | | | La fouille aléatoire des concepts approximatifs est à l’origine des tristes catégories aristotéliciennes ou kantiennes. Mais il y a des penseurs qui s’en servent comme d’un étalon de sagesse : « L’usage que Flaubert a fait de certains pronoms a renouvelé presque autant notre vision des choses que Kant, avec ses Catégories » - Proust. | | | | |
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| flaubert g. | | | Il est plus facile de dessiner un ange qu'une femme. Les ailes cachent la bosse. | | | | |
| | ironie | | | Mais, chez la femme, certains contours, de la famille des bosses, nous portent plus haut que les ailes des anges. Et l'on comprend, que le corps affamé est meilleur dessinateur que le peintre repu. | | | | |
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| flaubert g. | | | Je suis à la fois le désert, le voyageur, et le chameau. | | |   | |
| | ironie | | | Tu constitues ainsi ton propre paysage, ce que tu as toujours préféré à ton portrait. | | | | |
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| flaubert g. | | | Le cynisme, c'est l'ironie du vice. | | | | |
| | ironie | | | Comme l'ironie, souvent, c'est le cynisme de la vertu. Le cynique est grave, et l'ironique – léger. | | | | |
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| mot | | | Le vrai amoureux de perles ne les voue pas à un collier : « Les nuances se juxtaposent comme les perles : force est de supposer un fil, qui les retiendrait ensemble » - Bergson. Pour mes chères madones c'est cousu de fil blanc ou sympathique ; les gros colliers vont aux chairs des matrones. La caresse de la perle de grâce - à l'esprit, à l'âme, au corps, - ou la richesse de la pesanteur de masse, aux yeux des autres. Les marchands savent, que « les perles ne font pas le collier ; c’est le fil » - Flaubert. | | | | |
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| mot | | | Dans l'espace verbal, l'éternel retour est une réfutation de Flaubert et de sa façon finale et parfaite de décrire un porte-allumettes (après - gloire et éternité - Valéry) : en polissant mon verbe, par le paradoxe, l'ironie, la négation, je finis par me retrouver avec le message initial, le vitalisme se jouant du verbalisme. Et Kant se retrouve, lui aussi, du côté des peintres de porte-allumettes : « Dans l'art, il ne s'agit pas de représentation d'une belle chose, mais de la belle représentation d'une chose » - « Im Kunstschönen handelt es sich nicht um eine Darstellung von einem schönen Ding, sondern um eine schöne Darstellung von einem Ding » - celui qui représente est rarement un peintre. | | | | |
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| mot | | | Avec mes mots, je veux émouvoir les étoiles, et je n'arrive même pas à faire danser les ours (Flaubert). Le pire, ce n'est pas l'ours (qui aurait marché sur de mauvaises oreilles), mais la lanterne incertaine (aux yeux tournés vers le bas), pour laquelle on prendra ma scintillante étoile. Et moi-même, je me prendrai pour celui qui « prend sa bougie pour lui-même, la souffle et, à la fin, se prend pour la nuit »** - G.Bataille. | | | | |
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| mot | | | Le seul mot juste (Flaubert, Tsvétaeva) n’existe pas ; pour un syntagme donné, un tas de mots permet d’atteindre une certaine hauteur musicale ou intellectuelle, à partir de laquelle on fait du sur place. La meilleure méthode, pour se débarrasser de cette sottise obsessionnelle, est de ne décrire (toucher, évoquer) que des choses, pour lesquelles on n’a pas encore trouver de nom. | | | | |
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| flaubert g. | | | Quand on sait bouleverser une âme, rien qu'en faisant passer un adjectif sous l'œil du lecteur, on est vraiment un artiste, le plus supérieur des artistes. | | | | |
| | mot | | | Le moins inférieur des adjectifs que cette noble ambition me fait venir à l'esprit est interloqué. Une âme grammaticale en littérature est parente du cœur phonétique en musique. | | | | |
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| flaubert g. | | | Le mot est un lointain et faible écho d'une pensée. | | | | |
| | mot | | | Tu t'es trompé de montagne : c'est la pensée vagabonde qui renvoie parfois l'écho d'un mot sonore. Celui qui est en haut garde le son, celui d'en bas - l'avalanche. | | | | |
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| noblesse | | | Ne plus savoir insuffler de la poésie dans ses idées est aussi dramatique que de ne plus aimer. « Ce n'est pas que je n'aie plus d'idées, mais les idées ne dansent plus pour moi »** - G.Bataille. L'idée qui danse s'appelle mot, sinon elle n'est qu'une marche, déplacement, flânerie. Le son et le bruit, le chant et la parole, l'aède et Archimède. L'outil, toujours imprévisible. « La parole humaine est comme un chaudron fêlé, où nous battons des mélodies à faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles » - Flaubert. Pour que l'idée coule, il faut que l'esprit s'immobilise : « C'est la sécheresse intellectuelle qui nous inonde d'idées » - S.Lec. | | | | |
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| noblesse | | | L’âme vaut par sa créativité et par ses admirations ; le dénominateur commun semble en être l’enthousiasme. « Ce qu’il y a de plus haut dans l’âme, c’est l’enthousiasme »* - Flaubert. | | | | |
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| noblesse | | | Mes écrits font partie de mes rêves et non pas de ma vie ; ce n’est pas ma tombe, mais le ciel qu’ils rejoindraient. « Je ferais enterrer mes manuscrits avec moi, comme un sauvage fait de son cheval » - Flaubert. | | | | |
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| emerson r.w. | | | A friend is a man before whom you can think loudly.
Un ami est un homme, devant lequel on peut penser à haute voix. | | | | |
| | noblesse | | | « Tes amis sont là où tu peux être faible »* - Adorno - « Deine Freunde sind dort wo du schwach sein kannst ». La voix baissée fut toujours signe de pensée. C'est pourquoi on pense le mieux devant soi-même, et Flaubert, dans son gueuloir, s'égosillait à tort. | | | | |
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| flaubert g. | | | Je ne cherche pas le port, mais la haute mer. | | |   | |
| | noblesse | | | Si ta mer est haute, ton firmament est profond. Ton naufrage sera illuminé de ton étoile. « Sur une telle mer, il m'est doux de vivre un naufrage » - Leopardi - « Naufragar mi è dolce in questo mare ». Plus qu'à ton voyage, pense à ta bouteille de détresse. | | | | |
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| flaubert g. | | | J'aime les gens tranchants et énergumènes. On ne fait rien de grand sans le fanatisme. | | | | |
| | noblesse | | | La grandeur du fait, vue de la hauteur du rêve, dégringole affreusement. Le fait se réduit aux chiffres, lorsque sa lecture utopique ou symbolique s'efface. L'énergumène de Diderot ou le possédé de Dostoïevsky, bref, le fanatique grave dans l'air ce qu'un sobre maçon, le possédant, exécute en pierre. La valeur est dans la qualité d'un axe atemporel, le prix est dans la durée : « Le monde ne vaut que par les extrêmes et ne dure que par les moyens » - Valéry. | | | | |
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| flaubert g. | | | J'ai toujours tâché de vivre dans une tour d'ivoire. Mais une marée de merde en bat les murs. | | | | |
| | noblesse | | | Le désert, comme l'oasis, décroît, ces chantiers idéals pour les futures ruines, les châteaux en Espagne ou les tours d'ivoire. La voirie publique charrie les visiteurs et les odeurs et désenclave nos solitudes jusqu'à leurs souterrains, où l'on finit par se réfugier. « Les tours d'ivoire, battues par le vent, ne sont pas pour moi. Ma place est le pathos fécond du vécu » - Kant - « Hohe Türme, um welche viel Wind ist, sind nicht für mich. Mein Platz ist das fruchtbare Pathos der Erfahrung » - garde pour toi ton pathos vécu, seul le pathos créé nous parvient. | | | | |
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| lec s. | | | Sur les bosses de certains poussent des ailes. | | | | |
| | noblesse | | | (Volé chez Flaubert ! ) Quiconque s'en pare, persuadé de sa droiture, finira bossu. | | | | |
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| proximité | | | Pascal : la chose la plus proche de l'homme est la souffrance, vénérons-la ; Flaubert : il existe le mot le plus proche de la chose, cherche-le ; Valéry : toute pensée fixe s'écroule sous le regard plus proche, abandonne-la ; Cioran : la familiarité proche dégrade tout, réfugions-nous dans les ruines sans métrique. Sous peu, on se refusera même la proximité avec soi-même. | | | | |
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| proximité | | | Assis, ta limite est un livre (pour penser), debout – un horizon (pour dominer), couché – un firmament (pour rêver) ; je ne suivrais donc ni Flaubert ni Nietzsche. | | | | |
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| russie | | | Le genre épistolaire ne réussit que dans des pays, où l'auteur et l'homme ne sont pas la même personne. L’Allemand, avec son culte d'objectivité, d'unité et de cohérence, y est particulièrement insignifiant (pas d'équivalent réel de l'Hypérion ou du Werther), tandis que le Français (Flaubert ou Valéry) et le Russe (Pouchkine ou Pasternak) y excellent. Et quelle terrible perte, que les lettres de Tsvétaeva à Pasternak, oubliées dans un métro. | | | | |
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| solitude | | | Plus profonde est ma solitude, plus haut est le ciel au-dessus de mon âme et plus vaste est la vie, qui s'étend sous ce ciel. Et Flaubert n'y a rien compris : « Que le monde est vide pour qui le parcourt seul ». Il se désemplit de choses, accumulées par des autres, mais s'ouvre aux secousses, panoramas et teintes, que le monde à moi, en moi, est capable de transmettre. Surtout, si c'est du regard et non des pieds que je le parcours. | | | | |
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| souffrance | | | Les plus belles plumes prônent le style sec. Pour ne pas moisir, au milieu de ta prose jadis larmoyante, n'occulte pas, mais sculpte ta larme. Sors-la du souterrain et peuples-en les ruines. Et que ton style devienne regard : « Le style est une manière absolue de voir les choses » - Flaubert. Avoir du style, c'est orienter le hasard et dominer la routine par une expression magnétisante. | | | | |
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| souffrance | | | « Trop de logique, trop de sentiments » - Flaubert - minables bilans des vies ratées des sots repus. Trop d'ennui, pas assez d'ironie. | | | | |
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| souffrance | | | Ils disent que la tristesse, la souffrance ou la solitude les font crever. Mais ce sont tant de motifs de palpiter, au lieu de végéter ! On en vit, ça engraisse (Flaubert) ! « Je vis de ce, dont les autres meurent »*** - Michel-Ange - « Io vivo di ciò di cui muoiono gli altri ». | | | | |
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| souffrance | | | Les meilleurs chantres de la souffrance s'adonnaient aux investissements commerciaux, aux vertus civiques, aux dîners en ville, aux casinos (Schopenhauer, Kierkegaard, Flaubert ou Dostoïevsky). En revanche, aucune ombre des barreaux ou des tortures, chez R.Debray, qui les a pourtant si bien connus, mais qui ne peint que la noblesse et la fraternité (et qu'il ne doit pas croiser si souvent que ça). On n'est artiste que dans l'inventé. | | | | |
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| souffrance | | | Quand le cÅ“ur ne hurle ni ne chante, il se décante et se clarifie, te privant de toute suspension complice et servant de filtre trop efficace au flux revigorant de fiel et de bile. « Le cÅ“ur est comme la voix, quand il a crié, il s'enroue » - Flaubert. | | | | |
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| flaubert g. | | | On ne meurt pas de malheur, on en vit, ça engraisse. | | |  | |
| | souffrance | | | Engraisse et vivifie les vocabulaires. Voyez, par contre, le bonheur ou l'hilarité végéter dans l'aridité des lexiques, à côté de la vitalité de « la tristesse : un appétit qu'aucun malheur ne rassasie » - Cioran. Le malheur est cette fontaine, souvent imaginaire, près de laquelle on adore mourir de soif. | | | | |
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| nietzsche f. | | | Es ist ein Grundglaube aller Aristokraten, daß das gemeine Volk lügnerisch ist. « Wir Wahrhaftigen » - so nannten sich im alten Griechenland die Adeligen.
Tout aristocrate tient fermement pour menteurs toute la plèbe. « Nous, les véridiques », c'est ainsi qu'en Grèce ancienne, se nommaient les nobles. | | |   | |
| | vérité | | | Tout le contraire de ce qu'on vit aujourd'hui, où seul le noble ose l'inventé, ce rêve mensonger et vital. « Tout ce qu'on invente est vrai » - Flaubert. D'ailleurs, ton message doit sa beauté surtout au fait, qu'il est entièrement inventé (erdacht). | | | | |
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