| action | | | Impuissant d’interpréter les actes, sous l’angle de la morale, l’homme libre vénère le sens même du Bien dont le dota le Créateur. L’esclave ne voit que les actes courants et ne se doute pas du Bien originel. « Le monde moral paraît être le produit des caprices du diable » - N.Chamfort. | | | | |
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| action | | | Dans la société, faire le Bien, c’est s’appliquer à suivre, consciencieusement, une filière normative, d’utilité publique – tâche à portée des robots. Dans la solitude, on cherche à être bon, sans chercher à appliquer cet état à la pratique. « L’homme vit souvent avec lui-même, et il a besoin de vertu ; il vit avec les autres, et il a besoin d’honneur » - N.Chamfort. | | | | |
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| amour | | | La force garantit un équilibre mécanique, la faiblesse promet un vertige organique. D'où les bienfaits surréels du sexe faible : « Sans les femmes le commencement de notre vie serait privé de secours, le milieu - de plaisirs et la fin - de consolation » - Chamfort. Étonnant parallèle avec les rôles joués par la langue, au cours du temps, dans l'évolution de mon regard sur la vie, – la mère, l'amante, la consolatrice. | | | | |
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| | amour | | | Et quand on prétend pouvoir se passer de juge, on tombe sur un bourreau. Mais en se passant d'amour, on est condamné, par contumace, par le Juge d'exception. | | | | |
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| chamfort n. | | | La sagesse fait durer, les passions font vivre. | | | | |
| | amour | | | La sagesse apprend à relier des instants isolés ; la passion fait aimer l'intermittence et la brisure. Elles nous préparent une nouvelle liberté des yeux ou une nouvelle servitude du cœur. | | | | |
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| chamfort n. | | | En fait de sentiments, ce qui peut être évalué n'a pas de valeur. | | | | |
| | amour | | | Une évaluation d'un bel échafaudage symbolique peut aboutir à une valeur indéchiffrable. La procédure peut être plus belle que son résultat retourné. | | | | |
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| chamfort n. | | | Il faut choisir d'aimer les femmes ou de les connaître. | | | | |
| | amour | | | Comme on ne peut aimer qu'un Dieu inconnu, un soi inconnu, un rêve d'inconnu. | | | | |
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| art | | | Le bon écrivain procède comme tout lecteur : de l'expression à la pensée (et non, comme le préconise Chamfort, l'inverse). | | | | |
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| art | | | Depuis plus de deux millénaires, dans la dramaturgie tragique domine la mort violente. « Le théâtre tragique met trop d’importance à la vie et à la mort »* - N.Chamfort. Le naufrage, le dépérissement ou l’agonie du rêve, cette véritable tragédie, n’attire pas l’attention européenne. | | | | |
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| bien | | | Il n’y a que quatre genres d’action, témoignant, respectivement, de la routine (moutonnière ou robotique), de la bêtise (conscience tranquille), de la liberté (humilité consciente), de la férocité (culte de la force, cynisme). La liberté signifierait ici la présence de sacrifices ou de fidélités, dans les motivations, et la bêtise – leur absence, la poursuite de ses intérêts rationnels. En tout cas, le mal est présent dans toutes formes d’action, et le salut (l’innocence) n’est accessible que sola fide. « Un sacrifice de ses intérêts est le besoin d'une âme noble »*** - N.Chamfort. | | | | |
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| bien | | | Je pensais que le mépris excluait toute pitié et qu’être gai c’était céder aux choses douceâtres ; mais voilà que N.Chamfort m’apprend que le mépris, c’est de l’indulgence et que la gaîté, c’est du sarcasme. En matières contradictoires, les suicidaires sont souvent plus lucides que les consolateurs. | | | | |
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| chamfort n. | | | Il faut être juste avant d'être généreux, comme on a des chemises avant d'avoir des dentelles. | | | | |
| | bien | | | On t'écouta si bien que les garde-robes sont pleines, mais la dentelle se fait de plus en plus rare ! | | | | |
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| cité | | | L'émancipation de la femme eut pour conséquences la disparition de tout esprit galant ou chevaleresque chez l'homme et le changement d'organe de communication chez la femme - le cÅ“ur brûlant passa le flambeau à la tête calculante. « Les femmes sont faites pour commercer avec nos faiblesses, avec notre folie, mais non avec notre raison »** - Chamfort - la force et le bon sens du boutiquier eurent raison de la faiblesse du poète et du chevalier. | | | | |
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| chamfort n. | | | En France, on laisse en repos ceux qui mettent le feu et on persécute ceux qui sonnent le tocsin. | | | | |
| | cité | | | Les sonneurs de tocsin en eurent assez, se reconvertirent en pompiers vigilants et disciplinés et se moquent désormais des étincelles. En absence de sinistres de l'âme, on s'ennuie avec les tocsins de l'esprit. | | | | |
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| chamfort n. | | | Il n'y a d'histoire digne d'attention que celle des peuples libres. | | | | |
| | cité | | | Car cette histoire nous convainc, que le bonheur des peuples est à confier au boutiquier et non pas au poète. Tout despotisme a pour origine un goût pour la poésie. Le règne du marché est le meilleur garant de la liberté. | | | | |
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| chamfort n. | | | Le gouvernement despotique est un ordre de choses, où le supérieur est vil et l'inférieur avili. | | | | |
| | cité | | | En tyrannie, plus haut on est, plus on est vil. Tandis qu'en démocratie, plus on est vil plus on a de chances d'être le supérieur. | | | | |
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| chamfort n. | | | En vivant et en voyant les hommes, il faut que le cœur se brise ou se bronze. | | | | |
| | hommes | | | En vivant, on pencherait pour la pitié d'un cÅ“ur brisé ; en voyant, on se rabattrait sur l'ironie d'un cÅ“ur en bronze : « Le cÅ“ur est fait pour se briser » - Wilde - « The heart was made to be broken ». D'après Saint Exupéry, le cÅ“ur brisé serait : « cette forteresse démantelée, ouverte aux étoiles », mais gardant le bronze de nos canons ironiques. | | | | |
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| chamfort n. | | | Quand on a la lanterne de Diogène, il faut avoir son bâton. | | | | |
| | hommes | | | La multiplication de carottes rendit inutile le bâton et permit une surproduction de lanternes. | | | | |
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| chamfort n. | | | L'homme me paraît plus corrompu par sa raison que par ses passions. | | | | |
| | hommes | | | Mais notre siècle revigoré n'est que le prologue du règne sain et soporifique de l'intelligence sans fougue ; le naïf impétueux devint un pensif précautionneux. | | | | |
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| noblesse | | | Ce n’est pas la longueur de la liste des choses dont tu ne parles pas (N.Chamfort) qui désigne un philosophe, mais la hauteur de l’exigence, qui exclut de ton centre d’intérêts tout ce qui se trouve en-dessous de cette limite. | | | | |
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| chamfort n. | | | La valeur des hommes comme celle des diamants, qui a une certaine mesure de pureté, restent sans prix, et ne trouvent point d'acheteurs. | | | | |
| | noblesse | | | Au lieu des vitrines, des cous ou des coffres-forts, ils décoreront leur âme ténébreuse. | | | | |
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| chamfort n. | | | L'importance sans mérite obtient des égards sans estime. | | | | |
| | noblesse | | | Le mérite vient avec l'habileté de vendre ou de se vendre. Autant se donner de l'importance, sans chercher l'estime de boutiquiers. | | | | |
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| solitude | | | La solitude, c'est, quoi qu'en pensent les blasés, - un manque d'hommes, un envahissement par des choses. Chamfort a tout vu de travers : « Dans la solitude, on pense aux choses et dans le monde on est forcé de penser aux hommes » - bien que les hommes eux-mêmes ne pensent plus qu'aux choses, et moi, dans ma solitude, ayant pour seuls témoins les choses, j'invente l'homme, libéré des choses et livré aux rêves. J'invente mon soi inconnu, je m'invente : « Le moi me contraint à l'inventer – lui que je ne vois jamais »*** - Valéry. | | | | |
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| solitude | | | L’honneur de ce que tu fais ou penses est proportionnelle à la part qu’à cet instant tu ne partages avec personne ; mais si tu y fais partie d’une assemblée, cette part, inévitablement, diminue, surtout s’il s’y agit d’un consensus impossible, comme en politique ou en philosophie. « Les hommes deviennent petits en se rassemblant »** - N.Chamfort. La force, rappelons-le, est souvent dans l’union des imbéciles. | | | | |
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| chamfort n. | | | Dans la solitude, on pense aux choses, dans le monde on est forcé de penser aux hommes. | | | | |
| | solitude | | | Et l'on arrive, respectivement, à l'humanisation-déification des choses inventées ou à la réification-robotisation de l'homme bien réel. Dans le monde il ne restera que des choses ; l'homme, inexistant et divin, peuplera la solitude. | | | | |
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| chamfort n. | | | Dans le monde tout tend à me faire descendre, dans la solitude tout tend à me faire monter. | | | | |
| | solitude | | | Mais en descendant je peux améliorer ma vision des hauteurs, vision du serpent, et en montant - me rappeler que je suis un proche parent du singe, et qu'on ne verrait peut-être pas exactement ce que j'aurai cherché à exhiber, dans le vertige de la liberté, puisque en hauteur je serai nu. « Comme un singe, plus tu montes, plus on voit ton derrière » - proverbe latin - « Exemplum de simia, quando plus ascendit, plus apparent posteriora eius ». | | | | |
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| chamfort n. | | | Savoir dire non et savoir vivre seul, sont les deux seuls moyens de conserver sa liberté et son caractère. | | | | |
| | solitude | | | On l'apprit si bien, que la liberté devient jactance, et les caractères sont des clones. Le sage est plus disposé à dire oui et à ne pas vivre, une fois dans la multitude. Pour dire un oui monumental, on doit s'appuyer non pas sur le toi prochain, mais sur le nous lointain, contrairement à Éluard : « C'est à partir de toi que j'ai dit oui au monde ». Le oui doit être infini, contrairement au non : « La joie du Oui dans la tristesse du fini » - RicÅ“ur. Encore que ce qui est fini pour les sens peut être infini pour le sens. | | | | |
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| souffrance | | | La comédie relativise et la tragédie absolutise. N.Chamfort perça bien, respectivement, leurs sources et leurs buts : « Le temps diminue l’intensité des plaisirs absolus et accroît les plaisirs relatifs »***. | | | | |
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| souffrance | | | Lycurgue, Empédocle et Socrate, Lucrèce, Sénèque et Cicéron, Chamfort et Kleist, Tchaïkovsky et Maïakovsky, Hemingway et S.Zweig, Tsvétaeva et S.Weil, Pavese et Celan - j'ai beau tourner et retourner cette liste de suicides, je n'y décèle aucune lignée héritable. Le pathos varié de l’avant-dernier pas ne se transmet pas au dernier, au commun : « Amour de l’agonie et horreur de la mort » - Cioran. | | | | |
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| souffrance | | | En tant que remède spirituel, toute consolation finit par tuer, dans le temps, toute espérance ; la consolation n’est bonne qu’en tant que drogue euphorisante, entretenant, dans l’espace, l’illusion de l’éternité, mais « la perte des illusions amène la mort de l’âme » - N.Chamfort – d’où la multiplication des esprits et le dépérissement des âmes. | | | | |
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| souffrance | | | Même après la chute de tes rêves tu peux garder la hauteur, et ce sera une amère tragédie ; mais si tu perds tes ailes, si tu descends sur terre, ce ne sera qu’une douce comédie. « Le temps diminue l’intensité des plaisirs absolus et accroît les plaisirs relatifs » - N.Chamfort. | | | | |
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| vérité | | | Pour le langage commun, je suis en permanence dans le faux (dans ces écarts, qui sont à l'origine de mon propre langage). Si je me moque des autres, cette moquerie concerne la rectitude et la certitude de leur marche vers un vrai sans éclat. Bref, je suis l'exact opposé de l'homme d'esprit, tel que le voit Chamfort : « Il est dans le vrai, et rit des faux pas de ceux qui marchent à tâtons dans le faux ». | | | | |
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| chamfort n. | | | Le plaisir peut s'appuyer sur l'illusion, mais le bonheur repose sur la vérité. | | | | |
| | vérité | | | La vérité est bardée de prémisses solides ; le bonheur repose sur une illusion désarmée et en feu. Ce fut une illusion, mignonne et longue, que de s'imaginer un bonheur grave : « Le bonheur est un ange au visage grave » - Modigliani, « Tout est vanité hormis les belles illusions » - Leopardi - « Tutto è vanità fuorché le belle illusioni ». Il n'est qu'aérien, quand il n'est dû à un élément liquide : larme, sang, encre. | | | | |
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