| balzac h. | | | Vouloir nous brûle et Pouvoir nous détruit ; mais Savoir nous laisse dans un perpétuel état de calme. | | | | |
| | action | | | Toutes les énergies sont canalisées, désormais, vers le Devoir préprogrammé et apaisant et vers l'oubli du Valoir enflammé et dépaysant. La vie devint une vaste et paisible Bourse, où les actions musicales et les obligations cordiales sont en chute libre ou sont dénuées d'intérêts - ce qu'il faut prendre hors tout calembour ! | | | | |
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| amour | | | On dirait, que chacun de nos sens, sans exception, fut créé avec la seule fin de tendre vers sa transfiguration extatique par le simple fait d'aimer ; on ne sait même pas lequel en est le mieux marqué. « L'amour est la poésie des sens »* - Balzac. | | | | |
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| amour | | | L'amour enténèbre le lumineux, couvre de bigarrures l'incolore ; ce goût de paradoxe en fait même un faux-monnayeur, « qui change les gros sous en louis d'or, et qui fait de ses louis des gros sous » - Balzac. Le regard du sot gagne avec de bons yeux ; celui du sage - avec de bonnes paupières. « D'un rustre même Éros fait un poète » - Euripide. | | | | |
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| amour | | | Pour mériter les faveurs d’une femme, il faut, semble-t-il, la soulager de ses problèmes (Balzac). L’un les réduirait aux solutions finales, pour s’installer dans une platitude ; l’autre offrirait des mystères initiatiques, qui feraient monter en hauteur. | | | | |
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| balzac h. | | | Malheur en amour, comme dans les arts, à celui qui dit tout. | | | | |
| | amour | | | Les meilleures sources des mots et des remous se cachent. Les dévoiler réduit le mot et l'amour à leur contraire, au constat ; paradoxalement, c'est en les voilant qu'on leur reste fidèle ; la poésie et l'amour sont des fleuves, dont la raison d'être est d'entretenir la pulsation de leurs sources, le rythme. Aimer, c'est inventer la voix de la fontaine originelle. Gâcher une invention amoureuse est de l'expliquer aux non-amoureux. | | | | |
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| balzac h. | | | L'amour est la seule passion qui ne souffre ni passé ni avenir. | | | | |
| | amour | | | C'est pour cela qu'il est supérieur à la sagesse et au rêve. L'amoureux est le sage sans mémoire ou le rêveur, dont l'étoile, invisible aux autres, descendit dans le présent. | | | | |
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| art | | | Balzac n'aurait pas laissé de correspondance, Flaubert n'aurait laissé que sa Correspondance, - j'aurais pu tenir tous les deux pour brillants. Mais chez Balzac, l'homme est bête et l'écrivain - subtil ; et chez Flaubert, l'homme est subtil et l'écrivain - bête. | | | | |
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| art | | | Dans une œuvre d'art, le commencement, c'est la contrainte, imposée par le regard (le soi inconnu) et suivie par le style (le soi connu). Un commencement réussi serait une pure caresse : « ces regards brillants de caresses » - Balzac. | | | | |
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| art | | | Avant Balzac, les héros littéraires ne pouvaient pas exister dans la réalité, ce qui en donnait la hauteur. Depuis, on ne fait qu'approfondir ou d'étaler tous ces rentiers, comtesses, soubrettes ou apothicaires. D'où la grandeur de Dostoïevsky aux protagonistes tous loufoques. | | | | |
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| art | | | S’éloigner de la réalité est un bon moyen pour se rapprocher du rêve ; la grandeur de Hugo et Dostoïevsky y doit beaucoup – tous leurs personnages sont irréels, contrairement à Balzac, Stendhal, Flaubert, chez qui on devine facilement un voyou, un ambitieux, un imbécile, tous bien réels. Aucune belle idée, et encore moins aucune belle image, ne peut surgir d’une source réelle. | | | | |
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| art | | | Qu’on soit passablement intelligent, comme Balzac, ou résolument stupide, comme Proust, leurs tableaux des repus exhalent la même pestilence morale. Les grands mondes qui y sont peints ne reflètent que la petitesse des personnages insignifiants et abjects. Mais Hugo et Dickens s’apitoient sur les pauvres humiliés, au lieu de dénoncer la pauvreté humiliante. La vraie noblesse, comme la vraie honte, on ne les trouve que chez Cervantès et Dostoïevsky. | | | | |
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| balzac h. | | | Autrefois il y avait des œuvres, maintenant il n'y a que des produits. | | | | |
| | art | | | Toute œuvre fut toujours un produit, mais si le producteur d'antan fut artisan ou artiste, aujourd'hui, il est robot. Qui accepterait encore d'être consumé par une œuvre au lieu de consommer un produit ? Tout auteur d'une œuvre est un séducteur avant d'être, éventuellement, un producteur. | | | | |
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| bien | | | La défaite devint une honte, chez l'homme du troupeau triomphant : « Le sentiment que l'homme supporte le plus difficilement est la pitié » - Balzac. La vraie fierté du réprouvé vaincu est d'accueillir la pitié d'un frère. | | | | |
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| cité | | | Ce n'est pas à cause d'un prétendu gouffre grandissant entre la vie réelle et les intellectuels, que ceux-ci disparaîtront de la scène. C'est, au contraire, à cause de leur fusion journalistique avec la vie réduite aux statistiques. Ce gouffre béni aura existé pendant 250 ans, mais des pelletées des Balzac, Dickens, Hugo, Tolstoï, Sartre l'ont comblé malgré quelques sapes des Flaubert, Nietzsche, Valéry. Jadis, on confondrait l'intellectuel avec le vagabond (c'est à dire extra-vagant – celui qui vagabonde hors la vie) ; aujourd'hui, il est indiscernable d'avec le garagiste. | | | | |
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| cité | | | Ce serait bien, si « les problèmes sociaux se résolvaient par des équations algébriques » (Balzac), mais que faire de ceux qui refusent de figurer dans aucune équation ? | | | | |
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| balzac h. | | | Le sauvage et le penseur ont également horreur de la propriété. | | | | |
| | cité | | | Intronisée dans tous les cœurs, la propriété rééduqua le premier et abêtit le second. Jamais l'idylle entre la propriété, la canaillerie et l'esprit n'alla si loin. | | | | |
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| balzac h. | | | L'affreux côté humain : il n'existe pas de bonheur, qui ne soit dû à quelque ignorance. | | | | |
| | doute | | | Depuis, le savoir éventa tous les secrets du bonheur des hommes, et l'on mesure l'affreux côté inhumain du robot qu'ils deviennent. | | | | |
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| hommes | | | La même antienne, deux fois séculaire, de Balzac à Cioran : l'échec retentissant d'un monde à la dérive, bouleversant toute la tribu. Moi, je vois le paisible succès d'un monde sur-ordonné, étouffant l'élan de tout solitaire. Par ailleurs, toute dérive, aujourd'hui, se calcule comme toute autre trajectoire en continu. | | | | |
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| hommes | | | La qualité des mots, des tempéraments ou des idées en conseil des ministres, en salons mondains, en conseils d'administration ou en jurys littéraires est la même que dans les bars ou les stades. Nourrir l'illusion inverse dévoya tant de belles plumes françaises, de Balzac à R.Debray. Que mes ombres ne soient projetées ni par des notables ni par des minables. Ni, d'ailleurs, par les murs de mon propre édifice ; l'architecture des ruines m'y aidera. | | | | |
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| balzac h. | | | La misanthropie est une grande vanité cachée sous une peau de hérisson. | | | | |
| | hommes | | | Elle n'est pas sous la peau, elle est dans les pointes dressées. Bien sûr, rien n'est complètement vain chez le loup et le mouton que vous préférez : les dents, le poil lisse, le goût des meutes et des troupeaux. « La totalité fragmentaire, ou la logique du hérisson » (Lacoue-Labarthe) - les pointes sont la peau haute du fragmentaire, avec le même désir de caresses à donner ou à recevoir que les porteurs de peaux lisses et profondes. La perle est une maladie des huîtres ; le fragmentaire misanthrope, en bon pêcheur de perles, doit-il songer à l'intégrité des hommes qu'il entrouvre ? | | | | |
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| balzac h. | | | Je réussirai ! Le mot du joueur, du grand capitaine, mot fataliste, qui perd plus d'hommes qu'il n'en sauve. | | | | |
| | hommes | | | C'est l'un des mots les moins fatalistes, le mot des boutiquiers. Par lui on ne gagne qu'en myopie et ne perd qu'en qualité du regard. Quand on finit par gagner sa place au soleil, celui-ci, en général, est déjà couché. Le mot le plus fataliste et noble, c'est : « Je vais perdre contre la vie ! Ensuite, on pourra consacrer sa vie à la recherche d'espérances. » | | | | |
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| balzac h. | | | Demander des mots au silence et des idées à la nuit. | | | | |
| | mot | | | Écoutez les cadences mécaniques diurnes, qui remplissent les idées d'aujourd'hui ! La musique étoilée se réfugie en hauteur, où ne s'aventurent ni éditeurs ni lecteurs. La défaite du mot est de ne plus provoquer d'avalanches d'idées. Le mot est un silence, faisant entendre la musique. L'idée est un silence cadencé. | | | | |
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| noblesse | | | Jusqu'à Balzac, le rêve intemporel constituait le fond et le ton de la littérature. Le présent gluant, le souci du palpable et de l'actuel, a fini par repousser toute atmosphère vaporeuse ; désormais, même dans les récentes biographies des sages grecs ou des empereurs romains on sent la pestilence de notre actualité. | | | | |
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| balzac h. | | | L'homme seul a le sentiment de la verticalité, placé dans un organe spécial. | | | | |
| | noblesse | | | Le cumul fonctionnel se répand ; l'unité arithmétique se charge de mesurer la hauteur des hommes, ce qu'auparavant, se réservaient nos chutes périphériques. | | | | |
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| gide a. | | | Nous, Français, nous nous dessinons nous-mêmes selon un idéal balzacien. Les personnages de Dostoïevsky, sans aucun souci de demeurer conséquents avec eux-mêmes, cèdent à toutes les contradictions. | | | | |
| | russie | | | À quoi voulons-nous rester fidèles ? - à la longueur d'onde d'une raison infaillible ou à la hauteur incertaine d'une âme ? Que pouvons-nous sacrifier ? - un chaud chaos ou un ordre froid ? | | | | |
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| souffrance | | | Plus haut est mon plaisir, plus profonde sera ma souffrance, qu'un équilibre, fatal, incompréhensible et terrible, introduira dans mon existence. Et la disparition de la souffrance noble, chez les hommes, est due à la platitude de leurs joies : « Aux légers plaisirs, légères souffrance ; aux immenses bonheurs, des maux inouïs »* - Balzac. | | | | |
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| souffrance | | | Homme orgueilleux, je sais, que c'est la simplicité qui fait le mieux cicatriser les plaies au-delà des épidermes. Mais je sais aussi, qu'aux yeux des sages la simplicité n'est que bouffonnerie, aux yeux des sots - impuissance, et à mes propres yeux - chute. « Garde pour toi la conscience de ta faiblesse, pleine et éblouissante » - M.Boulgakov - « Сознание своего полного, ослепительного бессилия нужно хранить про себя ». Pense à l'Agneau sacrifié et sanctifié, « la Souffrance et la Faiblesse glorifiées » (Balzac). | | | | |
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