| action | | | On peut juger de la liberté de l'homme par le degré d'inaction, qu'il accorde à ses rêves. À une substitution près, c'est du St-Augustin : « posse non peccare, non posse non peccare, non posse peccare ». Mais c'est une voie qui mènerait à la molle inertie ou à la molle incroyance : sans grand péché – pas de grande foi. | | | | |
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| action | | | Tout but est insipide ou vulgaire, si l'on a la liberté des moyens. Parfois « il vaut mieux avoir moins de désirs que plus de moyens » - St-Augustin - « melius est enim minus egere quam plus habere ». On peut ennoblir un but, si l'on l'atteint par une simple résolution de contraintes, visant et orientant les moyens. Mais « ne perds pas ton temps à chercher des contraintes ; peut-être il n'y en a pas » - Kafka - « verbringe nicht die Zeit mit der Suche nach einem Hindernis ; vielleicht ist keines da » - là où il n'y a pas de contraintes, régnera l'esclavage. | | | | |
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| action | | | Plus orgueilleux est l'esprit ou le muscle, plus servile devient l'âme. Une raison suffisante pour devenir misologue et chercher l'humilité des représentations et la volonté d'impuissance. Car, depuis les jansénistes ou même depuis St-Augustin, on sait, que la volonté de l'homme, traduite en actions et sourde à la grâce, produit, inévitablement, du mal. J'aurais même laissé complètement tomber la grâce… | | | | |
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| action | | | L'âme désire, l'esprit veut, la raison commande, c'est cet accord spatial que je préfère à la platitude temporelle : « L'esprit commande que l'esprit veuille » - St-Augustin - « Imperat animus, ut velit animus ». | | | | |
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| action | | | Mieux on range le savoir à l'intérieur, moins on est tenté d'exercer son pouvoir à l'extérieur. Un pouvoir inconscient résolu devrait découler d'un devoir conscient absolu. Et le devoir, c'est la rupture de l'équilibre entre options également défendables, c'est un défi, lancé au savoir impartial, la paralysie d'un pouvoir, fondé sur le seul savoir. D'après St-Augustin, être, savoir et vouloir (« esse, nosse, velle ») sont inséparables et constituent la vraie vie. Avoir, devoir et pouvoir en constitueraient l'inventée. | | | | |
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| action | | | Même dans la religion, ce culte des genoux pliés et des mains ne s'occupant que de nos visages ou de nos cœurs, le chemin peut remplacer l’œuvre : « Ça ne sert à rien de marcher partout pour prêcher, à moins que la marche soit un prêche » - François d'Assise. Toutes les positions furent tentées pour attirer des ouailles : dansant ou courant (David), assis ou debout (le Christ). Mais on ne trouva rien de meilleur que la position couchée, pour s'écouter soi-même en tant que chemin et s'imaginer voyageur : « Le chemin appelant des voyageurs » - St-Augustin - « Via viatores quaerit ». | | | | |
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| action | | | Ce qui est relativement banal chez l'homme - ses forces, son savoir ou sa logique - se laissent traduire en langages communs de gestes ou de mots et y sont pris pour son vrai visage ; mais tout ce qu'il a de merveilleux - l'éthique, l'esthétique, le mystique - ne se livre qu'au talent exceptionnel, qui est l'art de fabriquer et d'animer des masques. Actum, ce qui est fait, opposé à actus, ce qui se fait. Œuvre de Dieu ou mon œuvre à moi, que ne distingue pas St-Augustin : « Je ne suis pas mon ouvrage » - « Non ipsa nos fecimus ». Le visage du génie humain se dévoile non pas dans un Je inaccessible, mais dans un jeu. | | | | |
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| action | | | Jadis, pour agir, l’esprit avait besoin de force et de volonté banales, et pour rêver, l’âme s’abandonnait à la noble faiblesse. « La volonté, cette ennemie intérieure de l’âme » - St-Augustin - « Voluntas, velut hostis interior ». Aujourd’hui, les âmes sont mortes, et les esprits ne se vouent qu’à l’exécution d’algorithmes. | | | | |
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| st augustin | | | Vero amor actionis avertit a vero.
Le vrai amour de l'action détourne du vrai. | | | | |
| | action | | | La feinte indifférence ne m'en approche pas non plus, mais donne à mon rêve une chance de rester non-entaché d'actions. « La nostalgie d'une époque, où toutes les idées étaient encore intactes, où elles n'étaient pas devenues de sanglantes réalités »* - R.Gary. Seulement, ce n'est pas le rouge, mais bien le gris, qui domine au-delà du bleu des rêves. | | | | |
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| st augustin | | | Bene curris, sed extra viam.
Tu cours bien, mais hors piste. | | | | |
| | action | | | J'ai un bon arc, mais je manque de cibles. Sur les chemins battus, on ne court plus, on marche. Avec des cibles basses, l'archer perd de hauteur. | | | | |
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| amour | | | Ton soi inconnu réveille tes passions, mais c’est ton soi connu qui les met en relief, en couleurs ou en musique. Avec l’âge, les dons du second restent presque inchangés ; mais l’intensité de la voix du premier faiblit, c’est là que réside la tragédie d’un poète, c’est-à-dire d’un amoureux. La belle recette de St-Augustin : « Ils aiment en admirant et admirent en aimant »* - « Admirantes diligunt et diligentes admirantur » - ne s’applique qu’à la jeunesse ; les vieux entendent la même musique, mais leur passion perd de la hauteur. | | | | |
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| amour | | | Une complète différence de nature entre ces deux voluptés : la caresse à donner ou la caresse à recevoir, entre mon corps touchant et mon corps touché ; j'extrapole la vie sur l'art, et je trouve un énorme gouffre entre mon âme touchée et mon esprit touchant, ces deux outils du corps : pour interpréter ou pour représenter le monde, et qui, à tour de rôle, se renvoient de la matière à caresser par le verbe. « La volupté recherche les choses belles, sonores, suaves, agréables au goût et au toucher » - St-Augustin - « Voluptas pulchra, canora, suavia, sapida vel gustavi vel tetigi discernitur » - décidément, la caresse est la curiosité et du corps et de l'esprit, et c'est l'âme qui les unit. | | | | |
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| amour | | | C'est en renonçant à toute course qu'on ressent le mieux le courant amoureux. Vivre, c'est toucher à ce qui est évanescent. On ne touche à l'éternel que par un regard immobile. Aimer, c'est donc désapprendre à vivre. « Aime et fais ce que tu veux » - St-Augustin - « Ama et fac quod vis » - autant dire, ne fais rien et sois l'acquiescement du monde. Renonce à la chose, pour le nom de la chose. Lulle : « qui n'aime pas, ne vit pas » - met une négation de trop, dans n'importe quel ordre. | | | | |
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| amour | | | Les amis ou les amants de la sagesse - deux familles, presque sans intersection. Je ne fréquente que les seconds : le culte de la caresse, l'ivresse de l'obscurité, le goût pour des contacts téméraires, suivis du refus d'en assumer les conséquences. Mais les amis dominent : en créant des salons et écoles, en traquant, en pleine lumière, la sobre vérité, en s'enorgueillissant d'une cohérence entre leurs dits et leurs faits. Aut factum aut dictum (St-Augustin) est plus intelligent que dictum - factum. | | | | |
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| amour | | | Découvrir l'ampleur de la noblesse dans la noblesse, la profondeur du regard sur le regard, la hauteur de l'amour de l'amour – tout le sens de l'existence est là-dedans, dans cet absolu sans objet. Tandis que l'application de ses merveilles me laisse dans la platitude. « Je n'aimais pas encore et j'aimais à aimer » - St-Augustin - « Nondum amabam, et amare amabam ». | | | | |
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| amour | | | L'amour doit être éperdu et désorienté ; celui qui connaît la cible de ses flèches (le soi-même ou les autres, ces cibles augustiniennes, menant soit à la ruine de mon cœur, soit au renoncement à moi-même), ce connaisseur est peut-être bon archer mais mauvais musicien. Je ne connaîtrai jamais la vraie cause de la tension de mes cordes, mais mon cœur infaillible en inventera l'imaginaire, aussi irréfutable que l'image de Dieu - l'icône, ou de la vie - la perfection, et me rendra idolâtre. | | | | |
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| amour | | | Dans la réalité, il n’y a rien d’éternel ou d’infini ; il faut les inventer, comme les invente le mathématicien, en tant que processus. Pour le poète, ce serait de l’élan. « Impossible de te détacher des choses passagères, si tu n’es pas épris des choses éternelles »** - St-Augustin - « Amor rerum temporarium non expugnatur, nisi aliqua suavitate aeternorum ». | | | | |
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| amour | | | De plus loin vient l’appel de ton amante, plus mystérieux, proche et charnel sera ton désir. « Femme plus lointaine, volupté plus prochaine » - St-Augustin - « Mulier longe, libido prope ». L’amour de loin fut chanté par des troubadours. | | | | |
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| ovide | | | Ignoti nulla cupido.
On ne désire pas ce qu'on ne connaît pas. | | | | |
| | amour | | | La cervelle et l'âme ont leurs trésors d'ignorance, dont ils n'échangent jamais les clefs. Mais tout savoir est d'usage commun. St-Augustin : « tu ne peux pas aimer la chose, que tu ignores » - « amare aliquid, nisi notum non potest » - persiste dans la même erreur. Que fait-il de l'ignoré le plus fabuleux, et qui se dit être lui-même Amour, – Dieu ! | | | | |
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| tsvétaeva m. | | | Чувство всегда начинается с максимума, а у поэтов на этом максимуме и остаётся.
Le sentiment est au maximum à sa naissance et, chez les poètes, il ne va pas plus loin. | | | | |
| | amour | | | Nietzsche veut remplir toute forme avec une même intensité, ce qui en constitue l'éternel retour ; Tsvétaeva va en sens inverse : étant donnée l'intensité, lui trouver une forme, ce qui en constitue la création : « À toute intensité, venue d'ailleurs, imaginer ce qui la forcerait, de nouveau, à se remplir » - Benjamin - « Jeder Intensität als Extensivem ihre neue gedrängte Fülle zu erfinden ». C'est dans le sentiment que Valéry place et le départ et le retour : « Je cherche le calcul du sentir - penser - agir, qui définit l'Éternel Présent ». L'homme fade attend tout de l'accroissement, du passage du simple en expression au complexe en sentiment. Du complexe en expression au simple en sentiment est peut-être le seul cheminement, qui préserve la hauteur. Le vrai sentiment sait, qu'il est condamné, et n'attend rien de l'expérience. « Tu seras simple si, sans t'impliquer dans le monde, tu l'expliques » - St-Augustin - « Eris simplex, si te non mundo implicaveris, sed ex mundo explicaveris ». | | | | |
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| art | | | On ne doit écrire qu'étant submergé. Il vaut mieux l'être par un vague besoin de forme que par la certitude d'un fond net. La forme est en haut, et le fond – en bas. Toutes les profondeurs furent déjà explorées et réduites aux chiffres ; la musique ne peut naître que de la hauteur, de l'arrachement à la terre et par la montée aux cieux, en suivant un Gradus ad Parnassum : « En montant - écrire, et en écrivant - monter »** - St-Augustin - « Proficiendo scribunt, et scribendo proficiunt ». | | | | |
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| art | | | Le style d'un auteur (Nietzsche, Nabokov) permet de reconstituer assez fidèlement non seulement son visage, mais aussi sa biographie, mais les auto-biographies de ceux qui manquent de style (St-Augustin, Rousseau) embrouillent leur visage jusqu'aux paradoxes et mensonges. | | | | |
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| art | | | Peut-on peindre son soi, en confessant ses turpitudes, face aux Manichéens ou aux duchesses (St-Augustin ou Rousseau) ? - à la limite, on y trouve quelques éclats de cervelle. Heureusement, il y a aussi la chair ; et la concupiscence augustinienne ou la mauvaise paternité rousseauïste nous font entrevoir quelque chose de vraiment intime. Heureusement, il y a aussi l'âme et le talent, c'est à dire le regard, qui, à toute sa production, affecte le genre de confession ou de testament. | | | | |
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| art | | | Les buts de l'art : donner de l'ivresse à une forme sensée ou donner de la forme à une ivresse des sens. « Ce qu'on lit doit non seulement étancher une soif, mais enivrer »*** - St-Augustin - « Non solum sapit, quod legis, sed etiam inebriat ». | | | | |
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| malraux a. | | | La peinture n'est plus pour la foi ou pour la beauté, elle est pour l'individu. | | | | |
| | art | | | Cet individu ne lit ni Homère ni St-Augustin ni Vasari ; il est PDG, golfeur ou spéculateur, à l'offre et la demande robotiques. Et je ne sais plus où le robot est plus présent : dans les yeux de cet individu ou dans le pinceau du gribouilleur. | | | | |
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| bien | | | La grandeur, dans ce monde, est sans pitié, et la charité - sans grandeur. La sagesse du serpent ne sait plus s'entendre avec la pureté de la colombe. L'homme libre, cet esclave-maître, prit parti pour le mal. « L'homme de bien est libre, même s'il est esclave ; l'homme mauvais est esclave, même s'il est maître » - St-Augustin - « Bonus etiam si serviat, liber est ; malus autem si regnat servus est ». | | | | |
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| bien | | | Au-dessus du Bien et de la liberté de le choisir (« Dieu n'a point fait l'homme droit, mais capable d'être droit » - St-Augustin - « nec Deus fecerit rectum hominem ; sed qui rectus posset esse ») est la miraculeuse faculté d'y prêter attention, faculté, qui s'appelle conscience. | | | | |
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| bien | | | Ou bien Dieu est assez puissant pour tirer le Bien du mal même (Thomas d'Aquin), ou bien Dieu est si puissant, qu'il peut faire sortir le mal du Bien (St-Augustin). Le mal n'existant pas à l'origine, ni temporelle ni spatiale (même la Chute l'affirme), St-Augustin a doublement raison : toute tentative de traduire le Bien originaire, tapi dans notre cœur, et de le porter à l'extérieur, débouche sur un mal d'action. | | | | |
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| bien | | | Le même besoin de pitié et de noblesse me taraude ; mais si la noblesse reste naturelle même au milieu des goujats, la pitié, parmi les repus, devient tout artificielle. « Il n’y a pas besoin de miséricorde là où il n’y a point de misère » - St-Augustin - « Non opus est misericordia, ubi nulla est miseria ». | | | | |
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| bien | | | Ni Socrate ni St-Augustin ni Montaigne ni Rousseau ni Kant ni Tolstoï ne brillent par des actions, qui découleraient de leurs idées. On ne doit pas juger les hommes d'après leurs pensées, et encore moins d'après leurs actes, mais d'après leur talent de rendre un fond de bonté - par une forme de beauté ! | | | | |
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| bien | | | De méchantes pensées visitent toutes les têtes, mais le Mal ne se manifeste que dans les œuvres ; l’emploi du Bien en tant qu’outil ou règle de conduite amène, inexorablement le Mal. « C’est un mal que de faire un mauvais usage du bien » - St-Augustin - « Malum est male uti bono » - il fallait dire – tout usage ! | | | | |
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| st augustin | | | Fecis quod justum est et delectet te, et liber es.
Là où le plaisir est à faire le bien, là est la liberté. | | | | |
| | bien | | | Là où faire le bien est une souffrance, la liberté manque, la charité publique disparaît et le sacrifice naît. Ah, si le plaisir de faire des sacrifices revenait à l'homme, quelle noble liberté retrouverait-il ! Mais cette lecture, en abyme, au troisième stade, du plaisir finirait par ennoblir son aboutissement, la souffrance. | | | | |
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| cité | | | L'argent est appelé, chez eux, à n'être que serviteur, mais les serviteurs, en démocratie, sont promis aux postes de maîtres. Tout bon serviteur devient un méchant maître. C'est à l'argent que se réduisent désormais la vie (que voulait l'esclave) et la liberté (que voulait le maître) - ils finirent par devenir indiscernables. C'est St-Augustin qui est sans concession : « L'argent est un mauvais maître et un perfide serviteur » - « Aurum malus dominus, proditor servus ». | | | | |
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| doute | | | Les notions mathématiques de suite, de limite, de convergence donnent une vision assez nette de l'abstraction temps ; mais aucune intuition ne nous éclaire sur le sens du temps concret, dans l'espace réel et non pas imaginaire, - la perplexité augustinienne reste la nôtre. | | | | |
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| doute | | | Les mystères, à force de rester en permanence sous nos yeux, n’inspirent plus la même fascination. « Les miracles, trop fréquentés, pâlissent »* - St-Augustin - « Mirabilia assiduitate vilescunt ». D’où l’intérêt de fermer, de temps en temps, les yeux, pour les recharger de l’envie d’admirer. | | | | |
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| doute | | | Dans la république du réel, la rareté n’est pas une garantie du beau ou de l’admirable ; elle ne l’est que dans le royaume des rêves. Et Valéry et St-Augustin : « C’est ce qui est rare qu’on admire » - « Quae sunt rara admiramur » - eurent tort. Mais avec le rêve se raréfiant, ils se retrouvent dans le juste, mais insignifiant. Le lointain, lieu idéal pour admirer le beau, disparaît, lui-aussi, au profit d’une aveugle familiarité. | | | | |
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| doute | | | Dès que tu crois être en communication directe avec ton meilleur soi, le soi inconnu, pense au mot augustinien : « Si tu le comprends, ce n'est pas Dieu » - « Si enim comprehendis, non est Deus » - laisse les meilleures voix à leur miraculeuse inexistence. | | | | |
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| doute | | | Comprendre, c'est englober l'origine du premier pas, ce point zéro, qui ne s'appuie que sur la croyance, même en mathématique : « Si tu ne crois pas, tu ne comprendras pas » - Anselme - « Nisi credidentis, non intelligentis ». Une fois la compréhension bien balisée, la croyance s'installe, paisiblement, parmi des faits et des logiques : « Tu dois comprendre pour croire » - St-Augustin - « Intellige ut credas ». Les tenants des rigueurs monolithiques sont avec Schopenhauer : « Croire et comprendre sont deux plateaux d'une balance : plus l'une monte plus l'autre descend » - « Glauben und Wissen verhalten sich wie die zwei Schalen einer Waage : in dem Maße, als die eine steigt, sinkt die andere » - c'est la croyance qui grave les mesures et stabilise la balance ! Près des sources, la raison calculante doit devenir raison croyante : « Je dus écarter la raison, pour faire place à la croyance » - Kant - « Ich habe das Denken beiseiteschaffen müssen, um dem Glauben Platz zu machen » - il ne faut même pas laisser vide la place de la raison, il suffit d'y reconnaître son impuissance, ce qui est un geste de lucidité et de courage, apparenté au sacrifice. | | | | |
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| doute | | | Notre vrai soi est un grand muet, comme Dieu ou la réalité ; être d'accord avec soi-même est une ânerie impossible. Mieux on s'interroge, moins on se comprend. « L'homme est un inconnu pour lui-même, et il ne sait jamais ce qu'il est capable de produire sous une provocation neuve » (volé chez St Augustin) - Claudel. | | | | |
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| doute | | | On ne peut connaître ni soi-même ni ses limites ; on ne peut que croire en un soi divin, soi inconnu, et l’on peut éprouver l’élan vers ses limites inaccessibles ; dans les deux cas, on perd sa paix d’âme, fondée sur la connaissance, et l’on vit de son « cor inquietum » (St-Augustin). | | | | |
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| doute | | | Le soi inconnu n’est que lumière, et le soi connu est imprégné de ténèbres, occultant notre origine et notre fin. Quand le premier pénètre ou anime le second, l’homme devient penseur, créateur d’ombres. « La lumière divine met en fuite les ténèbres de l’âme » - St-Augustin - « Lux divina, animae tenebras fugat ». | | | | |
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| doute | | | À l’évidence de l’espace correspond l’énigme du temps. Ce que St-Augustin dit du temps : « si personne ne m'interroge, je le sais ; si je veux répondre à cette demande, je l'ignore » - « Si nemo ex me quaerat, scio ; si quaerenti explicare velim, nescio » est vrai pour la matière, comme, pour l’esprit, est énigmatique ce qui se déroule en nous. « Avant Kant nous étions dans le temps, depuis Kant le temps est en nous » - Schopenhauer - « Vor Kant waren wir in der Zeit, seit Kant ist die Zeit in uns ». Et l'espace, lui, n'a-t-il vraiment que trois dimensions, tandis que notre imagination géométrique pourrait facilement en ajouter tant qu'on veut ? Le temps-qui-passe et l'espace ouvert – deux énigmes du réel, défiant le temps-qui-dure et l'espace fermé. | | | | |
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| | doute | | | La machine, un jour, maîtrisera tous les chemins de la vérité ; mais elle n’apprendra jamais l'art exaltant de s'égarer. L’artiste sait pimenter de falsification langagière une vérité, abandonnée par le Verbe et confiée à l’algorithme. | | | | |
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| st augustin | | | Errare humanum est, sed in errore perseverare diabolicum.
Se tromper est humain, persister dans l'erreur est diabolique. | | | | |
| | doute | | | « Tout homme peut tomber dans l'erreur, mais il n'y a que l'insensé, qui y persévère » - Cicéron - « Cujusvis hominis est errare ; nullus autem, misi insipientis, in errore perseverare » - non, diabolique, ou plutôt asinique, est ta persistance dans une vérité fixe, si tu ne trouves pas un nouveau langage, qui la rendrait caduque ou bancale : « L'œuvre une fois accomplie, retire-t'en » - Lao Tseu. | | | | |
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| st augustin | | | Video rem non compertam superbis, sed incessu humilem, successu excelsam et velatam mysteriis.
Je vois des choses, cachées aux orgueilleux ; en surface, au début, et en hauteur ensuite, enveloppées de mystères. | | | | |
| | doute | | | Les orgueilleux scrutent la profondeur, pour finir en platitude ; les humbles se réfugient en hauteur, d'où ils ne voient que des choses jetant des ombres verticales, à l'aplomb des regards et des prières. Les plus intelligents des humbles finissent par se désintéressent des choses, pour se consacrer à l'entretien du regard. | | | | |
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| st augustin | | | Surgunt indocti et rapiunt caelum.
Des non-savants surgissent et accaparent le ciel. | | | | |
| | doute | | | Quand on voit avec quelle avidité les docti, c'est-à-dire la majorité d'aujourd'hui, s'accrochent à la terre, on comprend, qu'il n'y ait pas foule aux marches du ciel, pour gêner les indocti. | | | | |
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| st augustin | | | Sic ergo quaeramus tamquam inventuri, et sic inveniamus tamquam quaesituri.
Cherchons comme cherchent ceux qui doivent trouver, et trouvons comme trouvent ceux qui doivent chercher encore. | | | | |
| | doute | | | Malgré toute son élégance, le précepte est irrecevable : on cherche l'absurde, on trouve le sensé. Quand on ne cherche que du sensé, on risque de ne rester qu'avec l'absurde. | | | | |
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| hommes | | | Le moi devenu solution des manants, ou problème des savants (« le moi est ma requête » - St-Augustin - « quaestio mihi factus sum »), je m'en fais, par dépit, un mystère. | | | | |
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| hommes | | | En périodes ascensionnelles d'une culture, les yeux fouillent le monde à naître ; en périodes décadentes - le soi à ensevelir. Le rêve des yeux fermés est hors périodes et cultures ; le rêve - à travers le soi en dérive, faire voir le monde inaltéré. Il faut déjà être épave ou ruine, pour suivre le conseil de St-Augustin : « Au lieu du monde extérieur, rentre en toi-même » - « Noli foras ire, in teipsum redi ». | | | | |
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| hommes | | | Jamais on n'eut autant de spécialistes professionnels d'Homère, de St-Augustin ou de Léonard qu'aujourd'hui ; mais dans les tableaux que ceux-là peignent de ceux-ci on ne devine plus ni immortels, ni saints, ni génies, mais des ingénieurs ou managers ; et le peintre, lui-même, est statisticien. | | | | |
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| hommes | | | L'extinction de l'âme, l'hypertrophie du cerveau - tel est l'homme moderne. Matière sans manière, dans le spirituel et dans le charnel. « Ce n'est point la chair corruptible, qui a rendu l'âme - pécheresse, mais l'âme pécheresse a rendu la chair - corruptible » - St-Augustin - « Nec caro corruptibilis animam peccatricem, sed anima peccatrix fecit esse corruptibilem carnem ». | | | | |
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| hommes | | | L'esprit de la science est dans ses constantes, son âme - dans ses inconnues, son corps - dans ses unifications avec l'arbre philosophique. « L'âme de la science a besoin d'un corps » - Mendeleev - « Душе науки нужно тело ». Tant que ce corps réclamait des caresses - par l'élégance, par l'amour, par la volupté - la science laissait son esprit se muer en âme. Mais depuis que la science se pratique sans conscience, non seulement elle perdit son âme, mais même son esprit devint une espèce de calculatrice dans un corps électronique. Pourtant, on pensait jadis, que « rien ne nous est plus présent que notre âme » - St-Augustin - « nihil sibi ipsi praesentius quam anima ». | | | | |
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| hommes | | | Peut-on imaginer aujourd'hui l'immense tendresse et l'humble reconnaissance pour leur mère qu'éprouvaient Sénèque ou St-Augustin ? Les rats de bibliothèques trouvent les misérables destinataires de leurs hommages respectueux dans des salons, des maisons d'édition, des revues académiques. | | | | |
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| hommes | | | Jadis, la science était au service de la cruauté : « Nous, avec notre science sans cœur, voici que nous croupissons dans la chair et le sang » - St-Augustin - « Nos cum doctrinis nostris sine corde, ecce ubi volutamur in carne et sanguine » - aujourd'hui, elle apporte une paix d'âme et l'oubli de la chair. On ne sait plus où s'arrête la science et commence la conscience, ou bien comment elles se complètent : « La science n'est pas seulement le savoir, mais aussi la conscience, savoir comment s'en servir à bon escient » - Klioutchevsky - « Наука есть не только знание, но и сознание, уменье пользоваться знанием как следует ». | | | | |
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| hommes | | | Dans l’absolu, tout ce que produisent un forgeron, un informaticien, un philosophe, ce sont des miracles. « L’homme est un miracle, plus grand que tous les miracles qu’il opère »** - St-Augustin - « Omni miraculo quod fit par hominem, majus miraculum est homo ». Aujourd’hui, hélas, il se prend pour une machine de plus et agit machinalement. | | | | |
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| intelligence | | | Personne n'est vacciné contre la bêtise : « Il n'y a pas de plus incurables que ceux qui se croient sains » - St-Augustin - « Nemo insanabilior eo, qui sibi sanus videtur ». L'intelligent se sait porteur de virus, mais il éloigne, prudemment et élégamment, son interlocuteur, et ne met pas ses pieds sur ce pont vénitien. | | | | |
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| intelligence | | | Le ratage le plus irrémissible, celui dans l'art de la docte ignorance (où excellèrent Socrate, Pétrarque, Nicolas de Cuse, Cervantès, Valéry, G.Thibon, Cioran) : « une savante ignorance, instruite par l'Esprit de Dieu, qui soutient notre faiblesse » - St-Augustin - « docta ignorantia, sed docta spiritu Dei qui adiuvat infirmitatem nostram ». Au genre ridicule, la gnose livra plus d'échantillons que la crédulité. | | | | |
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| intelligence | | | Dans toutes les équations de la vie, où figure le monde, je peux lui substituer moi-même. Le cogito s'avère équivalent du Deus cogitat ! « L'homme est un monde en miniature » - Boèce - « Homo mundus minor ». Quand je le découvre, je me mets à me moquer de solutions, tout en accompagnant le mystère de merveilleuses inconnues, qui aboutissent à moi. « J'aime mon Dieu : lumière, voix, parfum, aliment, étreinte de l'homme intérieur, qui est en moi »** - St-Augustin - « Amo Deum meum : lucem, vocem, odorem, cibum, amplexum interioris hominis mei ». Surtout, depuis que nous savons que, par la volonté de Dieu, nous ne sommes pas seulement matière, mais aussi onde. Les mêmes forces originaires formèrent et la nature et notre âme. | | | | |
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| intelligence | | | Ce qu'expriment Platon, St-Augustin ou Pascal concerne tout homme de bon sens, de toutes les époques et de toutes les cultures, et peut en être compris ; le charabia de ceux qui en prirent la succession ne peut intéresser que des thésards mécaniques ou des bureaucrates académiques, un sordide verbalisme sans élégance, sans hauteur, sans émotion. | | | | |
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| intelligence | | | En mémoire et en puissance interprétative, l'homme sera dépassé facilement par la machine. En matière intellectuelle, l'esprit humain devrait se consacrer surtout à la qualité de ses représentations. On n'est plus à une époque, où, naïvement, on pouvait dire que « l'esprit, c'est la mémoire elle-même » - St-Augustin - « animus sit etiam ipsa memoria ». Pour Descartes, la mémoire est répartie entre l'esprit et le corps, l'esprit ayant la priorité. Mais le corps, apparemment, n'a pas de mémoire de masse ; et la seule mémoire sensible, la mémoire centrale, relèverait entièrement de l'esprit. Chez l'homme, tout n'est qu'une réinterprétation, et elle est si bien câblée, qu'on ne voit presque pas la mémoire. « Il n'y a pas de données, mais seulement des conduites » - Sartre. | | | | |
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| intelligence | | | Le vrai savoir ne peut provenir que d'une représentation, et il s'appuie sur la pensée de l'être, avant d'engendrer celle du devenir ; penser, c'est traverser la représentation en ces étapes : sujet, sensations, objets, relations, mémoire, désir, références conceptuelles, et ensuite verbales, d'objets et de relations, phrases grammaticales, leur interprétation, sens de la vérité établie. Vu sous cet angle, ni Aristote ni St-Augustin ni Descartes ni Kant ni Husserl ne savent ce qu'est penser. Lever les yeux au ciel et froncer les sourcils, c'est le seul sens plausible qu'ils donnent à cette activité non-élémentaire. | | | | |
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| intelligence | | | La philosophie doit se pencher sur les merveilles de la vie, mais elle n’a rien à dire sur les merveilles (miracles) qu’on prétend s’être produites à l’Himalaya, au Sinaï, à Jérusalem ou à la Mecque. La religion aristocratique se réduit à la vénération de la Création divine, incompréhensible, impossible, belle et grandiose. La religion officielle est toujours de la superstition absolument niaise, sortie tout droit de la mythologie. St-Augustin, Claudel ou Berdiaev, en compagnie du Christ, sont des nigauds ; ailleurs, ils peuvent être brillants. | | | | |
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| plotin | | | Il faut être au moins deux pour signifier, et le sens, entre les deux, en fait un troisième. | | | | |
| | intelligence | | | Naïf et génial ! C'est ainsi que naît le sens en Intelligence Artificielle, tandis que tout le bavardage du signifiant/signifié réduit cette belle triade à quelque chose de monolithique, algorithmique et … réel. Le sens est le résumé irréel d'un dialogue. L'interpellant et l'interpellé ont beau être, le plus souvent, le même homme, ce sont deux machines différentes qui tournent. La vraie machine maîtrisera un jour tous les rouages du signans et signatum (St-Augustin), mais seul l'homme peut manipuler organiquement leurs mélanges contre nature. | | | | |
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| wilde o. | | | Nothing that is worth knowing can be taught.
Rien de ce qui vaut d'être su ne peut être enseigné. | | | | |
| | intelligence | | | Enseigner, c'est se servir de vases communicants. Savoir, c'est fabriquer des vases. Pourquoi le savoir du savoir n'existerait-il pas ? « Le génie est le don d'atteindre ce qui ne peut être ni appris ni enseigné »** - Kant - « Genie ist das Talent der Erfindung dessen, was nicht gelehrt oder gelernt werden kann ». Une nette exception à cette règle est la vérité, quoiqu'en dise H.Hesse : « On vit la vérité, on ne l'enseigne pas » - « Die Wahrheit wird gelebt, nicht doziert ». Et la charge de St-Augustin : « Et puisqu’ils ne croient ni n’enseignent rien, on les appelle nihilistes » - « Nihilisti appellantur, quia nihil credunt et nihil docent » - n’est qu’un compliment au nihiliste, qui crée sa propre foi, au lieu de croire celle des autres. | | | | |
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| ironie | | | La propension à m'étonner ne vaut rien si, dans moi-même, il n'y a rien d'étonnant. Imite St-Augustin : « Je suis devenu énigme à moi-même » - « Factus eram ipse mihi magna quaestio ». | | | | |
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| ironie | | | Ils écrivent en puisant dans un puits profond, plein de leurs idées, souvenirs, savoirs, et ce qui s'avère être de l'eau courante, mue par la même pression extérieure. Tandis que la condition nécessaire d'une écriture est la présence d'une haute fontaine, me faisant mourir de soif. La soif inextinguible (insatiabilis satietas de St-Augustin est la plus belle contrainte d'homme de goût. | | | | |
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| ironie | | | La même monotonie, soit inertie soit ennui, accompagne ceux qui ne vécurent jamais un moment de grâce, d'illumination ou de conversion (comme St-Paul, St-Augustin, Dostoïevsky, Nietzsche, Tolstoï, Valéry, Wittgenstein, Heidegger). Pour avoir sa voix reconnaissable, il faut avoir entendu des voix d'inconnus. | | | | |
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| mot | | | Heidegger ne voit pas, que l'appel des choses et des relations retentit avant que ne soit prononcé le premier mot : « Aucune conscience ne précède la langue » - « Der Sprache geht kein Bewußtsein voraus ». Et que St-Augustin est brillant, avec la plus exacte des images : « Les mots ne font que nous avertir, pour que nous cherchions les choses »** - « Hactenus verba valuerunt, quibus ut plurimum tribuam, admonent tantum, ut quaeramus res » ! | | | | |
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| mot | | | Je me sens porteur d'une musique, mais je dois la confier aux mots. On peut avoir une idée du désastre en tombant sur d'effarants livrets accompagnant les meilleurs morceaux de Mozart ou Tchaïkovsky. Les arpèges des mots sont souvent souillure d'une partition vitale. Mais la pensée est contre-indiquée à la musique, comme à la poésie ; écoutez du Nietzsche, du Marx ou du Platon, mis en musique par G.Mahler, Prokofiev ou Satie. Un étrange suicidaire, le compositeur loufoque B.A.Zimmerman, prenait pour livrets des citations de l’Ecclésiaste, de St-Augustin, Dostoïevsky, Wittgenstein. | | | | |
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| mot | | | Le calembour paraît être stérile sous toutes ses formes : le sémantique - « le cœur a ses raisons, que la raison ignore » (Pascal), le morphologique - « die Eifersucht ist eine Leidenschaft die mit Eifer sucht, was Leiden schafft » (Schleiermacher), l'orthographique - « the Nature, which to them gave goût, to us gave only gout », le syntaxique - « se perdre dans sa passion - perdre sa passion » (soi-disant de St-Augustin) ou « le sceptique ne se doute de rien » (Claudel). Son inertie intellectuelle signifierait-elle sa longévité ? - « Au commencement était le calembour » - S.Beckett. | | | | |
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| mot | | | L'être substantivé, l'être substantif (l'étant), l'être substance (l'essence) sont des charabias, de mornes idiomes, dont se repaissent les idiots de villages philosophiques, à écart égal des cités affairées et des cimes dépeuplées, faisant honte et à la vie et à l'intelligence. Car tout s'y réduit au mystère du temps, et aucune représentation philosophique du temps absolu ne peut compléter ou rivaliser avec la relativité physique ; depuis St-Augustin, la perplexité reste la même. | | | | |
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| mot | | | Trois pseudo-concepts, trois parasites, nous viennent d'un modeste mot aristotélicien d'ousia (nous renvoyant aux espèces ou aux instances, dans la réalité), traduit substance par Boèce, essence - par St-Augustin et être - par Heidegger. Mais c'est le dernier qui est sans doute le plus près de l'original, puisque les substances et les essences appartiennent surtout à la représentation, tandis que, même fantomatique, l'être a partie liée avec la réalité. | | | | |
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| mot | | | Le mot peut être vu sous deux angles : linguistique et instrumental. Dans le premier cas, il fait partie d'un vocabulaire, sans aucun autre élément de structuration que la morphologie et la syntaxe. Dans le second cas, il est étiquette d'un concept, faisant partie d'un vaste réseau sémantique. Dans le premier cas, le vocabulaire comprend des unités lexicales, prenant en compte la logique : les déterminants, les connecteurs, la négation, les quantificateurs. Dans le second cas, parmi les mots figurent des variables, des méta-concepts : les classes, les liens syntaxiques, les attributs, les passerelles tropiques ; certains verbes, être, avoir, verbes modaux, reflètent la sémantique du sujet ou des liens pré-câblés. Cette vision, parfaitement bien comprise par St-Augustin, est complètement ignorée par nos contemporains. | | | | |
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| mot | | | Tant de chinoiseries autour de ces banalités d’immanence ou de transcendance, tandis qu’il suffirait de parler de ce qui est plus profond que mes noyaux ou plus haut que mes sommets (intimior intimo meo, superior summo meo de St-Augustin). | | | | |
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| mot | | | Le défaut d'intelligence le plus irrécupérable est l'ignorance en matière langagière. Ce qui explique beaucoup de faux pas de Platon, de Foucault, de Cioran. Et ce qui met en valeur l'éclat de St-Augustin, de Nietzsche, de Valéry. | | | | |
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| st augustin | | | Alia est enim lux quae sentitur oculis ; alia qua per oculos sintiatur ; haec lux qua ista manifesta sunt, utique intux in anima est.
Autre est la lumière perçue par l'œil ; autre la lumière que l'œil peut percevoir ; autre enfin la lumière imprimée dans l'âme, qui la conçoit. | | | | |
| | mot | | | Une langue vivante, un modèle conceptuel, une image conçue - Aristote eût partagé la même vision ternaire, que les philosophes analytiques abaissent à une terne division binaire. | | | | |
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| st augustin | | | Non accuso verba quasi vasa lecta, sed vinum erroris, quod in eis nobis propinabatur ab ebriis doctoribus.
Ce n'est pas le mot, ce précieux récipient, que j'accuse, mais le vin de l'erreur que des docteurs ivres nous poussent à boire. | | | | |
| | mot | | | Pour les convives vigilants, l'ivresse du vin (la beauté) est dans la lecture des étiquettes, où réside la vérité (in libello veritas). | | | | |
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| noblesse | | | Sub speciae aeternitatis ne naissent que des ennemis de l'éternité. Celle-ci ne fraie qu'avec l'au-delà de l'être (l'Idée du Bien) de Platon, l'extase de Plotin ou de St-Augustin, la profession de Pascal, le bon plaisir de Dostoïevsky, l'au-delà du bien et du mal (l'intensité du Beau) de Nietzsche. Bref, sub speciae absentiae. | | | | |
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| noblesse | | | Mon vrai cœur est peut-être mon imagination, comme mon esprit est mon goût, et mon âme - mes larmes. Mais seul le poète a le droit de prendre les seconds pour les premiers. Ou les fusionner comme le Dieu de St-Augustin, qui aurait vu la flamme divine dans l'homme sous forme de cette magnifique triade : l'intelligence, le goût, le désir. | | | | |
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| noblesse | | | Avoir son propre soi (le soi connu) n'est pas un fait ou un point de départ, mais un but et une permanente conquête (le soi inconnu n'étant que contraintes et commencements). Face à la dissension avec la raison. Le moi docile est troupeau. « Le moi est plus dans ce qui gouverne que dans ce qui est gouverné » - St-Augustin - « Magis sum ego in eo quod rego, quam in eo quod regor ». | | | | |
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| noblesse | | | Signe de noblesse : l'espérance la plus pure naissant dans les situations les plus désespérées (Camus). « Bien que sous la forme d'une vague quête, l'espoir germe dans une profonde désespérance » - Th.Mann - « Aus tiefster Heillosigkeit, wenn auch als leiseste Frage, keimt die Hoffnung ». L'invisibilité comme garantie d'authenticité : « L'espérance qui se voit n'est pas l'espérance » - St-Augustin - « Spes autem quae videtur, non est spes ». Comme l'amour qui dure, tant qu'on ne se voit pas : « Les yeux dans les yeux, les amants n'arrivent pas à se voir » - N.Barney. | | | | |
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| noblesse | | | L'égale maîtrise du ton et du fond, le cas rarissime : Platon, Dostoïevsky, Tolstoï, Heidegger. Le cas le plus fastidieux, la morne maîtrise du seul fond, sans posséder le ton, - la gent professoresque. Sa maîtrise profonde : Aristote, Kant. Les meilleurs, prenant de haut le fond, s'adonnent au ton : St-Augustin, Nietzsche, Cioran. Et l'on finit par comprendre, que la hauteur du ton crée la profondeur du fond. | | | | |
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| noblesse | | | Ni le savoir ni la création, en eux-mêmes, ne justifient la vie ; seule la musique, qui deviendrait leitmotiv de celle-ci ou accompagnement de celui-là nous ferait oublier le silence absurde et angoissant de l'existence. Et toute musique naît des bonnes vibrations : « Le sens de l'existence est dans l'intranquillité et dans l'angoisse » - A.Blok - « Смысл жизни заключается в беспокойстве и тревоге ». St-Augustin (inquietas), Heidegger (Sorge), Borgès (intranquilidad) seraient d’accord. | | | | |
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| noblesse | | | Je commence par m'étonner des choses, ensuite, j'en admire la représentation par les autres, et je finis par m'enivrer de leur interprétation par moi-même : « Mon frisson vient davantage du chant que des choses chantées »**** - St-Augustin - « Me amplius cantus, quam res, quae canitur, moveat ». Et, en même temps, c’est la définition même de la musique que je cherche à composer par mes discours. | | | | |
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| noblesse | | | La fatidique confusion entre le savoir et le désir, qui règne parmi les philosophes : « Je ne désire rien connaître d'autre que Dieu et mon âme » - St-Augustin - « Deum et anima scire cupio, nihil plus » - tu aurais dû admirer l'œuvre de Dieu et mettre en musique ce qu'il y a d'inconnaissable dans ton âme ; tout n'y est que désir comme source et savoir comme contrainte. | | | | |
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| noblesse | | | Les présomptueux (St-Augustin, Rousseau) imaginent pouvoir exhiber leurs vrais visages ; parmi les masqués avoués - profonds ou hautains - il y a ceux qui croient, que le masque les cache (Descartes, Nietzsche) et ceux, les plus lucides, qui les y réduisent (Valéry, Cioran). « L'homme ne vit pas, il s'invente »** - Dostoïevsky - « Человек не живёт, а самосочиняется ». Me montrer ou me cacher sont parfaitement équivalents ; m'inventer est mon seul visage transmissible. | | | | |
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| noblesse | | | Je suis indifférent à Platon, à Spinoza, à Kant ; mais je ne puis pas en être ennemi ; combattre la grisaille, c'est profaner mes propres couleurs. Mais il faut que je sache me dresser en ennemi de St-Augustin, de Voltaire, de Nietzsche, pour mettre à l'épreuve mes palettes. | | | | |
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| noblesse | | | Ne déploie pas tes ailes, tant que tes pieds s’agitent. « Plus résolument ton âme se détache des basses envies terrestres, plus majestueusement elle rejoindra la hauteur céleste »* - St-Augustin - « Tanto gloriositus mens ad superiora promovetur, quanto diligentius ab inferioribus concupiscentia cohibetur ». | | | | |
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| noblesse | | | La vie hors science ridiculise ton savoir ; la vie sans talent artistique annihile ton valoir. Aucune trouvaille d’un fond ou d’une forme ne pourra pallier à ces carences irrécupérables. La vie, dans ce cas, ne se justifierait que par l’amour et l’humilité, qui sont une forme mystérieuse et un fond lumineux. « Si tu songes à bâtir une hauteur, prends pour fondement l’humilité »** - St-Augustin - « Cogitas construere celsitudinis, de fundamento cogita humilitatis ». | | | | |
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| st augustin | | | Funde, ut implearis.
Vide-toi, pour que tu puisses être rempli. | | | | |
| | noblesse | | | Sois tantôt éponge et tantôt fontaine ; mes pores, noyau, foyer et source étant ma soif. Dieu est dans la soif, non dans le breuvage. Je ne trouve pas Dieu à travers mes plénitudes, mais je ne me fais pas trop d'illusions sur ce qui remplira mon vide ; Jean de la Croix est trop crédule : « Les biens de Dieu ne peuvent entrer que dans un cœur vide et solitaire. L'âme doit se vider, pour que Dieu remplisse le vide » - « Los bienes de Dios no caben sino en corazón vacío y solitario. El alma debe vaciarse del ego para ser llenada por Dios ». | | | | |
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| st augustin | | | Aspectus animae, ratio est.
Le regard de l'âme, c'est la raison. | | | | |
| | noblesse | | | Je dirais plutôt, que la raison de l'âme, c'est le regard. La raison est ce qui produit les évidences calculatrices, le regard - ce qui est produit par l'intuition créatrice. La raison est produite par le cerveau (qui n'est que les yeux et non pas le regard), et Spinoza l'a bien vu : « Les yeux de l'âme, ce sont les démonstrations » - « Mentis enim oculi sunt ipsae demonstrationes ». Le regard de l'âme, ce sont nos apories vitales. | | | | |
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| st augustin | | | Transcende te ipsum, ratiocinantem animam te transcendere.
Élève-toi au-dessus de ton soi, et ton âme rationnelle s'élèvera aussi. | | | | |
| | noblesse | | | Et cette âme rationnelle s'appellera esprit, comme l'esprit sensuel s'appelle âme ; et la hauteur promise s'appellera mon soi inconnu, le vrai, l'irréel. Me méfier de l'élévation comparative, la réelle, où vit mon esprit et agit mon soi connu ; me vouer à l'élévation superlative, l'imaginaire, où s'exile mon âme et rêve mon soi inconnu. | | | | |
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| proximité | | | La largeur de la mansuétude, la longueur de la longanimité, la profondeur de la grâce, la hauteur de l'espérance (St-Augustin) - cela permet bien de constituer une vraie Croix, mais seule la hauteur la distinguera d'une simple potence. | | | | |
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| proximité | | | St-Augustin et les protestants ont raison : personne ne peut trouver son chemin vers Dieu. Mais Dieu, visiblement, Lui aussi, s'en désintéresse. Il ne restent que des culs-de-sac, les pieds au repos et la position couchée, pour rêver cet abandon insondable. | | | | |
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| proximité | | | La grâce - une mélodie que le temps n'emporte pas. Dieu est « la saveur que n'émousse pas la voracité » - St-Augustin - « sapit quod non minuit edacitas ». | | | | |
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| proximité | | | Puisqu'on n'aime que ce qu'on ignore, l'amour de Dieu n'est pas si niais que ça ; et si l'on y ajoute la honte étrange, qui nous étreint, on commence à apprécier la dichotomie augustinienne : « L'amour de soi jusqu'au mépris de Dieu a fait la cité terrestre ; l'amour de Dieu jusqu'au mépris de soi a fait la cité céleste » - « Fecerunt itaque civitates duas amores duo : terrenam scilicet, amor sui usque ad contemptum Dei ; cœlestem vero, amor Dei usque ad contemptum sui ». Chez celui qui s'ignore, les deux termes s'équivalent, et la cité, dont on ne saurait plus percer l'origine, terrestre ou céleste, prendra la fière allure des ruines. | | | | |
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| proximité | | | Pour Ses créatures, Dieu ne serait ni but ni contrainte, mais - un moyen ; moyen d'aimer, par la foi, cette merveille de vie. St-Augustin m'aurait accusé d'hérésie : « Les bons usent du monde, pour jouir de Dieu ; les mauvais, pour jouir du monde, veulent user de Dieu » - « Boni quippe ad hoc utuntur mundo, ut fruantur Deo ; mali ut fruantur mundo, uti volunt Deo ». Mais dans Sa création, Dieu ne formulait, peut-être, que des contraintes : « La différence est peut-être plus vieille que l'être » - Derrida. | | | | |
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| proximité | | | Personne, ni le scientifique, ni le philosophe, ni le théologien, n'est plus près de Dieu que le poète. Ce que St-Augustin, Spinoza, Kant, les prix Nobel ou Fields développent autour de l'essence divine est d'un ridicule accompli et lamentable, tandis que l'intelligence divine est enveloppée par tout bel élan poétique, gratuit, incompréhensible et noble. | | | | |
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| proximité | | | Le Dieu de Spinoza, à l'infinité d'attributs, est aussi loufoque que le Dieu s'incarnant dans un fils de charpentier ou s'identifiant avec un marchand de tapis. Le Dieu inconnu, le seul, qui mérite nos louanges, est celui qui, premièrement, déposa en nous les germes du vrai, du bon et du beau et, deuxièmement, pour les percevoir, nous munit d'un cerveau, d'un cœur et d'une âme. « Dieu se connaît mieux en restant inconnu »** - St-Augustin - « Deus scitur melius nesciendo ». | | | | |
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| proximité | | | Dieu est peut-être Amour, mais on ne veut pas aimer l'invisible ; Dieu est peut-être Vérité, mais on ne doit pas connaître l'indicible ; Dieu est peut-être Création, mais on ne peut pas avoir Sa liberté. D'après St-Augustin : « Le sage est celui qui imite, qui connaît, qui aime Dieu » - « Dei imitatorem cognitorem amatorem esse sapientem », la sagesse n'est pas pour nous. | | | | |
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| proximité | | | Dieu ne se montre pas, ne montre rien et même me cache à moi-même. Mais le crédule continuera à prier : « Montre-moi moi-même à moi-même » - « Me ipsum mihi indica ». | | | | |
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| proximité | | | Il faut reconnaître, que l'esclave, ou le serviteur de Dieu, a plus besoin de sacré que l'homme libre. « Voulant rendre les hommes libres, il les rend sacrilèges »** - St-Augustin - « Dum vult facere liberos, fecit sacrileges ». | | | | |
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| proximité | | | Les fondateurs d'Églises : ses Pères - l'orthodoxie, Charlemagne - le catholicisme, Luther - le protestantisme ; recel de faux, faux, usage de faux - tout est prévu pour la rétractation et le verdict. Et chaque fois huit siècles séparent ces croires à former, comme huit siècles séparent les pensers du formé : Aristote, St-Augustin, Thomas d'Aquin, Wittgenstein. La prochaine étape serait donc un nouveau croire. Mais croire, en absence des âmes, est-ce encore croire ? Thomas d'Aquin comptait onze passions ; quatre siècles plus tard, Descartes n'en voyait plus que six ; encore quatre siècles, et bientôt nous n'en serons qu'à zéro. | | | | |
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| proximité | | | Au commencement humain était certainement la caresse, dédiée à l'épiderme, à la frontière, mais les Commencements divins sont quelque part dans les profondeurs de l'intelligence et dans les hauteurs de la noblesse. « Tu fus plus profond que mes profondeurs et plus haut que mes hauteurs » - St-Augustin - « Eras interior intimo meo et superior summo meo ». | | | | |
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| proximité | | | Pour S.Weil, la pesanteur et la grâce s'excluent, pour Mandelstam - se complètent : « Vous renvoyez les mêmes signes, sœurs-jumelles, - la pesanteur, la grâce » - « Сёстры тяжесть и нежность ; одинаковы ваши приметы ». Elles sont parallèles, pour St-Augustin : « Ce que la pesanteur est au corps, la grâce l'est à l'âme » - « Quod enim est pondus in corporibus hoc est charitas in spiritibus ». | | | | |
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| st augustin | | | Optimus minister tuus est, Deus, qui non magis intuetur hoc a te audire, quod ipse voluerit : sed patius hoc velle, quod a te audierit.
Le meilleur serviteur de Dieu est celui qui ne cherche pas à entendre de Lui ce qu'il souhaite, mais à souhaiter ce qu'il a entendu. | | | | |
| | proximité | | | Dans le premier cas on entraîne, au moins, l'oreille, dans le second on est sûr de devenir sourd. N'entendant rien du tout, est-il étonnant, qu'on souhaite n'importe quoi ? | | | | |
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| st augustin | | | Tres sunt ascensus : ascendimus ab istis ad nos, ab nos ad cor altum, ad Deum.
On s'élève de trois manières : des objets jusqu'à nous-mêmes, de nous-mêmes à l'âme haute et enfin à Dieu. | | | | |
| | proximité | | | Le séjour prolongé dans l'âme haute rend presque superflue la fréquentation et de notre étendue et de la divine profondeur, si translucides pour un regard hautain. Qu'est-ce que la hauteur ? - l'état d'esprit où chaque mouvement est ab initio. | | | | |
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| péguy ch. | | | Le catholique suit le monde ; les protestants dressent, chacun, ses propres poteaux indicateurs. | | | | |
| | proximité | | | « Il vaut mieux boiter sur la route que courir frénétiquement hors toute route » - St-Augustin - « Melius est in via claudicare, quam praeter viam fortiter ambulare ». Seul l'orthodoxe sait qu'il est perdu et suit, couché au bord d'un chemin oblique, les étoiles. Pour qu'elles dansent, il ne faut pas que nos pieds s'agitent, ni avec ni à contre-courant. | | | | |
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| russie | | | La pitié accompagne les gestes de tous les Russes, même des bourreaux russes. « L'esprit compatissant russe suspend ses jugements » - V.Woolf - « The compassionate Russian mind is inconclusive ». Le bagnard et le moujik s'en consolent, le voleur et le pochard s'en enhardissent, le juge et le législateur s'en découragent. « Sans justice, l’État n’est qu’une bande de brigands » - St-Augustin - « Sine justitia quid sit regnum nisi magnum latrocinium ». | | | | |
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| solitude | | | Le meilleur moyen de me libérer de la toile d'araignée sociale est de filer à l'anglaise. Tout geste abrupt réveille les arachnides et leurs instincts carnivores. Ne serait-ce que pour cela, la révolte et la colère devraient être les plus imperceptibles de mes sentiments. Il faudrait savoir transformer la bile jaune colérique en bile noire mélancolique et ne pas chercher à m'en laver. Ne sois pas fanfaron, « celui à qui le mal ne peut nuire » - St-Augustin - « cui nec malitia nocet ». Sans me dévorer, déjà leur présence est une nuisance pour mon âme : « Ils peuvent me faire périr, mais non pas me nuire » - Épictète. | | | | |
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| solitude | | | Leurs solitudes sont authentiques, transparentes et banales ; la mienne est inventée (comme le sont celles de St-Augustin ou de Pétrarque), opaque et truculente. Les leurs peuplent les parcs publics ; la mienne exhibe sa jungle, sur un tableau abstrait. | | | | |
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| solitude | | | Les Platon, Descartes, Hegel ont tant d'imitateurs, d'acolytes, de plagiaires, reproduisant le même contenu, les mêmes schémas, le même ton. Autour d'Héraclite, St-Augustin, Nietzsche – un vide ; aucune voix comparable, faussement solidaire, ne brouille le contact direct, sans intermédiaires, avec leur poésie, leurs passions, leur langue. La stature d'un grand se devine d'après la virginité d'accès à leur musique ; le brouhaha des minables (lärmendes Gezwirge – Nietzsche) se filtre et se réduit si facilement au silence. | | | | |
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| solitude | | | Le désert est notre destination commune ; pour le justifier ou glorifier, deux démarches : trouver les meilleures pistes ou les plus riches caravanes, ou bien faire voir des mirages, pour croire en oasis. « Dante ou la ligne droite ; Pétrarque ou le pointillé sans fin » - Paz - « Dante o la línea recta ; Petrarca o el continuo zigzag » - une minéralogie aboutissant à St-Antoine ; une passion menant à St-Augustin. | | | | |
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| solitude | | | Quand on dit, que nous sommes en dehors de nous-mêmes, le premier nous désigne le cerveau et le second - l'âme ou Dieu (selon St-Augustin) ; le premier évalue et le second juge ; le premier dialogue, le second est voué à la solitude ; le premier comprend - pige - le second, et le second comprend - inclut - le premier. | | | | |
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| solitude | | | Les contraintes, que tu t’imposes, te rendent indifférent pour presque tout ce qui agite la scène publique ; tu te mettras à dos tous tes contemporains. La solitude, qui en résulte, sera accompagnée de la haine que te vouera ton entourage. « Quand le monde nous voit dédaigner ce qu’il aime, il nous haïra, nécessairement » - St-Augustin - « Necesse est ut nos oderit mundus, quos cernit nolle quod diligit ». | | | | |
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| souffrance | | | Les plus impressionnants des triomphes ne se font pas à l'ombre des épées, mais en clarté des massues ; regardez Héraclès et Zarathoustra, profanateurs de l'arbre, que sanctifièrent les défaites du Christ et de Manès. Aimer l'arbre, où l'on expire : « J'aimais ma mort, j'aimais ma faiblesse » - St-Augustin - « Amavi perire, amavi defectum meum ». | | | | |
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| souffrance | | | Le rêve est hors du temps ; c’est pourquoi il est hors la réalité et près du mystère. Mais l’irruption du temps affaiblit le rêve, et son redressement s’appelle espérance. « J’appelle miracle tout ce qui est au-dessus de l’espérance »** - St-Augustin - « Miraculum voca quidquid supra spem apparet ». | | | | |
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| souffrance | | | Pour l’homme mortel, les produits principaux de l’esprit sont une vérité désespérante ou un vrai désespoir. Sans secours de son âme, l’homme est perdu. Mais il y a des fous, qui comptent sur une drôle de perfection de l’âme : « L’âme est parfaite, lorsqu’elle est soumise à l’esprit » - St-Augustin - « Est animae natura perfecta, cum spiritui suo subditur ». | | | | |
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| st augustin | | | Misericordia, hac una causa amantur dolores.
La compassion, c'est la seule cause qui fait aimer les douleurs. | | | | |
| | souffrance | | | L'amour tout court en est une autre : « Ce n'est pas toi que j'aime, j'aime ta souffrance » - Chostakovitch - « Не тебя люблю, страдание твоё люблю ». Si la douleur est pierre de touche des asiles, elle est aussi pierre angulaire des tours d'ivoire, pierre d'achoppement de la foi, pierre tombale des ruines. | | | | |
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| st augustin | | | Fruimur enim cognitis, utimur quo fruendum est. Nec est alia vita hominum vitiosa quam male utens et male fruens.
Tous nos malheurs viennent de ce que nous nous réjouissons de ce dont nous aurions dû nous servir, et nous nous servons de ce dont nous n'aurions dû que nous réjouir. | | | | |
| | souffrance | | | Enchantement des fariboles, désenchantement des auréoles. | | | | |
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| vérité | | | Plus que la vérité elle-même, on devrait apprécier ce qui élève au rang de vérité ou en prive, c'est-à-dire les instruments, qui créent des langages et des modèles de la réalité. L'homme est davantage instrument que dépositaire de la vérité, et St-Augustin a tort : « La vérité habite à l'intérieur de l'homme » - « In interiore homine habitat veritas ». | | | | |
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| vérité | | | Exposer « la vérité de sa nature » (Juvénal, St-Augustin, Abélard, Rousseau, Wittgenstein), ou s'inventer dans des convulsions de la honte (Dostoïevsky, Kafka, Cioran) - les seconds me convainquent davantage de leur authenticité (подлинный-authentique, en russe, ne signifie-t-il pas arraché sous la torture ! Et toute confession digne de notre intérêt devrait s'appeler Historia calamitatum). | | | | |
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| vérité | | | Impossible de parler du vrai en absence d'une requête, articulée dans un langage et interprétée dans le contexte d'un modèle, les deux se trouvant hors de tout être (St-Augustin) et de tout étant (Thomas d'Aquin). | | | | |
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| vérité | | | Dans l'intelligible, ce qui nous est commun, donc ce qui n'est qu'une intersection, est nécessairement plus pauvre, que ce qui nous est imparti en propre. Et la vérité n'est qu'un attribut de l'intelligible. St-Augustin ne veut pas le voir : « Quand nous voyons, l'un et l'autre, le vrai, où le voyons-nous ? - dans l'immuable Vérité, au-dessus de nos intelligences » - « Si ambo videmus verum, id videmus ? - ambo in ipsa quae supra mentes nostras est incommutabili veritate ». | | | | |
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| vérité | | | La philosophie devrait apprendre à l'homme de rester désarmé face au mystère du monde, pour s'en étonner, mieux et plus. Toutes les vérités intéressantes y sont du fait des scientifiques ; aucune contribution des philosophes n'y est à noter ; aucune application notable des méthodes de recherche de la vérité, de Descartes, Kant ou Heidegger, censées nous armer, ne fut jamais signalée. Héraclite, Sénèque, St-Augustin leur restent supérieurs, puisque, n'étant pas intellectuels, ils cherchent surtout à nous séduire. « Le propos de l’intellectuel n’est pas de séduire, mais d’armer » - R.Debray – ces armuriers ne sont bons, aujourd'hui, que pour les combats de robots. | | | | |
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| vérité | | | Tout se met à parler dans l'univers, dès que je le chante. Mais aussi bien les oreilles bien accommodées que le don de prosopopée sont rares. Pour qu'on y entende le Verbe ou/et lise la vérité, les oreilles et les yeux doivent maîtriser les bons alphabets ou solfèges, c'est à dire devenir l'âme et l'esprit, ces vrais maîtres d'interprétations libres. Quand on maîtrise la vérité, on n'aime que le Verbe, quoiqu'en dise St-Augustin : « aimer non pas les paroles, mais la vérité dans les paroles » - « in verbis verum amare, non verba ». | | | | |
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| vérité | | | Je passe, inévitablement, par la tentation du sophisme - un jour je me dirai : je prouve tout ce que je veux. Mais deux constats finissent par m'en éloigner : primo, quand à ma conviction s'ajoute mon adhésion, et la réalité, miraculeusement, s'y plie (aléthéia d'Aristote, adaequatio rei et intellectus de St-Augustin et d'Averroès, verum et factum reciprocantur de G.B.Vico, l'harmonie préétablie dans l'âme entre la représentation et l'objet de Leibniz, ce qui est rationnel est réel de Hegel - was ist wirklich ist vernünftig, la parole va à l'être, car elle en vient de Heidegger - das Wort geht zum Sein weil es vom Sein herkommt), le significatif rejoignant le formel ou s'y refusant dans l'irrécusable perplexité de Zénon d'Élée ; secundo, quand je comprends, que le choix des choses à prouver joue le rôle des contraintes, que ne s'imposent que le bon goût et la noblesse. | | | | |
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| vérité | | | Aucune image verbale, picturale, intellectuelle ne peut coïncider, en tout point, avec la chose réelle visée. Il est même absurde de parler de coïncidence, ou d’adéquation, puisque le réel et le représenté sont incommensurables. St-Augustin : « Mentir, c’est avoir une chose dans l’esprit et en énoncer une autre » - « Ille mentitur, qui aliud habet in animo, et aliud enuntiat » - confirme, involontairement, que, d’après leur définition stupide de la vérité comme adéquation, nous sommes des menteurs permanents, et personne n’y échappe. | | | | |
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| thomas d'aquin | | | Veritas est adaequatio intellectus et rei.
La vérité, c'est l'accord entre les choses et la raison. | | | | |
| | vérité | | | Depuis St-Augustin, on cherche à nous contenter de cette veritas optima, une merveille hors la raison, tandis que veritas vera, la seule vérité, ne quitte jamais la raison et ignore les choses. La pensée veut exprimer les choses, en s'imprimant dans les mots : l'arbre intelligible, s'unifiant avec l'arbre sensible, en se servant de l'arbre logique – trois univers qui ne se touchent guère. L'objet est dans le modèle conceptuel, l'affirmation - dans le modèle linguistique, la vérité - dans le modèle logique. Et cet accord, ces va-et-vient entre ces modèles, est proprement ce qu'on appelle le sens. Dans le meilleur des cas, il est adaequatio iubilationis et intellectus (Nietzsche) ! | | | | |
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| stendhal | | | Je tremble toujours de n'avoir écrit qu'un soupir, quand je crois avoir noté une vérité. | | | | |
| | vérité | | | Des vérités se notent et se prouvent par de basses machines. Le soupir est une belle cible des plumes hautes. Je tremble pour tes soupirs restés muets ! Je me moque de tes vérités bavardes. « Ce n'est pas nos voix que Dieu écoute, mais nos passions »** - St-Augustin - « Non vocem, sed affectum audit Deus » - un grand Muet, qui écoute, est toujours préférable à un grand Sourd, qui, soi-disant, parle. | | | | |
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| levinas e. | | | La vérité signifie l'adéquation entre la représentation et la réalité. | | | | |
| | vérité | | | Plus précis que St Augustin et G.B.Vico (la représentation -> l'intellect), mais y garder la réalité informalisable (la vérité étant toujours formelle) est aussi creux. La vérité réside entièrement dans la représentation, interrogée par un langage. La validation (que vous appelez vérité) de nos modèles est affaire d'intuition intellectuelle, hors de tout formalisme. Heidegger appelle le fond de cette validation - l'être, qu'il identifie avec la validation même : « Sein und Grund sind das Selbe ». | | | | |
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