Custine A.
 
 
 

mot
Avant d’adopter, en français, le ton funèbre et le style salonnard, Cioran produisit un beau chant du cygne à sa langue maternelle, dans son plus rigoureux et le plus beau livre – de la France ! Passé complètement inaperçu, il dépasse pourtant Germaine de Staël (de l’Allemagne) en profondeur et Astolphe de Custine (la Russie en 1839) en culture.
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russie
L'Orient - pays des toits, l'Occident - pays des murs, la Russie - pays des façades (Custine). Pour celui qui tient à la hauteur des ruines ou à la profondeur des souterrains, le dernier cadre paraît être le plus prometteur.
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russie
Les plus grandes actions russes viennent des plus grands rêves et non pas des calculs : le processus fascine le Russe plus que le but. « La Russie : c'est un pays, où l'on peut faire les plus grandes choses pour le plus mince résultat » - Custine. Les Russes usent de plusieurs sortes de balances pour peser leurs résultats. Celle que tu as lue, la seule connue par ailleurs, la marchande, n'est peut-être pas la plus consultée dans ce pays de démesure. Ici, on chante ce qu'on peut faire, comme d'autres « dansent ce qu'ils veulent dire » (Nietzsche) - à vous le récit et le devoir.
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russie
La Russie est un « pays des passions effrénées ou des caractères débiles, des révoltés ou des automates, sans intermédiaire entre le tyran et l'esclave » - Custine - les Russes les retrouvent, en effet, dans chacun de nous. Votre vie servirait à justifier le tyran, qui point en vous, et à en cacher le ressort d'esclave.
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russie
L'Asie - contenu sans forme ni vie ; l'Europe - forme et contenu sans vie ; Russie - vie sans contenu ni forme, l'« Empire des catalogues, une collection d'étiquettes » (Custine). La vitalité fluide russe peut remplir tout vase, sans en garder ni le fond ni la forme d'aucun.
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russie
Quelques mois de séjour, en Amérique ou en Russie, suffirent à A.Tocqueville et au marquis de Custine, pour avoir des révélations, intuitives et irréfutables, sur la nature vicieuse d’une démocratie ou d’une tyrannie, pratiquées par des robots ou des esclaves.
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russie
Des tyranneaux en puissance existent partout, mais dans les pays démocratiques, la loi limite leurs appétits. Les lois étant excessivement élastiques dans la Russie de l’arbitraire général, chaque esclave peut trouver un domaine – familial, social, professionnel – où il puisse exercer, en toute impunité, ses lubies tyranniques, il devient tyranneau en acte, il « expie, par une soumission avilissante, l’espoir d’exercer la tyrannie chez les autres » - Custine. Si un Russe n’est pas esclave, il n’est pas tyran, mais c’est un cas rare.
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solitude
Le monde de mon enfance n'était pas fait par l'homme ; y régnaient l'arbre et l'ours. Les manifestations humaines n'y furent que l'horreur et la hideur. « Ce sont des ours façonnés qui me font regretter les ours bruts » - Custine. Appartenir à ce monde énigmatique me remplissait d'une joie diurne, humble et pieuse. Depuis, je vis dans un monde, fait exclusivement par l'homme civilisé, au goût irréprochable, dans la transparence et la gentillesse ; l'arbre y céda sa place à la forêt et, ensuite, au parc ; l'orgueil et l'incroyance s'insinuent dans mes intranquillités mécaniques, pour mieux souligner mon inappartenance à ce monde.
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souffrance
Une souffrance est plus souvent profanée par des métaphores qu'elle n'est sacrée par quelques formules rhétoriques. Le marquis de Custine, expert en colifichets verbaux, confondrait la souffrance jusqu'avec la didactique : « Les Russes ont l'habitude et non l'expérience du malheur » - pourtant, les Russes sont aussi bigrement performants en bonheur, sans y être compétents.
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vérité
Le vrai n'est ni dans les choses ni dans les rêves, il est dans les mots suspendus au-dessus d'une représentation et interprétés par la raison. Mais l'âme, elle aussi, veut parfois se mêler de la véracité, et alors on dit que « les rêves sont plus vrais que les choses : car il y a plus d'affinités entre les fantômes de l'imagination et l'âme, qui les produit, qu'entre cette âme et le monde extérieur » (Custine). La raison ne s'occupe que du langage, c'est l'âme qui fait adhérer à ce qui y prend forme.
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Custine A.