Hölderlin F.
 
 
 

action
Recours à la force est toujours rejeté par la sagesse, comme instrument toujours pipé, comme condition toujours sine qua si quand même, la force réduit aux gémonies ce qui ne progresse pas, c'est-à-dire ce qui est éternel. « Cet état d'extrême simplicité où, sans notre action, nos besoins harmonisent avec nos forces » - Hölderlin - « Ein Zustand der höchsten Einfalt, wo unsere Bedürfnisse, ohne unser Zutun, mit unseren Kräften gegenseitig zusammenstimmen ».
éternité,force,idée,ordre,philosophie,simplicité

action
L'action, la réflexion, l'image modernes débordent d'extériorité ; finie, la race d'Empédocle, de Hölderlin ou de R.Char, qui vivait de « l'excès d'intériorité ».
création,raison,soi,voix

hölderlin f.
O hätt ich doch nie gehandelt ! um wie manche Hoffnung wär ich reicher !

Que n'ai-je pu n'agir jamais ! De combien d'espérances ne serais-je pas plus riche !
action
Les espérances sont la petite monnaie des besogneux et les pépites des teigneux. Mais, en même temps, il faut garder intact le trésor des désespérances, ne pas les céder à la vie usurière !
espérance,vie

amour
La force de l’amour se mesure par la sincérité et la beauté de l’hymne à ta faiblesse, puisque tu dois être esclave de ce penchant divin. « Je croyais que, pour aimer l’autre, je devais renoncer à ma liberté. Finalement, je sens, que la plénitude de l’amour n’est que dans la plénitude de la force » - Hölderlin - « Ich meinte, um die Menschen zu lieben, müßte ich die eigene Freiheit verlieren. Ich fühle es endlich : nur in ganzer Kraft ist ganze Liebe ». Poète, à tes débuts, tu devins philistin, sur le tard.
beauté,dieu,enfance,force,liberté,mouton,poésie

racine j.
Le jour n'est pas plus pur que le fond de mon cœur.
amour
Le fond de ce vers est bancal, sa forme - monotone et monosyllabique, mais sa musique est irrésistible. Le romantisme naissant enchaînera : « L'ombre de la nuit étoilée n'est pas plus pure » - Hölderlin - « Reiner ist nicht der Schatten der Nacht mit den Sternen ».
ange,cœur,inconnu,musique,ombre,romantisme,style

hölderlin f.
Wer am tiefsten denkt, liebt am lebendigsten.

Qui pense dans la profondeur, aime dans l'ardeur.
amour
Qui aime dans l'ardeur, rêve dans la hauteur. Le talent, c'est l'art de mise en marche de l'ardeur, avec des aliments sélectionnés par la noblesse.
esprit,hauteur,noblesse,rêve,sentiment

art
Les plus ambitieux visent la fusion langagière du statufié et de l'exalté : Heidegger, avec ses révérences à Sophocle et Hölderlin, fait chou blanc dans un langage pourtant naturel ; Cioran, avec Valéry et Nietzsche en références, tire son épingle du jeu dans un langage entièrement inventé.
artificiel,création,langue,sentiment,style

art
Les ratés en tout genre sont ceux qui se prennent pour les meilleurs poètes parmi les géomètres ou pour les meilleurs géomètres parmi les poètes (les marchands mêlés) ; ce qui leur ouvrirait, à la fois, l'entrée de l'Académie et la sortie de la Caverne. Le succès n'attend que près de l'Agora, au Portique ou dans un tonneau. « Si tu as du cœur et de l'esprit, n'en montre qu'un seul » - Hölderlin - « Hast du Verstand und Herz, so zeige nur eines von beiden ». Quand ils vont ensemble, pourtant, ils ne font qu'un, qui s'appelle âme ; il faut l'avoir bien timide, pour dire qu’il fasse sablier avec le cerveau ou « quand la pensée naît, le désir meurt » - G.Bruno - « nascendo il pensier, more il desio ».
âme,cœur,défaite,école,élan,esprit,intelligence,mouton,raison,ruines

art
La prouesse de la hauteur cioranique : pris par son vertige, j'oublie que sa langue est du XVIII-ème siècle, ses thèmes - du XIX-ème, son ton - du XX-ème. Si les cadences du siècle me sont étrangères, c'est dans le passé que je dois m'incruster (le seul autre exemple réussi, qui me vient à l'esprit, est celui de Hölderlin) ; ceux qui soi-disant dépassent leur siècle et sont chez eux dans l'avenir se retrouvent, d'habitude, hors toute vie. « Quant à sa plus haute destination, l'art reste une chose du passé » - Hegel - « Die Kunst bleibt nach der Seite ihrer höchsten Bestimmung ein Vergangenes ».
auteur,hauteur,langue,modernité,temps,vie

art
Le talent s'attache au bon, mais le génie vise le meilleur, qui reste pourtant invisible et inaccessible ; c'est cette cible que je dois rendre présente, tout en ne montrant que la puissance de mes cordes. « Je rate la mesure que je vise ; seul un Dieu se doute de mon désir de mesurer le meilleur »** - Hölderlin - « Nie treff ich, wie ich wünsche, das Maß. Ein Gott weiß was ich wünsche, das Beste ». C'est la volonté finale qui prend le dessus sur le désir des commencements : « Choisir non seulement le bon, mais le meilleur, est une loi de notre volonté » - J.G.Hamann - « Die Wahl nicht nur des Guten, sondern des Besten, ist ein Gesetz unseres Willens » - heureusement, on s'aperçoit, ensuite, que le meilleur est toujours, en soi, - un commencement.
auteur,balance,commencement,création,dieu,élan,flèche,inconnu,valoir

art
Maîtriser le feu (Prométhée) ou le chanter (Orphée) ? - dans les deux cas, on finit mal : soit on vous dévore, soit vous vous dévorez par votre propre feu : « Être dévoré par les flammes, pour expier la faute de n’avoir pas su les dompter » - Hölderlin - « Von den Flammen verzehrt, büsst er sie, die er nicht zu bändigen vermochte ».
création,danse,éléments,maîtrise,mort

art
Dans l’art (musical, philosophique, poétique), il y a trois sortes d’intuition, qui peuvent réveiller un génie imprévisible, – l’inconsciente, la profonde, la hautaine. La première famille – Bach, Mozart, Tchékhov ; la deuxième – Kant, Rilke, Valéry ; la troisième – Byron, Hölderlin, Nietzsche. L’homme, c’est-à-dire le maître, n’y est presque pour rien ; c’est une étincelle divine qui illumine leurs œuvres. La conscience, la profondeur, la hauteur, sans intuition, n’aboutissent à la beauté que grâce à la sobre maîtrise de l’homme, avec un talent purement humain et qui ne serait qu’un instrument auxiliaire.
beauté,dieu,esprit,hauteur,hommes,inconnu,maîtrise,musique,philosophie,poésie,…

bien
La honte face au Bien inaccessible, le sacrifice au nom du beau - ce sont nos faiblesses ; tandis que tout usage de notre force est banal et presque mécanique : « L'originel ne peut apparaître que dans la faiblesse »** - Hölderlin - « Das Ursprüngliche kann nur in seiner Schwäche erscheinen ».
beauté,force,honte,platitude,robot,sacrifice

hölderlin f.
Du führtest sie zur Freiheit, und sie dachten an Raub.

Tu les guidais vers la liberté, ils songeaient à la rapine.
cité
Puisqu'ils étaient plus purs que toi ! Dans la vraie liberté, le don ou le vol suivraient des lois non-marchandes. Regardez ceux, qu'on menait vers le monde des transactions, - ils atteignirent triomphalement la liberté, celle des marchands.
ange,argent,défaite,liberté,maîtrise

doute
Ce que je cherche est absurde, ce que je trouve est lumineux (« je suis ce que je cherche » - Hölderlin - « Was ich suche, ist alles » ! Picasso : « Je ne cherche pas, je trouve » - j'invente ! - ce que je crée m'apprend ce qu'est la création). La recherche même est diabolique comme activité (ressource d'algorithmes), divine comme objet (source de rythmes). La mise en hauteur de la recherche, la mise en couleur des trouvailles - recettes pour les yeux, redoutant le terre-à-terre et la grisaille.
absurde,auteur,hauteur,mal,musique,ombre,platitude,regard,robot,voix

doute
Dans notre Ouvert humain, tant de suites de pensées, d'images ou d'émotions, qui tendent vers notre commencement miraculeux ou vers notre fin abyssale, et aboutissant, toutes, aux valeurs-limites hors de nous, inspirant l'amour ou la terreur. Mais, contrairement à ce qu'en pense Hölderlin, ces deux bornes s'ignorent.
amour,commencement,erreur,frontière,idée,mystère,ouvert,sentiment,soi,style,…

doute
Mes contraintes - les points d'indifférence ; mon but - le centre de gravité intouchable ; entre les deux - tantôt mon Ouvert (Hölderlin, Rilke et Heidegger) tantôt mon Fermé (Valéry) - mes moyens d'artiste : la hauteur et les rythmes de mes circonférences.
art,contrainte,frontière,hauteur,maîtrise,musique,ouvert

doute
Ce qui doit être Ouvert en nous, c'est notre désir, plutôt que notre regard, dont les frontières, verbales ou mentales, sont condamnées à nous appartenir. Et, au lieu d'y propager les lumières des autres, il vaut mieux y porter ses propres ombres. Corrections à apporter à Hölderlin : « Être une lumière ouverte, pour le regard ouvert » - « Dem offenen Blick offen der Leuchtende sein ».
élan,frontière,ombre,ouvert,regard,voix

doute
Le poète, inondé de lumière, projette des ombres. Dès que lui, dans ses émissions, se met au service des lumières, il devient journaliste. Mais faute de lumière extérieure, il doit éteindre ses ombres.« Si le royaume des ténèbres fait irruption, alors, jetons nos plumes sous la table » - Hölderlin - « Wenn das Reich der Finsternis mit Gewalt einbrechen will, so werfen wir die Feder unter den Tisch », mais ne vous transformez pas en guerriers, ils finiront toujours dans la grisaille : « Pour coudre les pantoufles rien ne vaut les bottes ! » - Goethe - « Aus Stiefeln machen sich leicht Pantoffeln ».
action,lutte,ombre,poésie

doute
Le doute même figurant dans l'arsenal du vulgaire, la noblesse me paraît de plus en plus désarmée. « N'avance que désarmé » - Hölderlin - « Wandle nur wehrlos ». Je finis par chercher la noblesse partout, où pointe une quelconque capitulation. Surtout, face à un rêve : ne substitue pas à la vie - un rêve, mais recrée-la par ton rêve ; que ton imaginaire triomphe du réel, en se mettant à sa hauteur !
auteur,défaite,hauteur,noblesse,platitude,réalité,rêve,vie

doute
Les commencements et les fins : la fontaine, les canalisations, l'eau courante - mystère, problème, solution - pureté, filtre, désinfection - commencement, calcul, consommation. « Le mystère est dans le pur jaillissement » - Hölderlin - « Ein Rätsel ist Reinentsprungenes ».
ange,commencement,filtre,mystère,soif

hommes
L'angoisse des échéances de l'avoir les empêche de suivre la joyeuse « déchéance de l'être » - Heidegger - « Verfallenheit des Daseins ». Qui, même, peut être mise en musique (« L'être est dans le chant » - Rilke - « Gesang ist Dasein »). Mais leur esprit n'attise que la soif de la puissance ; chez les poètes, « c'est dans le chant que souffle leur esprit »** - Hölderlin - « im Liede wehet ihr Geist ».
angoisse,argent,danse,défaite,être,force,maîtrise,musique,poésie,sentiment,…

hommes
La « pensée de Midi » (Camus) m'est étrangère, je suis un homme du Nord. Le Midi, c'est la faconde en continu ; le Nord, c'est le rêve en pointillé. Avec des transfuges : Leopardi, Valéry ou Borgès, s'il le faut. En reniant, à contrecœur, les congénères : J.Donne, Hölderlin ou Pouchkine. Quand on est porteur des ardeurs autonomes, le Borée capricieux et froid les accompagne mieux que le Zéphyr constant et douceâtre. Suivre son Étoile du Nord et porter sa Croix du Sud. « Inondé de mystère, cette lumière boréale de l'âme » - S.Zweig - « Überlichtet von Geheimnis, Nordlicht der Seele » - c'est sous cette lumière discrète de l'âme que naissent les meilleurs jeux d'ombres de l'esprit.
âme,auteur,continuité,étoile,exil,ombre,rêve

hommes
Il faut reconnaître cette terrible évidence : les heures étoilées de l'humanité (die Sternenstunden der Menschheit - S.Zweig) sont derrière nous, comme l'est son printemps, avec un culte des fleurs, - nous traversons un morne automne, dédié à la commercialisation de fruits. C'est le jaunissement des mots qui nous l'annonce, des mots, qui tombent tels produits consommés ou périmés ; ils oublièrent la fraîcheur native des sources : « Des mots doivent, comme des fleurs, jaillir » - Hölderlin - « Worte müssen, wie Blumen, entstehn ».
commencement,étoile,intensité,mot,temps

hommes
Un nationalisme réfléchi, en littérature comme en politique, est toujours abjecte ; seul un nationalisme pulsionnel est pardonnable (Hölderlin, dont les firmaments anxieux me sont chers, ou bien Dostoievsky, chez qui tout n’est que pulsion). Un cosmopolitisme n’est bon que réfléchi, surtout chez les polyglottes (Nabokov ou G.Steiner, deux auteurs, dont les horizons me sont les plus proches) ; pulsionnel, chez les monoglottes, il ne traduit qu’un artifice de l’âme et une froideur de l’esprit.
âme,angoisse,auteur,élan,esprit,hauteur,langue,proximité,raison

hölderlin f.
Handwerker siehst du, aber keine Menschen, Priester, aber keine Menschen, Herrn und Knechte, aber keine Menschen.

Tu vois des artisans mais pas les hommes, des prêtres mais pas les hommes, des maîtres ou esclaves mais pas les hommes.
hommes
L'humanité progressa : je vois partout des hommes in genere, je ne trouve plus l'homme in speciem. La maîtrise technique supplanta la prêtrise organique.
liberté,maîtrise,mouton,platitude,retour,robot,universel,voix

hölderlin f.
Es ist fast nicht möglich, unverhüllt die schmutzige Wirklichkeit zu sehen, ohne selbst darüber zu erkranken.

Comment regarder à nu cette réalité pourrie, sans en tomber malade ?
hommes
D'autres eurent ce courage, la réalité devint saine et presque insipide, et c'est toi, le malade, qu'elle refuse désormais d'accueillir. Quand je vois l'absence de toute vie dans l'imaginaire moderne aseptisé, j'admets, que la réalité est nettement plus saine. Le moins pourri est celui qui se (re)connaît incurable.
audace,réalité,soi,souffrance,vie

intelligence
Les acrobaties verbales dont les creux font leur miel : rien n'est tout (polyphonistes), rien n'est pas tout (anti-néantistes), tout est rien (nihilistes), tout n'est rien (fragmentaires), tout n'est pas rien (monistes). On peut même bâtir un étage de plus : « Ce qui ne m'est pas tout, ne m'est rien » - Hölderlin - « Was ist mir nicht Alles, ist mir Nichts ». C'est un autre poète, qui s'avère être meilleur logicien : « Rien n'est rien » (tout est quelque chose), bien que rien n'est pas rien soit encore plus subtil : même l'absence de certaines choses peut servir à éclairer la présence des autres. Pour aggraver ces insipidités, tout en pensant de les épicer, certains y fourrent du vrai : Le Vrai est le Tout (Das Wahre ist das Ganze - Hegel) ou Le Tout est le non-Vrai (Das Ganze ist nicht das Wahre - Adorno).
être,fanatisme,mot,négation,nihilisme,platitude,philosophie,vérité

intelligence
La science commence et finit dans la réalité, matérielle ou humaine. Au milieu - la mécanique universelle. La philosophie commence et finit dans la poésie. Au milieu - l'homme existentiel. « La poésie est le début et la fin de la philosophie »**** - Hölderlin - « Die Dichtung ist der Anfang und das Ende der Philosophie ». Mais la philosophie des débuts et des fins est plus réelle que la réalité.
commencement,esprit,matière,philosophie,poésie,réalité,robot,science,universel

intelligence
Le regard, c'est à dire le visage, est ce qui déborde, dépasse ou vivifie un savoir objectif et une ignorance subjective, tout en en restant solidaire ; il en serait l'unité de l'unification (die Einheit des Einigens - Hölderlin), une puissance au service d'une faiblesse, l'intelligence soumise à la musique.
arbre,esprit,force,musique,regard,savoir,voix

intelligence
Au commencement, il faut tout oublier ; mais l'esprit n'en est pas capable ; l'esprit, s'attaquant aux commencements s'appelle âme : « Dans le commencement, l'esprit n'est pas chez lui ; il aime des colonies » - Hölderlin - « Zu Haus ist der Geist nicht im Anfang : Kolonie liebt der Geist » - l'esprit vit de conquêtes, en pays étranger ; l'âme, c'est notre patrie.
âme,commencement,esprit,exil,mémoire

heidegger m.
Das dichtend Gesagte und das denkend Gesagte sind zuweilen das Selbe, wenn die Kluft zwischen Dichten und Denken rein klafft, während das Erste hoch und das Zweite tief sind.

Le poète et le penseur disent parfois la même chose, lorsque l'abîme entre poésie et pensée reste béant ; ce qui arrive, quand la poésie est haute et la pensée profonde.
intelligence
« Sur des sommets séparés à jamais, s'interpellent le poète et le penseur »* - Hölderlin - « Der Dichter und der Denker winken einander zu, auf getrenntesten Bergen ». Et pour préserver le béni néant volumique, on y adjoindra une étendue nulle, par compression du devenir au profit de l'être, dans un Retour Éternel de l'Un broyant le temps discriminateur.
art,esprit,éternité,être,hauteur,idée,philosophie,poésie,raison,retour

ironie
Une curieuse déviation des plus impétueux des poètes, esclaves de leur noblesse - Byron, Hölderlin, Lermontov - la litanie pour la liberté et la paix.
angoisse,art,liberté,noblesse,poésie

ironie
La tour de Hölderlin : trois vues temporelles, par trois fenêtres, - la source, la vie, la chute ; la tour de Montaigne : trois niveaux spatiaux - la vie, le rêve, la création ; la tour de V.Ivanov : trois castes – le bourgeois, l’aristocrate, l’artiste ; la tour de Rilke : trois hauteurs – la montagne, l’arbre, l’ivresse.
allemagne,arbre,création,france,hauteur,temps,vie

mot
En dessinant, produire du chant - tâche du mot à portée seulement des meilleurs interprètes ; la langue est là, pour « porter le sens et le chant » - Hölderlin - « deuten und singen ». Les mots substitués aux taches et sons, pour générer un arbre unificateur - « échange pur autour de son essence » - « um das eigne Sein rein eingetauscht », comme l'appelle Rilke. La naissance de cet arbre est fascinante, puisque la loi de son espace est dictée par le caprice de son temps : « Tout signe linguistique se positionne sur deux axes : celui de la simultanéité et celui de la succession » - R.Jakobson - « Every linguistic sign is located on two axes : the axis of simultaneity and that of succession » - notre interprète linguistique débrouille tant de voisinages imprévisibles et de renversements de chronologie (dus aux précédences des opérateurs linguistiques), avant de former des racines, des ramages et des canopées.
arbre,axe,danse,être,interprétation,langue,musique,proximité,temps

mot
Le langage résulterait d'un débordement (Hölderlin avec Heidegger) ou d'un vide (Mallarmé avec Badiou) - pas de contradiction entre les deux : les émotions naissant dans l'élément liquide et les pensées - dans l'aérien.
éléments,intensité,langue,négation,sentiment,vide

mot
L'Ouvert, en allemand (das Offene), signifiait jadis (par exemple, pour Hölderlin) - une libre nature, une hauteur montagnarde ; avec Rilke, le mot prit un sens mystique de l'appel des sources ; Heidegger lui donna une tournure topologique, avec le désir des frontières infinies ; enfin, Celan : « L'Ouvert est un domaine sans frontières, où l'homme se libère de lui-même » - « Das Offene ist der grenzenlose Bereich menschlicher Selbstbefreiung » - confond ce qui est sans frontières (l'infini) avec ce qui n'inclut pas ses propres frontières (l'ouvert mathématique ou lyrique que retinrent les commentateurs français). Chez Heidegger, la confusion avec le verbe ouvrir fait de l'Ouvert une espèce d'aléthéia - des mises en lumière de ce qui aurait été dissimulé.
allemagne,élan,france,frontière,grèce,hauteur,inconnu,liberté,mystère,nature,…

mot
La langue a un double rapport : à l'art et au savoir, d'où ses deux manifestations - le style et la quête. Elle est active et créatrice, sur la première facette, passive et subordonnée - sur la seconde. La représentation, implicite ou fantomatique, fait que la langue touche au réel toujours à travers le voile des concepts ou images, qui, à leur tour, en attendent l'écho : « La connaissance pressent la langue, comme la langue se souvient de la connaissance »** - Hölderlin - « Wie die Erkenntniß die Sprache ahndet, so erinnert sich die Sprache der Erkenntniß ».
art,création,idée,langue,question,représentation,savoir,style

mot
Hölderlin et Heidegger ont tort d'opposer le pathos sacré de la quête grecque à la sobriété junonienne du don de représentation - ce sont deux dons incomparables, l'un artistique et l'autre intellectuel, l'un langagier et l'autre conceptuel. Nietzsche trouve une opposition plus juste entre deux types d'art, entre deux genres de pathos : Apollon et Dionysos (ou Raphaël et Michel-Ange).
art,grèce,idée,langue,représentation,sacré,sentiment

mot
La langue de philosophie, c'est le français, comme la langue de poésie, c'est l'allemand. La logomachie française pousse à soigner la ligne sémantique, musicale, du discours ; la logomachie allemande favorise le goût de l'édifice syntaxique structurel. La morphologie indigente du français oblige à créer des concepts avant les mots ; la morphologie allemande invite à créer des mots avant les concepts. Les contraintes vaincues expliquent souvent le succès intellectuel ; c'est pourquoi la meilleure philosophie française est poétique (Pascal ou Valéry) et la meilleure poésie allemande est philosophique (Hölderlin ou Rilke).
allemagne,contrainte,création,france,idée,langue,musique,philosophie,poésie

hölderlin f.
Die Sprache ist ein großer Überfluß. Das Beste ruht in seiner Tiefe.

La parole est une franche fuite : le meilleur de nous reste dans sa profondeur.
mot
Seuls les meilleurs jaillissements laissent en deviner la hauteur. C'est mieux vu que Hofmannsthal : « La langue est tout ce qui reste à celui qui est privé de sa patrie. Mais la langue, il est vrai, contient tout » - « Die Sprache ist alles, was einem bleibt, der seine Heimat entbehren muß. Aber sie enthält auch alles ».
exil,hauteur,intensité,langue,soi,vide

hölderlin f.
Ein Zeichen sind wir, deutungslos. Schmerzlos sind wir und haben fast die Sprache in der Fremde verloren.

Un signe, tels nous sommes, dépourvus de sens. Sans douleur nous sommes ; et, dans l'étrangeté, presque perdîmes le langage.
mot
Le sage est dans l'image, et le poète - dans la requête ; représenter avant d'avoir trouvé le langage et d'interpréter ; chanter avant d'avoir trouvé le sens, avant la pitié et avant la honte.
art,danse,exil,honte,interprétation,langue,philosophie,pitié,poésie,souffrance,…

wittgenstein l.
Wovon man nicht sprechen kann, darüber muß man schweigen.

Ce dont on ne peut parler, il faut le taire.
mot
Pour un condisciple de Hitler et un serviteur de Staline (avec d'autres Apôtres de Cambridge), c'est une sage précaution (prise, avec la même élégance, par les camarades Kojevnikov et Hemingway). En sens inverse, le silence, peut-il avoir une projection verbale ? - pour chercher « un mot à l'image du silence » - Celan - « ein Wort nach dem Bilde des Schweigens ». Malheureusement, « là où manque le verbe, parle l'action » - Goethe - « wo die Worte fehlen, spricht die Tat ». La philosophie serait décidément de la poésie : « Le verbe nous manque ; philosopher est dire ce qui ne se laisse pas dire » - Adorno - « Fehlen uns die Worte ; Philosophie ist : sagen was sich nicht sagen läßt » ; tandis que la théologie en serait l'antithèse : « Nous taire, tel est souvent notre devoir ; car les noms divins manquent » - Hölderlin - « Schweigen müssen wir oft ; es fehlen heilige Namen ». Mais pour ceux qui préfèrent la couleur à la géométrie, le chant à la déclamation et la danse à la marche, bref - l'esthétique à l'éthique, il reste d'autres échappatoires à l'angoisse devant le silence.
action,angoisse,beauté,bien,danse,esprit,goût,inconnu,langue,musique,…

noblesse
Le surhomme a la même généalogie en amont que l'homme grégaire (celui-là serait un ruminant comme les autres, mais sachant digérer le malheur). En aval, le second est beaucoup plus prolifique. Le bleu du ciel se dilue dans le temps comme le bleu des yeux et du sang. Ce même doux azur, qui comme le dit quelque part Hölderlin, baigne et le bel arbre et la pure ogive, qu'on n'admire simultanément qu'en ruines, cet édifice, dans lequel se réfugie le faible.
arbre,bonheur,élite,étoile,force,mouton,ruines,temps

noblesse
Il y a gros à parier, que ce n'est pas à l'horizon que se profileraient mon salut ou ma damnation (et si Hölderlin : « le lointain du salut par le signe » - « die Ferne rettender Winke » visait la hauteur ?). Ce serait plutôt près de mes pieds, où viendrait s'agenouiller le meilleur de moi, toujours chevaleresque et la tête basse, toujours vaincu et l'âme haute.
âme,consolation,défaite,étoile,hauteur,proximité,soi

noblesse
L'aristocratisme n'est pas dans ce que j'hérite, mais dans ce que j'engendre ; j'hérite ce que mon soi connu m'énumère, j'engendre ce que mon soi inconnu chante dans son être. Au procès de ma vie, il ne suffit pas d'être témoin : « Afin qu'il témoigne d'avoir hérité ce qu'il est » - Hölderlin - « Damit er zeuge, was er sei, geerbt zu haben » - il faut aussi savoir me mettre dans la peau d'accusé ou dans les oripeaux de juge.
bien,commencement,danse,inconnu,soi,vie

noblesse
Le dépassement, nietzschéen ou populaire, en tant que mode de propulsion vers le surhomme ou le superman, est une démarche des Fermés : en-deçà de la frontière, on peut espérer une fraternité artificielle, et au-delà - une plate satisfaction de la volonté de puissance. Ô combien plus noble est l'homme Ouvert, qui se fiche des dépassements, et vit de l'intensité de l'élan, l'attirant vers sa limite, qui ne lui appartient pas ! Chez les Fermés, tout passage à la limite les laisse avec et en eux-mêmes. Une définition d'Ouvert, mathématiquement rigoureuse, se trouve chez un poète : « Sans cesse un désir, vers ce qui n'est point lié, s'élance »** - Hölderlin - « Immer ins Ungebundene gehet eine Sehnsucht ».
artificiel,force,fraternité,frontière,ouvert,soi

noblesse
Que doit-on exiger des commencements, dont on vit et/ou qu'on (re)crée ? - la même chose que la nature attend d'une source - d'être en hauteur : « Que tu commences avec ton propre azur ou celui du ciel » - Hölderlin - « Mit der unsern zugleich des Himmels Bläue beginnen ».
commencement,création,hauteur,nature

noblesse
La même noblesse anime les grands poètes ; elle peut se manifester par attachement aux mots (le talent et l'âme), aux courants d'idées (l'intelligence et l'esprit), aux formations politiques (le besoin de reconnaissance et la raison). Byron, Chateaubriand, Rilke se contentèrent du premier volet, Hölderlin, Nietzsche, Valéry y ajoutèrent le deuxième, Hugo, Maïakovsky, Aragon – le troisième. Goethe fut le seul à tenter tous les trois, comme notre contemporain, refusant les titres de poète et de héros, R.Debray.
âme,cité,esprit,idée,intelligence,mot,poésie,raison

noblesse
L’originalité dans la profondeur n’est qu’universalité, c’est-à-dire le savoir et l’intelligence. « L’originalité, pour moi, c’est l’intériorité, la profondeur du cœur et de l’esprit » - Hölderlin - « Mir ist Originalität Innigkeit, Tiefe des Herzens und des Geistes ». Mais toutes les profondeurs finissent dans l’extériorité. La seule originalité atemporelle se trouve en hauteur, dans le talent et la noblesse.
cœur,esprit,hauteur,intelligence,platitude,savoir,style,temps,universel,voix

sénèque
Non scholae, sed vitae discimus.

Ce n'est pas pour l'école, mais pour la vie, que nous étudions.
noblesse
Puisque la vie nous pourvoit de prébendes, l'école étant surtout le lieu des châtiments. Dommage ! Je suis à l'école, lorsque je me sens digne d'un fouet ; je suis aspiré par la vie, lorsque je me sens grandi et libre. « Qui touche au plus profond, s'attache au plus vivant » - Hölderlin - « Wer das tiefste gedacht, liebt das lebendigste ». Plus ma pensée est haute, plus facilement je quitte la vie terrienne pour l'art aérien. Cicéron tombe dans le même travers : « La philosophie : non l'art des mots, mais celui de la vie » - « Philosophia : non verborum ars, sed vitae » - la vie est pleine de bruits ; la philosophie, par son amplitude, entre le haut regard et l'intelligence profonde, en dégage la musique. En dehors de nos pulsions, qu'est-ce qui se rapproche le plus de la vie ? - l'art des mots !
art,auteur,création,école,élan,éléments,grandeur,hauteur,honte,liberté,…

hölderlin f.
Weil ich anfangslos mich fühle, darum weiß ich, daß ich endlos bin.

Je sais, que je suis sans fin, puisque je me sens sans commencement.
noblesse
Celui atteint la plus grande hauteur qui sait, que ni le premier ni le dernier pas ne lui appartiennent. « Le dernier mot revient toujours à de la non-maîtrise » - Derrida. De fermes contraintes assurent l'élasticité du but : « Le fond que tu peux atteindre n'est jamais le vrai fond » - Lao Tseu.
commencement,être,hauteur,maîtrise,style

hölderlin f.
Man kann auch in die Höhe fallen, so wie in die Tiefe.

On peut chuter aussi bien en hauteur qu'en profondeur.
noblesse
L'anodine et monotone chute en profondeur ne promet pas d'azur, que des bleus sans lendemain et le glissement vers une platitude finale. À moins qu'on y cherche la hauteur : « Il me faut monter en profondeur »** - Nietzsche - « Ich muß in die Tiefe steigen ».
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proximité
Ce chapitre doit son titre au pouvoir prochain de Pascal. Cette anti-grâce inefficace interdisant au mystère (la foi, l'amour) de s'interpréter en problème (la prière, le sacrifice), et au problème - de se réduire à la solution (le rite, la fidélité). En plus, ce fut la métaphore centrale de Hölderlin, qui dans la tension proche - lointain voyait les mêmes ressorts que dans péril - salut.
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proximité
L'homme n'a plus besoin de guide pour aller au diable. Dieu est le sentiment d'exil, mais l'homme adopta sa patrie - dans la machine. Les titans programmés évinçant les dieux imprévisibles. Des « êtres de fer » (Hölderlin) ne mèneraient qu'en enfer, des « êtres de la Lettre » nous mèneront au non-être.
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proximité
On voit dans l'homme (ou dans le vivant) la meilleure preuve de l'existence de Dieu, et l'on a raison. Mais arrivent les hommes - pour Le traîner dans l'église, le surhomme - pour se substituer à Lui et, surtout, le sous-homme - pour Le placer dans le troupeau ou la machine. Les dieux présents sont sans intérêt : « Seule l'absence divine aide » - Hölderlin - « Gottes Fehl hilft ».
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hölderlin f.
Vater, so nah so fern, so sublim und verwandt.

Ô Père, aussi proche que lointain, si sublime et si familier.
proximité
L'éloignement sublime, vécu comme une proximité toute familière, ne serait-ce signe que l'Esprit fécondât l'âme ? Cette rencontre des extrêmes, ne serait-ce l'éternel retour du même Fils, même prodigue ?
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hölderlin f.
O ein Gott ist der Mensch wenn er träumt, ein Bettler, wenn er nachdenkt.

L'homme est Dieu par son rêve, mendiant - par sa raison.
proximité
Ratio essendi, desperatio cogitandi. Dieu se serait incarné, semble-t-il, dans un mendiant rêveur, dont s'accommodent, aujourd'hui, les nantis et les robots. Le plus beau rêve est une prière, une sainte mendicité, qui, à défaut du ciel, permet d'acquérir le seuil de la hauteur. L'homme redécouvrira le rêve, le jour où les machines penseront à sa place.
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hölderlin f.
Die dürftige Zeit : das Nichtmehr der entflohenen Götter und das Nochnicht der Kommenden.

Le temps de détresse : le déjà-plus des dieux en fuite, le pas-encore des dieux, qui débarquent.
proximité
C'est un temps béni, où, enfin, on comprend « à quoi sert le poète en temps de détresse » (« wozu Dichter in dürftiger Zeit »), poète, qui pourrait préparer le vide, où retentiraient les voix des nouveaux dieux. D'autres ne font que couvrir les murs de pieuses images, en remplir l'espace de litanies ou ériger des toits, nous séparant des étoiles. Ce vide est un silence sacré, une pureté habitée
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hölderlin f.
Wo aber Gefahr ist, wächst das Rettende auch.

Dans le péril croît ce qui sauve.
proximité
« Là où le péché s'est multiplié, la grâce a surabondé » - St-Paul. C'est une illusion d'optique du rebelle. Le salut par négation, par défi du péril, est aussi douteux que la damnation pour affirmation, pour option aléatoire. On devrait se sauver par un oui insensé et se damner pour un non calculé.
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russie
Le Christ, dans la perception européenne, est une figure fondamentalement apollinienne ; chez les Russes, il est hautement dionysiaque. Le Christ russe, pitoyable, en compagnie du Grand Inquisiteur, ou le Christ, assisté de Torquemada, frère d'Héracles (Hölderlin), ou prêtant son âme à César (le surhomme de Nietzsche).
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russie
L'Allemand est obsédé par la mesure, il y réduit même son idéal, la pureté (« le brut aussi a besoin de mesure, afin que le pur se reconnaisse » - Hölderlin - « unter dem Maße des Rohen brauchet es auch damit das Reine sich kenne ») ; le Français se pavane avec ses outils de mesurage et les appelle esprit ; le Russe se veut être la mesure même, pour n'évaluer que le démesuré - la douleur, la bonté, la solitude.
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russie
L'esprit universel français (Montesquieu), le cœur sacré des peuples (Hölderlin - heiliges Herz der Völker), l'âme vaste du Russe (Dostoïevsky - размах русской души), - on s'y trompe d'adjectif : l'esprit doit être vaste, le cœur - universel, et l'âme - sacrée.
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russie
La seule philosophie russe valable, celle de la profondeur de Dostoïevsky ou celle de la hauteur de Chestov ou Berdiaev, est vitaliste et poétique, exactement comme celle de Nietzsche ou de Heidegger, qui retournent vers Héraclite ou Hölderlin et se débarrassent de la lourdeur, sans vie ni poésie, des Kant, Hegel, Schopenhauer.
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solitude
Je commençai par des vues et hurlements d'un loup solidaire et je fus propulsé, par un enchaînement de chutes et presque malgré moi, vers la hauteur des requêtes solitaires, puisque, dans les platitudes terrestres, personne ne sollicita ni ma voix de lycanthrope ni mon regard. Depuis, je compris, qu'on ne monte pas vers la hauteur, on y tombe (Hölderlin).
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solitude
Cultiver l'âtre, au milieu des ruines, mon défi phonétique à l'être (comme le Paraître le fut pour Pyrrhon, le Non-Autre pour le Cusain, le Naître - après Sein und Schein - pour Nietzsche, l'Outre pour Bakounine, comme l'Autre pour Levinas ou le Neutre pour Blanchot). Les contraires logique (le Urteil de Hölderlin), spatial (le néant de Sartre) ou temporel (la Zeit de Heidegger) sont moins chauds et plus ternes.
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solitude
Pour sentir le vrai miracle de la vie, il faut être plongé, sans retour, dans une noire solitude et s'être rendu définitivement à la certitude de l'absence de tout dieu, qui donnerait un sens à tant de vide autour de ton corps, de ton cœur, de ton âme. Pour juger de la valeur de la vie, faut-il frôler, sur le même axe, un point tendant vers la mort ? « Être seul, sans dieux, voilà la mort » - Hölderlin - « Allein zu sein, und ohne Götter, ist der Tod ».
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solitude
Le regard personnel sur les valeurs universelles – telle est la mince consolation de la solitude. D’autres en font même la seule condition d’une vie intense : « Sans vues universelles et sans regards ouverts sur le monde la vie individuelle ne peut exister » - Hölderlin - « Ohne Allgemeinsinn und offnen Blick in die Welt kann das individuelle Leben nicht bestehen ».
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hölderlin f.
Was kümmert mich der Schiffbruch der Welt, ich weiß von nichts als meiner seligen Insel.

Je me fiche du naufrage du monde, je me réfugie dans le bonheur de mon île déserte.
solitude
Tu es amnésique : tu fus jeté par-dessus bord ou voulus te noyer, avant de te retrouver sur ces plages. Et le monde continue sa croisière, sans remarquer la moindre perte, le moindre appel au secours, le moindre drapeau blanc. Personne ne fut au courant de ton Apocalypse joyeuse.
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hölderlin f.
Wer leicht sich mit der Welt entzweit, versöhnt sich auch leichter mit ihr.

Qui s'écarte facilement du monde, facilement se réconcilie avec lui.
solitude
Bien connaître mes différences rend l'unification plus vivante et riche. Mais si l'écart me pousse jusqu'à ma tour d'ivoire ou mes ruines, je suis perdu pour l'unification et sauvé pour la paix : personne ne viendra m'assiéger. Et mon soi connu, belliqueux au milieu de ses soucis terrestres, cherchera toute sa vie à se réconcilier avec mon soi inconnu, détourné du monde des forts et absorbé par la résignation des étoiles, en accord avec tout l'univers.
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souffrance
En hauteur, la joie et le deuil ne se séparent pas ; pourtant, c'est uniquement la joie qu'on devrait y chanter. « Beaucoup essayèrent de rendre joyeusement la plus haute joie ; à moi, elle s'exprime en larmes » - Hölderlin - « Viele versuchten das Freudigste freudig zu sagen ; es spricht mir sich in der Trauer aus ».
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souffrance
Je sais que ne chantent sincèrement l'espérance que les faiblards moribonds ; pour retrouver de la force vivifiante, rien de plus stimulant que le désespoir (la toute-puissance d'un désespéré de Hölderlin, die Allmacht eines Verzweifelten).
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souffrance
La prosaïsation du monde est due peut-être à la disparition de la souffrance noble. « Le concert du monde n’est perçu divinement que du fond de la douleur » - Hölderlin - « Das Lebenslied der Welt tönt uns göttlich erst in tiefem Leid ».
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souffrance
La souffrance me rend plus sensible au vague appel du Bien ; mes mots-échos, au début nus et naïfs, se mettent à rechercher des habits de la Beauté. C'est ainsi que se produit la fusion entre la vie et l'art, dont le Bien restera la victime muette d'un triomphe de la Beauté, préparé par une souffrance. Ce chemin fut parcouru par Hölderlin, Dostoïevsky et Nietzsche.
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cervantès m.
A todos los desdichados sobra, a los cuales suele ser consuelo la imposibilidad de tenerle.

Aux malheureux sert de consolation l'impossibilité de pouvoir être consolés.
souffrance
L'espoir berce le naïf, le désespoir tient en éveil le sage. Et la pire détresse serait l'absence de détresses (Hölderlin). « La vérité du bonheur naît sur le fond de l'échec »*** - Jaspers - « Die Wahrheit des Glücks entsteht auf dem Grunde des Scheiterns ». Le désespoir du naïf, c'est le bonheur qui s'en aille ; l'espoir du sage, c'est l'art de supporter le malheur. « Malheureux est celui qui ne sache pas supporter son malheur » - Bias – le désespoir n'est écrasant que si l'on manque d'espérances impondérables.
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hölderlin f.
Wer auf sein Elend tritt, steht höher.

Celui qui surmonte sa douleur monte plus haut.
souffrance
Quand on la vit dans un élément liquide, on s'en laisse submerger. Avec du solide, on se bronze ou se brise. Le feu nous consume. Enfin, avec de l'aérien, on a une promesse de hauteur, qu'on atteint par son regard ailé. Toutefois, toute épaule de géant est bonne pour notre vue hautaine.
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hölderlin f.
Alle Trauer ist nur der Weg zu wahrer heiliger Freude.

Toute tristesse n'est que le chemin vers la vraie joie sacrée.
souffrance
La tristesse est bon firmament, mais mauvais chemin ; elle se suspend au-dessus de l'inaccessible, qu'elle aide à garder sacré. Cyclothymie de hauteur. La joie sacrée s'appellerait-elle nostalgie ? Un livre sans nostalgie ? - c'est un portrait sans les yeux ou sans la bouche !
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vérité
Toute griserie est contre-indiquée, pour constater une sobre propriété des propositions grammaticalement correctes, qui s'appelle vérité. Mais chez ceux (Hegel, Schelling, Hölderlin) qui ignorent, que ce breuvage archi-neutre n'a rien d'alcoolisé, sa consommation est décrite comme une bacchanale délirante. Voilà où mène l'incompétence dans le choix de flacons.
ironie,langue
Hölderlin F.