Baudelaire Ch.
 
 
 

action
Les grands projets que forme un homme : c'est la femme qui les lui inspire, c'est la femme qui l'en empêche. C'est pourquoi elle était plus proche du rêve : beau sujet que vous chantiez au lieu de mettre vos projets en chantier. Le calcul est naturel ; la femme et la poésie sont invention même ; le goût du paraître et le dégoût pour l'être ; Baudelaire (« la femme est abominable parce que naturelle ») ne le comprit pas.
bassesse,être,femme,goût,haine,nature,poésie,raison,rêve,simplicité

baudelaire ch.
Un monde, où l'action n'est pas la sœur du rêve.
action
C'est le meilleur des mondes ! Quoique leur père, le néant, soit le même, leurs mères, la basse nécessité et la haute liberté, se haïssent et s'ignorent ; elles ne s'entendent que dans la platitude : « Que tes actions et tes paroles s'harmonisent » - Sénèque - « Facta dictaque tua inter se congruant », ce qui n’est possible que dans le bavardage. « La brièveté est la sœur du talent » - Tchékhov - « Краткость - сестра таланта ».
commencement,esprit,être,haine,hauteur,liberté,mot,nécessité,platitude,rêve

baudelaire ch.
À quoi bon exécuter des projets, puisque le projet est en lui-même une jouissance suffisante.
action
Pour exécuter un beau projet, il suffit, qu'un sujet nécessaire sache jouir des objets superflus. Le pire des projets est quand le sujet est suffisant et les objets nécessaires.
bonheur,concept,nécessité

amour
Être poète, c'est être amoureux ; mais la poésie procède par phylogenèse, en quittant l'espace, et l'amour, en quittant le temps, est ontogénétique. Les prosateurs consolident, les poètes rendent impondérable. Aimer d'un poète, c'est se sculpter, ou sculpter ses divinités, être, au choix, Narcisse ou Pygmalion. « Les polissons sont amoureux, mais les poètes sont idolâtres » - Baudelaire.
platitude,poésie,soi,temps

amour
L'amour n'est beau que quand il se résigne à être un éternel élève ; l'amour-maître, l'amour qui parle soi-disant son langage, est un imposteur. Il n'a pas de mots à lui ; il plagie et pille les vocabulaires finis de notes, pour en tapisser la voie vers un infini purement musical. La langue natale de l'âme (Baudelaire) ne comprend que des interjections.
acquiescement,âme,beauté,inconnu,langue,maîtrise,mot

amour
La volupté est dans l'acte furtif et aveugle, et non dans le rêve absent ; mais l'acte est rare en amour qui vit du rêve, d'où le spectre de la souffrance, qui hante l'amour. Et l'acte, hélas, c'est le mal : « Dans le mal se trouve toute volupté » - Baudelaire.
action,mal,rêve,souffrance

amour
La consolation est affaire de la liberté et non pas de la volonté ; la liberté parfume l’espéré, la volonté inhume l’évaporé. Le cas le plus dramatique est celui d’un amour enseveli, faute de liberté ressuscitante : « Le beau valet de cœur et la dame de pique causent sinistrement de leurs amours défunts » - Baudelaire.
cœur,consolation,espérance,liberté,mort

art
L'art est un haut courant, dont on ignore la source. La virtuosité ou la maîtrise guident le parcours du fleuve, mais seul le génie porte à l'océan le message de la source. Comme la source, l'âme n'a pas de langage à elle (pas de sa douce langue natale - Baudelaire) ; seul le magnétisme d'un outil sourcier crée l'illusion d'un courant d'âme.
âme,commencement,hauteur,inconnu,langue

art
L'explication de la dégénérescence de l'art se trouve quelque part dans les rapports entre l'âme, l'esprit et la réalité. Jadis, une distance salutaire séparait l'artiste du réel ; aujourd'hui, c'est le réel qui envahit toutes les âmes et tous les esprits. L'art a beau continuer à se réclamer de l'âme, mais l'âme elle-même n'est plus qu'un pâle reflet de la réalité. Et lorsqu'on cherche la source ailleurs, on se trompe et de lieu et de dimension : « Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l'abîme, ô Beauté ? » - Baudelaire - comme si le ciel avait une autre dimension que la hauteur et que posséderait l'abîme !
âme,axe,consolation,esprit,étoile,hauteur,réalité

art
Les philosophes insensibles à la poésie (les légions de professeurs), ou les poètes impuissants en prose (comme Baudelaire, Rimbaud ou Mallarmé) font douter de l'universalité de leur don. Les poètes complets mettent de la poésie en tout, y compris dans la prose : Shakespeare, Goethe, Pouchkine, Lermontov, Hugo, Rilke, Valéry, Pasternak. La poésie comme genre ayant sombré, la poésie comme tonalité discursive ne peut plus se pratiquer qu'en philosophie.
modernité,philosophie,poésie,style,universel

art
L'idéal, jamais atteint, d'une écriture noble, la rencontre des trois dons : du ton, de l'intelligence, du style ; trois hommes brillent, chacun sur sa facette respective de ce faisceau, sans déborder vraiment sur les autres : Nietzsche, Valéry, Cioran. Et le talent consiste peut-être dans l'art de créer la sensation de plénitude en escamotant les fâcheuses lacunes. Pour cela, il faut prendre du recul, ou de la hauteur, par rapport au réel, se mettre à une grande distance de soi-même, adopter le ton du revenant (que Baudelaire entendait chez Chateaubriand), pour rester pur, pour ressembler à l'ange.
ange,esprit,hauteur,idée,intelligence,noblesse,proximité,style,vide

art
L’élan, la beauté, la noblesse surgissent de la forme et non pas de l’idée. Et même si Baudelaire a raison : « Parce que la forme est contraignante, l’idée jaillit plus lumineuse », il vaut mieux contraindre par des idées filtrantes, pour que la forme jaillisse, portant nos ombres !
beauté,contrainte,création,élan,filtre,idée,noblesse,ombre,style

art
L’art sobre glace par l’insignifiance du monde qu’il décrit ; l’illusion de grandeur ou la consolation noble ne peuvent venir que d’une ivresse : « L’ivresse de l’art est plus apte à voiler les terreurs du gouffre » - Baudelaire.
angoisse,consolation,grandeur,nature,noblesse

art
La poésie – l’enveloppement musical d’une image, d’un état d’âme, d’une impression, d’une mélodie ou d’un rythme. Leur développement discursif, inévitablement, sera de la prose, qui est un métier à part ; c’est dans ce piège que tombèrent Baudelaire et A.Rimbaud, dans leurs exercices hors rimes et mesures.
âme,balance,défaite,discursif,musique,poésie

art
Une œuvre d’art a deux sources – l’homme et l’auteur, le moi connu et le moi inconnu ; le second inspire des élans et des ombres ; le premier tente de les représenter. Et puisque l’auteur, aujourd’hui, disparut, il n’y a plus de conflit possible entre l’auteur et l’homme ; tout doit être attribué à l’homme, aussi bien ses copies du réel que ses tentatives de délires. Ni Baudelaire ni Flaubert ni F.Céline ne peuvent plus se justifier, en redirigeant les juges vers l’ange d’auteur, pour sauver la bête d’homme.
ange,élan,inconnu,lutte,modernité,ombre,réalité,représentation,soi

horace
Neque semper arcum tendit Apollo.

Apollon ne tend pas toujours son arc.
art
Il l'eût pu, il manquerait de flèches. Sans l'arc, il se rapproche d'Arès, comme tous les mortels. Pouchkine le comprenait, pas Baudelaire. L'Hyperboréen apollinien est avec le dieu aux loups et aux cordes sans flèches, à contretemps de Dionysos.
beauté,flèche

baudelaire ch.
Le poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l'archer ;
Exilé sur le sol, au milieu des huées,
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.
art
Les images d'épicier, les rimes d'instituteur, les pensées de fat – tout pour épater des proustiens ou maurrassiens, repus, sirupeux et huileux. D'après Pouchkine, l'archer, c'est Apollon. Sur le sol, les ailes du poète restent invisibles, ou ne font que cacher ses bosses. Partout est exilé le poète ; « Sur terre, l'étouffe la ceinture céleste ; au ciel - la ceinture terrestre »* - Kafka - « Will er nun auf die Erde, drosselt ihn das Halsband des Himmels, will er in den Himmel, jenes der Erde ». Aux yeux aquilins, flairant les souris cachottières, préfère le regard de chauve-souris, fuyant les nuées trop claires.
beauté,ennui,étoile,exil,flèche,gloire,idée,ombre,platitude,poésie

baudelaire ch.
Toute littérature, qui se refuse à marcher fraternellement entre la science et la philosophie, est une littérature homicide et suicide.
art
Les demi-frères s'entendent rarement (l'esprit volage fréquente la nécessité, la raison ou l'illusion - où commence la bâtardise ?). La science fait découvrir la beauté de tout ce qui conduit à l'homme ; la philosophie illumine la beauté de l'homme seul ; la littérature en sacre l'exil (ce siècle d'ennui ne s'intéresse qu'aux avortons : sciences, philosophie ou littérature - sociales !?). Le contraire du suicide en littérature s'appelle réification.
beauté,esprit,étonnement,exil,fraternité,mort,philosophie,science,solitude

baudelaire ch.
Hachez l'œuvre en nombreux fragments, et vous verrez, que chacun peut exister à part.
art
Et pourtant on continue à débiter des ergotages, en d'assommants défilés d'objets réunis en de fades unités. Quand on s'aperçoit, que les mots les moins artistiques sont donc, car, et, ou on devrait, sur-le-champ, s'interdire tout récit. Les enchaînements qu'adorent les crétins d'aujourd'hui : « il reste à démontrer », « et là, tout bascule », « rien n'est moins vrai »…
balance,discursif,intelligence,maxime,mot,platitude,raison

debray r.
Le style est la revanche de ce que l'homme veut sur ce qu'il est.
art
Une revanche au goût amer, car, pour y parvenir, il faut passer par la débâcle de ce que l'homme doit ou l'embâcle de ce que l'homme peut. Le style est un rêve, qui vaut par le désir de ce qui n'est pas. Mieux on veut, plus on vaut, c'est mieux que : « Plus on veut, mieux on veut » - Baudelaire ou « Je vaux ce que je veux » - Valéry.
défaite,élan,être,soi,style,valoir

bien
Le mal n'est jamais dans une déviation, ni dans l'existence du chemin ni dans ses provenances ou destinations, - mais dans le cheminement même. À moins que le départ réel des pieds ne serve qu'à entretenir l'exil immobile et virtuel de l'âme : « Les vrais voyageurs sont ceux-là seuls, qui partent pour partir » - Baudelaire.
action,âme,chemin,commencement,exil,mal

bien
Ils ont beau aller au-delà du beau et du hideux (Baudelaire), ou du Bien et du mal (Nietzsche), la bonté et la beauté, inséparables de l'âme, nous rattrapent tous. Les plus obtus, ou les plus rapides, ou les plus sourds, s'imaginent y tomber seulement sur le vrai livide ou sur l'être insipide et se mettent à hurler à la mort de Dieu, tandis que, par cette fission, c'est leur propre vie qui fiche le camp au profit de la seule cervelle.
âme,beauté,dieu,mal,mort,vie

bien
Deux lamentables artifices, fondés sur une négation mécanique : Baudelaire et Nietzsche, s'imaginant qu'en renonçant au beau ou au bon, on puisse les rejoindre, les réinventer ou les réévaluer au-delà du Bien et du sublime, qui, eux, sont toujours en-deçà de nos épidermes, cervelles et âmes.
âme,artificiel,beauté,erreur,négation,vérité

bien
Ce qui, matériellement, existe aurait dû se confier à la technique et à la routine ; l'art créateur, lui, aurait dû s'attarder surtout sur ce qui n'existe pas : Dieu, l'amour, le Bien – bref, la musique éphémère défiant le bruit du réel. Et alors on comprendrait Baudelaire : « Le Bien est toujours le produit d’un art ».
amour,art,création,musique,réalité,robot

baudelaire ch.
Connais-tu le Remords, aux traits empoisonnés,
À qui notre cœur sert de cible ?
bien
Les bonnes consciences, servant d'antidote aux cœurs en bronze, se moquent du poison, et les carquois mêmes du remords sont vides, du remords pacifié et désarmé.
cœur,conscience,flèche,hommes,honte

dostoïevsky f.
Сознание, что тебя стоит высечь, - есть уже начало добродетели.

La conscience que tu mérites le fouet est le commencement de la vertu.
bien
Beaucoup de vices commencent par la conviction que d'autres le méritent. Nietzsche, pour se faire rosser, n'allait vers la femme qu'avec un fouet. Baudelaire fut encore plus indépendant : « Je suis le soufflet et la joue ». Pour être libre, rien de plus efficace que la honte : « Je suis esclave par mes vices, et libre par mes remords »* - Rousseau.
commencement,femme,honte,liberté,mal,nihilisme

cité
J'ai un goût pour la liberté du faible, du vaincu, de l'ange : Leopardi, Lermontov, Cioran. La liberté prônée par Goethe ou Baudelaire, liberté du fort, du gagnant, du démon, Lucifer ou Léviathan, - est grégaire, en seconde lecture.
ange,auteur,défaite,force,liberté,mal,mouton

doute
Ceux qui vivent de et dans la lumière humaine et ne produisent que de la lumière modérée finissent dans la grisaille commune. Attiré par la lumière divine, le poète peint ses ténèbres inimitables, exaltées et ascendantes. Je ne suis pas fier de ces lignes baudelairiennes, aux valeurs inversées.
art,auteur,dieu,élan,hommes,ironie,mouton,ombre,poésie,voix

doute
Que Baudelaire est bête, en pensant que, en peinture : « chaque nouvelle couche donne au rêve plus de réalité ». Le rêve est le plus plein lorsqu’il reste irréel, inarticulé, indicible ; on ne le développe pas, pour le rapprocher du réel ; on l’enveloppe de caresses picturales, musicales ou verbales, qui le métamorphosent, en lui apportant de la noblesse et de la hauteur, absentes dans le réel.
art,caresse,discursif,hauteur,inconnu,mot,musique,noblesse,proximité,réalité,…

hommes
Si je me soucie de mon propre arbre autant que de la forêt humaine, je mettrai à côté de la Haine du reproductif - ma Honte productive, et c'est sur cet axe que je composerai la musique de mes fureurs. Pour l'un des philosophes les moins musicaux, Spinoza, la haine et le remords furent les deux ennemis fondamentaux du genre humain. J'avoue y succomber, avec mon odium humani generis, et je vous laisse avec votre indifférence et votre paix d'âme. Le remords, si bien senti par Baudelaire, est une forme accidentelle, dont la honte est le fond primordial.
angoisse,arbre,auteur,haine,honte,musique,style

hommes
Le sens tragique est familier à l’Allemand, au Russe, à l’Espagnol, il est étranger au Français. Et je ne parle même pas de tragédiens de minauderies du XVII-me siècle ; prenez le souchien Baudelaire ou le métèque Cioran, tenants des couleurs sombres, - chez eux, aux ailes majestueuses succèdent des pattes boiteuses, à la chair sublime – la charogne. Ils ne comprennent pas, que la tragédie est tout près des ailes à peine faiblissantes et de la chair légèrement moins éclatante.
allemagne,espagne,force,france,ombre,proximité,russie,tragédie

baudelaire ch.
Je m'ennuie en France, parce que tout le monde y ressemble à Voltaire.
hommes
Tu serais heureux aujourd'hui, en France, où tout le monde te ressemble, à toi et à tes acolytes, à des B.-H.Lévy, J.-L.Servan-Schreiber, A.Glucksmann, A.Minc, Ph.Sollers. L'écrivain, ce n'est pas sa didactique, mais ses métaphores. Et le bon vieil archer de Voltaire se rit de vos flèches imprudentes.
art,discursif,ennui,flèche,france,métaphore,universel

intelligence
Un savoir bien digéré ne produit que de viriles, ironiques et hautes métaphores. « Il ne faut pas attacher le sçavoir à l'âme, il l'y faut incorporer » - Montaigne. Baudelaire aurait pu être un Nietzsche français (tandis que Proust n'en avait aucune chance, n'ayant ni le talent ni la noblesse ni le savoir), si ses boutades étaient rehaussées d'un peu plus d'ironie distante ; celui-ci choisit le bien du Crucifié pour contrainte négative, tandis que celui-là se ridiculisa avec le beau à nier. Le français pousserait à prendre parti, ce qui expliquerait l'échec des tentations nietzschéennes de Valéry.
beauté,bien,défaite,france,hauteur,ironie,métaphore,pose,proximité,savoir

intelligence
La bonne philosophie s'attaque aux mystères pour les traduire en problèmes ; la science produit des solutions aux problèmes ; le poète, dans des solutions, découvre un nouveau mystère. C'est ainsi que le poète est le point zéro du bon philosophe. « Plonger au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau » - Baudelaire. Les autres se contentent de l'ancien, dans la platitude du connu.
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ironie
Des chemins, dont les pieds du goujat éprouvent le prurit, il y en a hors de toute poussière, pierraille ou bitume ; mais le mode de déplacement, sur ceux-ci, n'est point la marche, mais la danse, le vol ou la chute : le voyage est bon, « pourvu que ce soit hors du monde »** - Baudelaire.
action,chemin,danse,défaite,rêve

baudelaire ch.
Deux qualités littéraires fondamentales : surnaturalisme (intensité, sonorité, vibrativité, profondeur) et ironie (dédoublement).
ironie
La profondeur et l'ampleur résument le talent, et la hauteur du regard – la noblesse. Le sérieux - aux sédentaires ; l'ironie, c'est le ton de revenants. Le dédoublement est ton absence provisoire dans le réel, qui n'est jamais ironique. Le nomadisme des positions ; le culte de la pose.
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mot
Ah, que ne puis-je subjuguer avant de conjuguer ! Mais ma sorcellerie évocatoire (Baudelaire) se brise sur l'usage, avant d'étaler mon présage.
auteur,goût,langue,liberté

noblesse
Être concerné par toutes les choses, c'est le credo de ces touche-à-tout de Rimbaud, Hofmannsthal, Mallarmé, Keats, Kafka, A.Breton ; ils n'ont pas de filtres, que des amplificateurs ou transformateurs leur assurant une hygiène de l'ennui (Baudelaire). Le travail filtrant : approche, attouchement, vibration - éliminer, maîtriser, vivre. Celui qui a un regard vibrant a rarement des yeux vibrionnants, contrairement à ceux qui pratiquent un « nomadisme intellectuel : les yeux, qui partout se nourrissent » - Emerson - « the intellectual nomadism : the eyes which everywhere feed themselves ». Je préfère les ascètes et les esthètes : « J'ai un goût sans prétention : les meilleurs me suffisent » - Wilde - « I have a modest taste : the best of the best is enough for me ».
élite,ennui,filtre,goût,regard,sentiment,universel

noblesse
Le renversement ou le retournement des valeurs, auxquels m'invitent Baudelaire ou Nietzsche, inévitablement, prendront l'aspect mécanique, comme négations ou changements de signes. Lire les valeurs des autres et les renverser est un travail ingrat et sans grâce ; il faut inventer mes propres unités de mesure, ma propre balance et ma propre lecture des empreintes d'idées et de choses.
axe,balance,hommes,idée,interprétation,négation,robot

noblesse
Je devins vieux à l'âge de quinze ans ; je ne crus plus en la noblesse capable de triompher de la vulgarité. Toute la suite me donna raison ; je porte, intacte, ma démobilisation au fond de mes rides intempestives. Les aurores du soir me parurent plus nobles que les crépuscules du matin (Baudelaire). Je tenterai de mourir jeune à quatre-vingts ans (R.Char).
auteur,bassesse,commencement,défaite,enfance,mort,platitude

baudelaire ch.
Être un homme utile m'a toujours paru quelque chose de hideux.
noblesse
En pestant contre l'utile, tu es aussi bête que Th.Gautier ou Leopardi. Hideux est ce qui blesse l'âme, mais l'utile ou l'inutile y ont des parts égales. Et l'immense majorité des choses utiles (ou inutiles) n'entre dans aucun contact avec l'âme. Il vaut mieux les exclure de tes horizons.
action,âme,art,beauté,balance,bassesse,utilité

baudelaire ch.
Dans un monde privé de la profondeur des lointains, la poésie brille comme un astre sans atmosphère.
proximité
Donc, d'un grand éclat. Dans ce monde, doté d'une profondeur familière, l'atmosphère étouffante serre l'âme, et la poésie y est un lampion éteint.
âme,étoile,hauteur,ombre,poésie

russie
La musique de la vie est toujours nostalgique : face à l'enfance trop lointaine, à l'espérance trop haute, à la faiblesse trop profonde ; mais son bruit est triste, monotone ou cynique. Un artiste peut renoncer à reproduire le bruit et à ne produire que de la musique ; c'est ce que fait Cioran. Mais la musique de Tchékhov est plus ample, puisqu'elle comprend le bruit, dont l'horreur ou l'ennui sont joués, en contre-point, par sa musique. Face à l'Europe, le Russe reconnaît volontiers se trouver au milieu d'« une oasis d'horreur dans un désert d'ennui » - Baudelaire.
art,désert,enfance,ennui,europe,hauteur,mélancolie,musique,vie

russie
La métaphore russe est toujours barbue, tandis que « la métaphore française porte des moustaches » (Baudelaire). Le hussard et le moine, le sabre et le goupillon, les toits et les cellules. Parfois unis : père de Foucauld et père Serge.
métaphore,religion,solitude

russie
Les grands artistes russes ne se mêlaient jamais à la multitude. Quel contraste avec l'Europe, où l'incrustation de fait se faisait sans peine et en pleine foire ! Pascal et son commerce de fiacres, Baudelaire, avec son Moniteur de l'épicerie, Claudel et la Mystique des bijoux Cartier, et même Valéry aux Louanges de l'eau de Perrier. Et pourtant, le héros russe le plus byronien, Eugène Onéguine, se moque d'Homère et admire A.Smith.
art,europe,mouton,hommes

baudelaire ch.
Qui ne sait pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée.
solitude
Ta solitude s'anime de la danse des fantômes, cette même danse, qui te fait ignorer la morne marche des hommes. Qui sait baisser les yeux de l'esprit, saura élever le regard de son âme. Qui sait créer partout ses propres déserts, vivra de ses propres mirages.
âme,danse,désert,esprit,hommes,rêve

souffrance
Toutes les sources de lumière sont répertoriées, classées, explorées ; gaspiller son énergie à en rechercher de nouvelles est ingrat et bête. À la limite - en inventer un jaillissement, mais, surtout, en imaginer un approfondissement des ombres, découvrir un angle de vue, sous lequel la lumière est de la pure souffrance et les ombres - de la pure joie. « La souffrance, un divin remède de nos impuretés » - Baudelaire - la pureté de l'ombre est de ne pas être en-dessous de la lumière et de ne pas chercher à passer pour celle-ci.
ange,bonheur,étonnement,ombre

vérité
Aller au-delà de la pensée et de la connaissance (Plotin), du beau et du hideux (Baudelaire), du bien et du mal (Nietzsche) ne devient possible que grâce au regard, qui va au-delà du vrai et du faux : au-delà des valeurs on trouve leur rêve prévalent, moitié vrai moitié faux, on y trouve leur fontaine, digne qu'on continue à mourir de soif à côté d'elle. L'appel ou la conscience de l'au-delà, ne seraient-ils pas la définition même de la poésie ? Si la prose est une physique de l'écriture, la poésie en est une métaphysique.
axe,beauté,bien,idée,nécessité,poésie,philosophie,regard,rêve,savoir,…
Baudelaire Ch.